Le président français reçoit le chancelier allemand à déjeuner, mercredi, pour tenter de faire repartir le moteur franco-allemand, quelque peu grippé par plusieurs différends qui ont provoqué l’annonce, la semaine dernière, du report du Conseil des ministres franco-allemand.
Le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz vont tenter, mercredi 26 octobre, de relancer le tandem franco-allemand, plombé par une série de différends, de l’énergie à la défense, sur fond de guerre en Ukraine.
Le temps d’un déjeuner à l’Élysée, les deux dirigeants ambitionnent de “renforcer les coopérations franco-allemandes” et de répondre aux défis communs de “façon unie et solidaire”, a résumé mardi la présidence française.
Une ambition qui masque mal les divergences parfois béantes entre les deux premières puissances européennes et qui ont conduit au report de plusieurs semaines d’un Conseil des ministres franco-allemand, le premier d’Olaf Scholz, programmé le même jour près de Paris.
L’arrivée du chancelier à 12 h et le déjeuner, à 12 h 35, ne donneront d’ailleurs lieu à aucune déclaration, ni avant, ni après, selon le programme diffusé mardi soir par l’Élysée.
Sur la stratégie à adopter face à la flambée des prix énergétiques, le nucléaire, l’armement européen, rien ne semble plus aller entre Paris et Berlin. De quoi inquiéter en Europe, où le moteur franco-allemand reste une force d’entraînement majeure.
“Le couple franco-allemand diverge, il est donc paralysé”, s’alarme l’ancien Premier ministre et ministre des Affaires étrangères français Dominique de Villepin. “Nous ne pouvons pas nous permettre dans ce moment de l’Histoire de ne pas avoir une Europe unie et forte. Ça commence par un dialogue franco-allemand fructueux”, a-t-il averti vendredi sur la radio France Inter.
Virage de Berlin sur la défense
Les différends – notamment sur plusieurs projets industriels communs, de l’avion de combat au char du futur – se sont exacerbés depuis le début de l’offensive russe en Ukraine.
L’Allemagne, pays parmi les plus touchés en raison de sa dépendance au gaz russe, a entrepris “un changement de modèle dont il ne faut pas sous-estimer le caractère déstabilisateur”, analyse Emmanuel Macron.
Le chancelier Scholz a annoncé un plan d’aide de 200 milliards aux particuliers et entreprises face à l’envolée des prix, notamment du gaz après les coupures de livraisons imposées par la Russie. Ce plan, déroulé sans concertation avec ses partenaires européens, a provoqué une vive incompréhension et des craintes de distorsion de concurrence en Europe.
Après des décennies de sous-investissement, l’Allemagne a aussi opéré un virage à 180 degrés en matière de défense afin de faire de son armée “la force la mieux équipée d’Europe”.
Là aussi sans forcément œuvrer au renforcement de l’autonomie stratégique européenne prôné par Paris et encore moins à celui de la coopération militaro-industrielle franco-allemande. Berlin promeut ainsi un projet de bouclier antimissile européen, avec notamment une composante israélienne, concurrent de celui de Paris et Rome.
Pour nombre d’observateurs, cette panne est inhérente à toute relation où s’entremêlent ambitions européennes et intérêts nationaux, mais pas forcément rédhibitoire.
“Un mariage de nécessité”
“La réalité, c’est que c’est un mariage de nécessité”, souligne une source diplomatique française. “Ce n’est pas une crise fondamentale, c’est un bas de la relation”, ajoute-t-elle. “Macron, Merkel, ils échangeaient des SMS tous les jours, et là, je ne crois pas qu’ils se parlent tous les jours”, relève-t-elle encore.
Sur l’Europe, les deux dirigeants ont “pas mal de convergences”, même si le chancelier a peu parlé de la France dans son discours de Prague sur l’Union européenne fin août, souligne-t-on à Paris.
Olaf Scholz s’est alors engagé à soutenir un élargissement de l’Union européenne vers l’est et une UE à “30 ou 36 membres”, une approche beaucoup plus volontariste que celle de la France. Mais il a aussi plaidé, comme Paris, pour le passage à la majorité qualifiée sur un certain nombre de décisions européennes, de la politique étrangère à la fiscalité.
À Berlin, on préfère relativiser. “La France est notre alliée la plus proche. Ces derniers jours, il y a eu beaucoup de spéculations, mais je pense que beaucoup de choses ont été inventées de toutes pièces”, considère un porte-parole du gouvernement allemand.
À Bruxelles aussi, on veut y croire. “J’ai confiance dans la détermination à la fois du président français et du chancelier allemand” à “travailler ensemble”, assure le président du Conseil européen, Charles Michel.
Avec AFP