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Rishi Sunak, premier non-Blanc à diriger le Royaume-Uni

Seul en lice pour succéder à Liz Truss, Rishi Sunak, d’origine indienne, devient le premier homme politique issu d’une minorité ethnique à accéder au poste de Premier ministre au Royaume-Uni. Une première qui marque l’aboutissement d’un processus encourageant l’inclusion au sein du parti conservateur, même si beaucoup reste à faire.

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Seul candidat étant parvenu à réunir plus de 100 parrainages, Rishi Sunak a écrasé la concurrence lundi 24 octobre dans la course à la succession de Liz Truss. Après l’abandon de la ministre Penny Mordaunt, qui n’a pas obtenu un nombre suffisant de soutiens, l’ancien ministre des Finances s’apprête à devenir Premier ministre du Royaume-Uni.

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Petit-fils d’immigrés d’origine indienne, hindou pratiquant, ce ancien banquier réputé pour sa force de travail est ainsi le premier non-Blanc à prendre la tête d’un pays qui, fut un temps, régnait sur le pays d’origine de sa famille.

“C’est une source de fierté pour de nombreux Britanniques d’origine asiatique, y compris pour ceux qui ne partagent pas les opinions conservatrices de Rishi Sunak”, assure Sunder Katwala, membre du groupe de réflexion British Future. “Cet événement est particulièrement important pour la première génération de migrants à laquelle appartient mon père, arrivé en 1968, quand la vie politique britannique était dominée par l’appel d’Enoch Powell à ‘tous les renvoyer chez eux’” [cet homme politique britannique incarnait alors l’opposition à l’immigration, opposé au projet de loi sur les relations raciales du Parti travailliste, ndlr].

“C’est une source d’inspiration pour la communauté d’Asie du Sud qui veut se lancer en politique“, abonde Barnie Choudhury du journal Eastern Eye, interrogé par la BBC. “Avec lui, certains plafonds de verre volent irrémédiablement en éclats. Cela ne peut être qu’une bonne chose pour les personnes de couleur”.

Diversité en trompe-l’œil

L’accession de Rishi Sunak au poste de Premier ministre semble couronner les efforts du Parti conservateur pour présenter des profils plus divers, un processus entamé sous l’ancien Premier ministre David Cameron.

En 2006, c’est lui qui impose des femmes et des candidats issus de l’immigration dans les circonscriptions acquises aux Tories. Baptisé “A-list”, ce dispositif a permis de faire émerger de nouvelles figures comme Liz Truss et Rishi Sunak. Résultat, les députés conservateurs comptent aujourd’hui dans leurs rangs 87 femmes et 22 membres issus de l’immigration.

Mais derrière la vitrine d’une classe politique renouvelée et en phase avec la société se cache une réalité plus complexe : les élus conservateurs issus de l’immigration affichent un profil social très homogène, typique de l’élite britannique.

C’est le cas de Rishi Sunak, qui a fait sa scolarité au Winchester College, une des pensions privées les plus réputées du Royaume-Uni, avant d’étudier à Oxford, puis à Stanford, aux États-Unis. Très jeune, il intègre l’élite politico-médiatique britannique et entame une carrière de banquier d’affaires à Goldman Sachs, avant d’être élu député en 2015.

“Il faut espérer que Rishi Sunak se rende compte que tout le monde n’a peu eu la même chance que lui. Le fait qu’il accède au 10, Downing Street ne fait pas du Royaume-Uni une méritocratie parfaite”, prévient Sunder Katwala.

La question des origines, elle, s’efface généralement derrière l’idéologie conservatrice. “La majorité (des élus conservateurs issus de l’immigration) a défendu le Brexit avec passion et affiche des positions ultralibérales sur les questions économiques et sociales”, souligne Agnès Alexandre-Collier dans un article publié par The Conversation. Selon la professeure en civilisation britannique à l’université de Bourgogne, cette politique inclusive a également permis aux conservateurs “de parler sans complexe d’immigration et de Brexit sans craindre d’être taxés de xénophobie”.

“Je sais que le racisme existe dans ce pays”

Si le parti affiche avec fierté la diversité de ses élus, difficile d’en dire autant au sujet de ses 170 000 adhérents, en grande majorité des hommes blancs âgés issus des classes moyennes.

Certains membres du Parti conservateur n’hésitent pas à afficher leur hostilité à l’idée de voir un Premier ministre d’origine indienne à Downing Street. Samedi, lors d’une émission de radio très populaire de la station LBC, un auditeur se présentant comme “Jerry, membre du Parti conservateur” et fervent soutien de Boris Johnson a assuré que “Rishi n’[était] même pas vraiment britannique”.

Interrogé pendant de longues minutes par la journaliste Sangita Myska, l’auditeur a fini par lâcher : “Est-ce que vous m’imaginez, moi, devenir Premier ministre au Pakistan ? Non. C’est important, même si ça ne vous plaît pas, on parle de l’Angleterre. 85 % des Anglais sont blancs et ils veulent voir un Premier ministre qui leur ressemble”.

Au cours de son ascension politique, Rishi Sunak a été régulièrement la cible d’attaques racistes sur les réseaux sociaux. De son côté, le futur Premier ministre a rarement abordé ce sujet.

En juin 2020, dans le sillage de l’affaire George Floyd, Rishi Sunak avait évoqué pour la première fois le racisme dont il a été victime. “Je sais que le racisme existe dans ce pays”, avait-il écrit sur Twitter.


“Je sais que des gens sont en colère et frustrés. Ils veulent voir et ressentir un changement. Mais une société meilleure ne se construit pas en une nuit”, avait-il expliqué après des débordements lors de manifestations du mouvement Black Lives Matter au Royaume-Uni.

“Aucune importance” pour les Britanniques

Favori des députés conservateurs lors de la course à la succession de Boris Johnson cet été, Rishi Sunak avait été écarté par les adhérents du parti conservateur. Beaucoup y ont vu le résultat de sa “trahison” envers son ancien patron : en démissionnant de son poste début juillet, le très populaire ministre des Finances, qui a ouvert les vannes de l’argent public pour maintenir l’économie à flots pendant la pandémie de Covid-19, aurait précipité la chute de Boris Johnson.

Mais Rishi Sunak aurait-il pu être évincé en raison de ses origines ? “Cette question a trop peu attiré l’attention”, déplore le politologue Paul Whiteley de l’université d’Essex, dans un article sur la difficulté des sondeurs à appréhender la problématique du racisme dans leurs enquêtes.

Selon un récent sondage, seulement 10 % des Britanniques pensent qu’un Premier ministre issu d’une minorité ethnique serait une mauvaise chose pour le pays ; 26 % considèrent cette perspective comme un événement positif. Mais une majorité de sondés (58 %) estime que cette question n’est pas pertinente.

“La plupart des Britanniques estiment que la question des origines ou des croyances du Premier ministre n’a pas d’importance”, affirme Sunder Katwala. “Ils jugeront Sunak sur sa capacité à mettre un terme au chaos qui règne à Westminster, à rétablir les finances publiques et à restaurer la confiance dans la vie politique”.

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