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Guerre en Ukraine : le barrage de Kakhovka, arme de destruction massive ?

Situé à une quarantaine de kilomètres de la ligne de front, le barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka, dans la région de Kherson, aurait été “miné” par les forces russes, selon Kiev. Moscou dément et accuse l’Ukraine de vouloir détruire cette infrastructure hautement stratégique. Une menace qui fait craindre une “catastrophe de grande ampleur” au président Volodymyr Zelensky.

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Avec la contre-offensive ukrainienne et la bataille de Kherson qui se rapproche, le barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka se retrouve au centre de l’attention en Ukraine et pourrait jouer un rôle primordial dans la suite de la guerre. Depuis jeudi 20 octobre, Kiev accuse la Russie d’avoir “miné” le barrage, infrastructure hautement stratégique située sur le fleuve Dniepr, dans le but d’inonder la région. Craignant une “catastrophe de grande ampleur”, l’Ukraine réclame à l’ONU une mission d’observation internationale tandis que Moscou dément en bloc.

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Tombé aux mains des Russes dès le début de leur offensive lancée le 24 février, le barrage de la centrale de Kakhovka, situé à une soixantaine de kilomètres à l’est de Kherson, dans le sud du pays, était une cible stratégique pour Moscou.

Une infrastructure clé pour la Crimée

Et pour cause : cet énorme barrage hydroélectrique d’un peu plus de 3 000 mètres de long, construit dans les années 1950, permet l’alimentation en eau de la péninsule de Crimée, annexée par Moscou en 2014.

Son réservoir est essentiel pour l’irrigation des basses terres de la mer Noire. Le barrage régule les eaux du Dniepr et crée un lac artificiel permettant également de maintenir la température des réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporijjia.

Avec l’avancée de la contre-offensive ukrainienne, le barrage de Kakhovka, toujours sous contrôle russe, ne se trouve plus désormais qu’à une quarantaine de kilomètres de la ligne de front.

Kiev tire la sonnette d’alarme

Les Ukrainiens craignent leur arrivée sur le site. Volodymyr Zelensky accuse depuis jeudi les forces russes d’avoir “miné le barrage et les unités de la centrale hydroélectrique de Kakhovka”. Le président ukrainien tire la sonnette d’alarme face au risque de ce qu’il nomme une “catastrophe de grande ampleur” que la Russie préparerait “consciemment”.

“Nous appelons l’ONU, l’UE et d’autres organisations à organiser une mission d’observation internationale de Kakhovka. Des experts internationaux doivent arriver immédiatement (sur le site), ainsi que le personnel ukrainien”, a exhorté vendredi le Premier ministre ukrainien, Denys Chmygal, lors d’une réunion du gouvernement.

Lundi, Volodymyr Zelensky a réitéré ses accusations contre Moscou, martelant : “Ce sont des troupes russes qui ont miné le barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka et nous font chanter en menaçant de le faire exploser.”

Des milliers de victimes potentielles, selon Kiev

Kiev a raison d’avoir peur, car si l’installation venait à être détruite, les conséquences seraient désastreuses. Une explosion du barrage créerait une sorte de minitsunami et les rives du Dniepr seraient submergées pendant plusieurs jours. La région entière serait inondée.

 

Selon les autorités ukrainiennes, une explosion de la construction pourrait faire plusieurs milliers de victimes et provoquer l’inondation de dizaines de villes. “Plus de 80 localités, dont la ville de Kherson, se retrouveront dans la zone d’inondation rapide”, s’est alarmé jeudi Volodymyr Zelensky.

Le président ukrainien craint également que la destruction du barrage, dont la retenue d’eau artificielle est longue de 240 km et fait jusqu’à 23 km de large, “détruise l’approvisionnement en eau d’une grande partie du sud de l’Ukraine”.

La centrale de Zaporijjia menacée

Un scénario encore plus dévastateur est redouté. L’Ukraine craint que la destruction de l’installation puisse affecter le refroidissement des réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporijjia, la plus grande d’Europe, qui puise son eau dans le lac artificiel du barrage.

C’est ce qu’a déclaré lundi le directeur du renseignement militaire ukrainien, Kyrylo Boudanov, pour qui faire sauter le barrage “détruirait également toute possibilité de l’existence de la centrale nucléaire de Zaporijjia, qui est inextricablement liée (au barrage de Kakhovka)”.

Vers une attaque “sous fausse bannière” ?

Pour Kiev, le but de la Russie en détruisant le barrage serait d’inonder toute la zone afin d’arrêter l’avancée des troupes ukrainiennes dans la région, a déclaré sur Twitter un des conseillers de la présidence, Mykhaïlo Podolyak.

Selon lui, ce qu’il appelle le “plan Sourovikine” – du nom de Sergueï Sourovikine, le nouveau commandant des forces russes en Ukraine – serait de “miner le barrage et les transformateurs, opérer une déportation forcée des Ukrainiens et inonder le territoire pour arrêter la contre-offensive ukrainienne”. D’après le responsable ukrainien, la Russie prépare une “catastrophe d’origine humaine”.


Selon un rapport du think tank américain Institute for the Study of War publié mercredi dernier, Moscou pourrait préparer une attaque “sous fausse bannière” contre la centrale hydroélectrique de Kakhovka. La Russie pourrait alors imputer la responsabilité de l’attaque aux Ukrainiens. Après s’être retirés de Kherson, les Russes feraient sauter le barrage, avant de pointer Kiev du doigt.

Selon Kiev, faire sauter le barrage serait une arme de destruction massive pour une Russie en difficulté ; un moyen pour Poutine de faire changer le cours de la guerre en retardant les avancées ukrainiennes.

Démenti de Moscou

Côté russe, on dément. Les autorités prorusses de la région de Kherson ont nié toute installation de mines sur le barrage de Kakhovka, dénonçant des “mensonges” du président Zelensky. Elles mènent cependant actuellement des évacuations dans la région : face à l’avancée rapide de l’armée ukrainienne, elles ont appelé samedi tous les civils à quitter “immédiatement” la capitale régionale.

Parmi les évacués, Konstantin, un habitant de Kherson interrogé par l’agence de presse Reuters, est arrivé à Olechky, une ville hors de portée des inondations en cas de destruction du barrage. “Nous n’avons pas peur de la guerre. Nous craignons juste que la centrale hydroélectrique de Kakhovka puisse être bombardée”, déclare-t-il. “J’ai peur pour ma famille. Je déménage (de Kherson) pour ma famille.”

De son côté, le général russe Sourovikine affirme depuis mardi dernier avoir reçu des informations selon lesquelles les forces ukrainiennes préparaient une frappe massive sur le barrage, probablement avec des missiles Himars fournis par les États-Unis.

Guerre de communication

Les deux belligérants s’adonnent en tout cas à une guerre de communication autour de l’attaque du barrage, que chacun agite comme une menace. Le directeur du renseignement militaire ukrainien, Kyrylo Boudanov, a toutefois nuancé lundi les propos du président Zelensky : “S’il explose, le grand barrage de Kakhovka ralentira les forces ukrainiennes de deux semaines seulement.” Le barrage ne serait d’ailleurs que “partiellement miné”, pas assez pour le faire exploser puisqu’il “faudrait des tonnes d’explosifs pour le détruire”. Une telle attaque, a-t-il poursuivi, représenterait une catastrophe environnementale avec un coût pour les Russes : “Ils subiraient une inondation totale de la zone sur la rive gauche de Kherson [occupée par la Russie].”

Pour Gulliver Cragg, le correspondant de France 24 en Ukraine, les allégations des deux camps semblent “invraisemblables”. “Selon les Ukrainiens, le principal bénéfice pour les Russes serait d’accuser les Ukrainiens. Alors que personne ne les croirait puis que les Ukrainiens n’ont pas la possibilité de faire exploser ce barrage. Ils ne peuvent pas physiquement le faire sauter car ils n’y ont pas accès”, explique-t-il. “Ce n’est pas avec des missiles Himars que l’on peut détruire un bloc de béton aussi costaud que cela”, renchérit-il.

Quant à une attaque russe, l’hypothèse semble improbable : “Si les Russes faisaient sauter le barrage alors qu’une grande partie de leurs forces sont encore rive droite, comment feraient-elles pour traverser le fleuve ? Ce serait suicidaire”, analyse Gulliver Cragg, ajoutant que Moscou “mettrait en péril l’approvisionnement en eau de la Crimée et compliquerait le refroidissement des réacteurs de la centrale de Zaporijjia”.

Selon le correspondant de France 24 en Ukraine, “les deux côtés sont dans un jeu de communication où chacun accuse l’autre des choses les plus invraisemblables”.

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