La dirigeante d’extrême droite, Giorgia Meloni, s’est vu confier par le président italien Sergio Mattarella la mission de former le nouveau gouvernement, a déclaré vendredi un responsable de la présidence. Elle prend les rênes du gouvernement italien à un moment particulièrement difficile, l’inflation et l’incertitude mondiale pesant lourdement sur l’économie de la péninsule déjà criblée de dettes.
Giorgia Meloni, dirigeante du parti post-fasciste Fratelli d’Italia vainqueur des dernières élections législatives, a été chargée, vendredi 21 octobre, de former un gouvernement par le président Sergio Mattarella, a annoncé le secrétaire général de la présidence. Âgée de 45 ans, elle a accepté cette responsabilité, devenant la première femme appelée à cette fonction dans l’histoire du pays.
Geogia Meloni a présenté dans la foulée de sa nomination la composition de son gouvernement, qui prêtera serment samedi matin à 08 h GMT sous les ors du palais du Quirinal devant le président de la République Sergio Mattarella.
La liste des ministres reflète son désir de rassurer les partenaires de Rome. L’ancien président du Parlement européen Antonio Tajani, membre de Forza Italia, est nommé aux Affaires étrangères, et Giancarlo Giorgetti, un représentant de l’aile modérée de la Ligue déjà ministre dans le gouvernement sortant de Mario Draghi, prend le portefeuille crucial de l’Economie.
La Romaine, qui a réussi à “dédiaboliser” son parti pour parvenir au pouvoir exactement un siècle après Mussolini, dispose avec ses partenaires de coalition, le dirigeant populiste de la Ligue antimigrants Matteo Salvini, le chef déclinant de Forza Italia Silvio Berlusconi, de la majorité absolue tant à la Chambre des députés qu’au Sénat.
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Salvini aux Infrastructures, un pro-européen à la diplomatie
Patron de la Ligue anti-immigration, Matteo Salvini revient au poste de vice-Premier ministre qu’il avait déjà occupé à l’issue des élections de 2018, lorsque son parti avait formé un gouvernement avec les populistes écolos du Mouvement 5 Étoiles.
À l’époque, il détenait aussi le portefeuille de l’Intérieur, et il le convoitait cette fois encore, mais Giorgia Meloni, forte de ses 26 % alors que la Ligue n’a recueilli que 9 % des suffrages, a mis son veto.
Il a tout de même hérité du ministère des Infrastructures, qui a notamment la main haute sur les ports du pays. Un poste-clé pour celui qui, à l’Intérieur, avait bloqué plusieurs navires des ONG secourant les migrants en Méditerranée en vertu de la politique des “ports fermés” de la Ligue. Il est toujours poursuivi à ce titre devant un tribunal sicilien pour séquestration et abus de pouvoir.
À la diplomatie, le choix d’Antonio Tajani, pro-européen, peut sembler surprenant dans ce gouvernement à la couleur fortement eurosceptique.
Mais il est un proche de l’ancien Premier ministre Silvio Berlusconi, chef du parti de droite Forza Italia, partenaire minoritaire de la coalition de Giorgia Meloni ayant obtenu 8 % des voix aux élections.
Les liens forgés par Antonio Tajani (président du Parlement européen entre 2017 et 2019) pendant près de vingt ans comme eurodéputé et commissaire européen aux transports, seront essentiels au maintien de bonnes relations avec Bruxelles.
Parlant français, anglais et espagnol, il a suppléé Silvio Berlusconi, 86 ans, à la santé vacillante, pendant la campagne électorale.
Comme Matteo Salvini, Antonio Tajani est également nommé vice-premier ministre.
Un pro-Draghi à l’économie
Giancarlo Giorgetti, une figure puissante de la Ligue décrite comme le visage modéré et pro-européen du parti, prendra quant à lui les rênes du ministère de l’Économie.
Aux antipodes de Matteo Salvini, il fut jusqu’au bout un fidèle soutien du Premier ministre sortant Mario Draghi, dont il a été le ministre du Développement économique.
Le portefeuille de l’Intérieur de ce gouvernement nationaliste, pour lequel les questions de sécurité et d’immigration sont stratégiques, revient à Matteo Piantedosi, 59 ans, préfet de Rome depuis 2020.
Ce dernier a passé toute sa carrière dans la préfectorale et la haute fonction publique, en grande partie au ministère de l’Intérieur, où il a été chef de cabinet de Matteo Salvini.
Un collectionneur de souvenirs fascistes, et un ultra-catholique pro-Poutine
Le Sénat, la chambre haute du parlement, a élu à sa présidence Ignazio La Russa, co-fondateur de Fratelli d’Italia avec Giorgia Meloni.
Ce Sicilien de 75 ans a milité toute sa vie à l’extrême droite, sur les traces de son père, ancien responsable local du Parti national fasciste sous Mussolini qui a donné à son fils en deuxième prénom celui du dictateur, Benito.
Ministre de la Défense dans le dernier gouvernement de Berlusconi, il est connu pour collectionner des souvenirs fascistes.
La chambre basse du parlement italien s’est aussi choisi pour président un personnage haut en couleurs, et pas moins controversé : Lorenzo Fontana, un proche allié de Salvini, aux positions ultra-conservatrices sur des questions telles que l’avortement et le mariage homosexuel.
Ce catholique fervent, dont la page Facebook est parsemée de portraits de saints, a dénoncé en 2014 les sanctions de l’Union européenne contre Moscou suite à l’annexion de la Crimée, et qualifié la Russie du président Vladimir Poutine de société “modèle”.
Lorenzo Fontana s’est aussi insurgé contre “l’invasion” des immigrants en Italie et a exprimé en 2016 son soutien au parti néo-nazi grec Aube Dorée.
Une tâche ardue
Au moment où la troisième économie de la zone euro affronte, comme ses voisins, une situation économique difficile due à la crise énergétique et à l’inflation, la tâche de la nouvelle Première ministre s’annonce ardue, d’autant qu’elle devra veiller à l’unité de sa coalition.
Les médias se sont fait l’écho des multiples passes d’armes entre les trois dirigeants sur la répartition des postes au Parlement et au sein du futur gouvernement.
Elle-même atlantiste et favorable au soutien à l’Ukraine face à la Russie, Giorgia Meloni a dû affronter cette semaine les propos polémiques de Silvio Berlusconi, qui a affirmé avoir “renoué” avec Vladimir Poutine et imputé à Kiev la responsabilité de la guerre.
Des déclarations du plus mauvais effet alors que l’arrivée au pouvoir de cette coalition à dominante eurosceptique est suivie de près par les chancelleries. Giorgia Meloni s’est sentie obligée de rectifier le tir mercredi en affirmant que l’Italie fait “pleinement partie et la tête haute” de l’Europe et de l’Otan.
Coincée entre le marteau de ses “alliés” et l’enclume de Bruxelles et des marchés, Giorgia Meloni paraît déjà sur le fil du rasoir, presque une tradition dans un pays connu pour son instabilité gouvernementale chronique.
Avec AFP