La ministre britannique de l’Intérieur, Suella Braverman, a confirmé mercredi sa démission, invoquant l’utilisation d’une adresse électronique personnelle, tout en exprimant ses “préoccupations à propos de la direction de ce gouvernement” dirigé par Liz Truss, en pleine crise de confiance. L’ex-ministre britannique des Transports Grant Shapps a été nommé pour la remplacer à l’Intérieur.
En sursis après six semaines à Downing Street, la Première ministre britannique Liz Truss a subi, mercredi 19 octobre, un nouveau revers avec le départ de sa ministre de l’Intérieur, Suella Braverman.
Rejetée par l’opinion, contestée au sein de sa propre majorité, la dirigeante conservatrice a assuré vouloir rester en poste malgré l’abandon de son programme économique, qui avait provoqué une tempête sur les marchés financiers. Mais sa position apparaît fragilisée avec le départ d’un nouveau poids lourd de son gouvernement, moins d’une semaine après avoir dû limoger son ministre des Finances – et ami proche – Kwasi Kwarteng.
Suella Braverman, 42 ans, a expliqué démissionner pour avoir utilisé son adresse électronique personnelle pour l’envoi de documents officiels, enfreignant le code ministériel. Elle a par ailleurs exprimé ses “graves inquiétudes” sur la politique du gouvernement qui, selon elle, renonce à ses promesses, notamment sur le dossier migratoire.
Son départ, s’il ne semble pas lié à une rébellion au sein du gouvernement comme celle qui avait poussé Boris Johnson au départ en juillet, tombe mal pour Liz Truss, qui cherche à reprendre la main après la mise en pièces lundi, par son nouveau ministre des Finances Jeremy Hunt, des baisses d’impôts massives qu’elle avait promises.
Suella Braverman sera remplacée par Grant Shapps, ministre des Transports sous Boris Johnson. Le choix de Grant Shapps, 54 ans, envoie un signal d’ouverture, alors qu’il avait soutenu pendant la campagne le rival de Liz Truss pendant la course à Downing Street, l’ex-ministre des Finances Rishi Sunak.
“Je suis une battante”
Liz Truss s’est montrée très combative à la mi-journée lors du rendez-vous hebdomadaire des questions au Parlement – test majeur pour sa capacité à rebondir –, défendant sa politique face aux huées et aux appels à la démission de l’opposition travailliste.
“Je suis une battante, pas quelqu’un qui abandonne”, a-t-elle martelé.
“À quoi sert une Première ministre dont les promesses ne tiennent même pas une semaine ?”, a asséné le chef de l’opposition travailliste, Keir Starmer, énumérant toutes les mesures que Liz Truss avait dû abandonner.
Après cette séance au Parlement, Liz Truss devait répondre aux questions de journalistes lors de la visite d’une usine au nord de Londres, mais a dû annuler pour s’entretenir avec Suella Braverman. Cette dernière, une ancienne avocate, candidate malheureuse à la course à Downing Street cet été, est une conservatrice très à droite qui se retrouvait chargée du très sensible dossier des traversées illégales de la Manche, qui atteignent des niveaux record.
La crise que traverse le gouvernement remonte à la présentation le 23 septembre du “minibudget” du ministre des Finances d’alors, Kwasi Kwarteng, qui avait fait craindre un dérapage des comptes publics.
La livre avait chuté à un plus bas historique et les taux d’emprunt à long terme de l’État avaient flambé. La Banque d’Angleterre avait dû intervenir pour empêcher la situation de dégénérer en crise financière.
L’ascendant de Jeremy Hunt
Pour tenter de calmer la tempête économique et politique, Liz Truss a dû nommer vendredi un nouveau ministre des Finances, Jeremy Hunt, chargé de rectifier son programme économique et de rassurer les marchés sur le sérieux budgétaire du gouvernement.
Ce dernier, désormais largement considéré comme ayant pris l’ascendant sur Liz Truss, est revenu sur presque toutes les baisses d’impôts promises par la Première ministre et a prévenu qu’il faudrait faire des économies dans les dépenses publiques, faisant redouter le retour à l’austérité, comme après la crise financière de 2008.
Au moment où l’inflation a atteint un sommet en 40 ans à 10,1 % en septembre, la Première ministre a toutefois voulu faire taire les rumeurs qui laissaient penser qu’elle n’augmenterait pas comme promis les pensions de retraite à hauteur de l’inflation.
Selon un sondage YouGov, seul un Britannique sur dix a une opinion favorable de Liz Truss, un sur cinq chez les électeurs du parti conservateur. Et 55 % des membres du parti majoritaire estiment que Liz Truss devrait démissionner, contre 38 % qui souhaitent qu’elle reste en poste.
À deux ans des prochaines élections législatives, l’opposition travailliste terrasse les conservateurs dans les sondages.
Désormais, six députés de son parti ont déjà publiquement exhorté Liz Truss à partir. Faute de successeur évident, les conservateurs sont toutefois réticents à s’engager dans un nouveau et long processus de désignation d’un nouveau leader, et sont à la recherche d’un consensus pour s’accorder sur un nom, mais semblent loin d’y parvenir.
Avec AFP