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Une récession en Europe en 2023 ? Les sombres prévisions de l’OCDE

L’Organisation de coopération et de développement économiques a publié, le 26 septembre, des prévisions économiques sombres pour les pays européens en 2023. L’Allemagne devrait connaître une récession, ainsi que plusieurs autres États européens, en cas d’aggravation de la crise énergétique actuelle. Les températures de cet hiver joueront un rôle important dans ce scénario. Explications.

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Les pays européens, comme l’ensemble du monde, vont “payer le prix de la guerre” en Ukraine en 2023, prédit l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans un rapport publié lundi 26 septembre. “Les perspectives de croissance mondiale se sont assombries”, écrit l’organisation, qui table sur une progression du PIB mondial de 2,2 %  pour l’année à venir – contre 2,8 % initialement prévu en juin dernier.

Et la Zone euro occupe une place de choix dans ce tableau bien noir : sa croissance subit la révision la plus importante de toutes les régions du monde, prévue à 0,3 % – contre 1,6 % en juin. L’OCDE anticipe aussi un scénario de récession pour l’Allemagne en 2023, c’est-à-dire une période de recul de son activité économique sur au moins deux trimestres consécutifs. Le PIB allemand – la première économie européenne – devrait plonger l’année prochaine, en recul de 0,7 %, alors que la précédente prévision pronostiquait une progression de 1,7 %.

“Cette prévision de l’OCDE est réaliste. Il est cohérent de considérer que dans la Zone euro, c’est probablement l’Allemagne qui souffrira le plus cet hiver du choc énergétique”, explique Gustavo Horenstein, économiste et gérant de fonds chez Dorval Asset Management. “La récession qui va toucher Berlin est attendue à cause de sa dépendance au gaz russe et de l’importance de l’industrie manufacturière dans son PIB – un secteur qui est très sensible aux questions d’approvisionnement énergétique.”

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Contrairement à Berlin, ses principaux voisins européens devraient échapper à cette perspective : une croissance de 0,4 % est attendue en Italie, de 1,5 % en Espagne et de 0,6 % en France – tandis que Bercy table encore sur 1 % pour son budget 2023. Mais ces prévisions de l’OCDE pourraient encore être revues à la baisse en fonction de l’évolution, cet hiver, de la crise énergétique actuelle.

“S’il fait très froid, les stocks vont s’épuiser plus vite”

“Des incertitudes importantes entourent ces projections”, relève l’organisation, qui pointe un risque “d’aggravation des pénuries de combustibles, en particulier de gaz” en cas d’hiver particulièrement rigoureux. La croissance dans la zone euro, prévue à 0,3 %, pourrait alors encore être réduite de 1,25 point de pourcentage supplémentaire dans ce scénario du pire. Cela aurait alors pour effet de plonger inévitablement la grande majorité des pays de la région en récession pendant toute l’année 2023.

La récession de plusieurs pays européens “va tout simplement dépendre des températures cet hiver”, selon Gustavo Horenstein. “S’il fait très froid, les stocks vont s’épuiser plus vite. Le risque, c’est que la demande en gaz et en électricité pour se chauffer soit beaucoup plus élevée que les capacités de production (de ces deux énergies).”

Et dans un contexte de prix du gaz et de l’électricité déjà élevés, le risque de pénuries existe cet hiver selon l’OCDE : “Cela pourrait se produire si les approvisionnements supplémentaires non russes en provenance de pays non-membres de l’UE ne se matérialisent pas dans la mesure escomptée, ou si la demande de gaz est exceptionnellement élevée sous l’effet d’un hiver rigoureux.”

L’organisation reconnaît que les stocks de gaz de l’UE ont été “considérablement rehaussés” cette année – entre 80 % et 90 % dans la plupart des États membres – mais qu’ils pourraient s’avérer “insuffisants”. “Un hiver rigoureux pourrait accentuer sensiblement les phénomènes de pénurie”, prévient l’OCDE.  

L’OCDE a établi trois scénarios relatifs aux niveaux des stocks de gaz européens sur l'hiver 2022-2023.
L’OCDE a établi trois scénarios relatifs aux niveaux des stocks de gaz européens sur l’hiver 2022-2023. © OCDE

L’organisation internationale d’études économiques a d’ailleurs établi différents scénarios relatifs aux niveaux des stocks de gaz européens sur la période octobre 2022 – avril 2023. Le premier (la barre verte) fait l’hypothèse d’une baisse de 10 % de la consommation de gaz, résultat de la mise en place de plans de sobriété énergétique par plusieurs pays européens. Dans ce cas-là, les stocks seraient suffisants pour cet hiver.

Dans les deux autres scénarios, la situation énergétique deviendrait vraiment tendue en Europe : dans le cas d’une consommation de gaz similaire à la période 2017-2021 (la barre bleue), il y aurait un “risque aigu de perturbation des approvisionnements” en énergie en février 2023. Et pour le scénario d’un “hiver rigoureux” (la barre orange), la baisse du niveau des stocks de gaz en deçà de 30 % – correspondant à un niveau de fonctionnement normal – aurait lieu dès janvier.

Outre la météo hivernale, la “capacité de l’industrie en particulier, et des économies européennes en général, à gérer leur consommation d’énergie va aussi être importante”, note Gustavo Horenstein.

“Probablement pas d’amélioration avant 2024”

La hausse vertigineuse des prix de l’énergie menace d’ailleurs déjà l’activité d’un nombre croissant d’industries énergivores – certaines sont contraintes de réduire leur activité, à l’instar de Duralex et d’autres dans le secteur de la sidérurgie.

>> À lire aussi : Piscines, ski, industries… ces secteurs menacés par l’augmentation des prix de l’énergie

“La plupart des gouvernements, lorsqu’il s’agit de gérer les problèmes énergétiques, privilégient les ménages, les services aux collectivités, les hôpitaux… et l’industrie productive passe en dernier. En cas de récession, c’est probablement là qu’il y aura le plus de dégâts cet hiver en Europe”, estime Gustavo Horenstein. En cas d’aggravation de la crise énergétique, les économies de gaz et d’électricité pourraient en effet toucher en priorité les industries qui, en réduisant leur production, auraient un impact sur l’économie de la Zone euro – ce secteur représentait 23 % du PIB européen en 2021, selon la Banque mondiale.

Le scénario d’une récession sur une grande partie du continent européen est d’autant plus inquiétant que les banques centrales – comme la BCE début septembre – sont fermement engagées à remonter leurs taux d’intérêt pour contenir l’inflation (à 9,1 % sur un an dans la Zone euro en août). Mais l’utilisation de ce levier économique présente aussi un risque de saper, là aussi, la croissance.

“De nouveaux relèvements des taux sont indispensables dans la plupart des grandes économies pour ancrer les anticipations d’inflation et parvenir à une réduction durable des tensions inflationnistes”, préconise tout de même l’OCDE, pour qui ce levier est “un facteur clé” dans le ralentissement économique en cours.

L’organisation recommande aussi aux décideurs publics de recourir à des mesures budgétaires ciblées et temporaires pour faire face à l’urgence économique. “Des aides budgétaires sont nécessaires pour amortir l’impact des coûts élevés de l’énergie”, explique l’OCDE. Elle précise aussi que, jusqu’à présent, les décisions prises pour contrer la hausse des prix du gaz et de l’électricité ont été “mal ciblées” car celles-ci ont souvent profité à un trop grand nombre de ménages et d’entreprises.

Mais quelles que soient les mesures prises à court terme, “la reconstruction du secteur énergétique européen va prendre des années”, relève Gustavo Horenstein. L’économiste se montre optimiste à court terme, avec un hiver “qui va passer aussi à un moment, et la phase aiguë de la crise énergétique avec.” Mais il se veut plus réservé à moyen terme : “On va probablement passer par un moment difficile avec un ralentissement économique fort. La récession et l’inflation domestique à combattre sont devant nous, on ne verra probablement pas d’amélioration avant 2024.”

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