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Irlande du Nord : la visite du roi Charles III “revêt une portée symbolique”

Le nouveau souverain britannique saura-t-il panser les plaies nord-irlandaises ? Charles III se rend mardi en Irlande du Nord pour recevoir les condoléances après le décès de la reine Elizabeth II. Une étape importante pour celui qui souhaite incarner l’apaisement, dans les pas de sa mère. Décryptage avec Fabrice Mourlon, professeur de civilisation britannique et irlandaise à l’université Sorbonne Nouvelle et spécialiste de l’Irlande du Nord.

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Un déplacement délicat attend le roi Charles III en Irlande du Nord, où le Sinn Fein, parti favorable à une réunification de ce territoire avec la République d’Irlande, est volontairement resté à l’écart, dimanche 11 septembre à Belfast, de la cérémonie au cours de laquelle Charles a été proclamé roi dans la province.

Le nouveau monarque et la reine consort quittent Édimbourg mardi 13 septembre pour rejoindre Belfast, afin d’y rencontrer des responsables politiques et recevoir des condoléances, notamment du président de l’Assemblée nord-irlandaise.

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Entre autres incidents recensés en Irlande du Nord, l’annonce de la mort de la reine Elizabeth II a été accueillie jeudi par des klaxons et des insultes à Derry, une ville marquée en 1972 par le Bloody Sunday, au cours duquel une manifestation pour les droits civils violemment réprimée par la police britannique avait fait une quatorzaine de morts chez les indépendantistes.

Pourtant, selon Fabrice Mourlon, professeur de civilisation britannique et irlandaise à l’université Sorbonne Nouvelle et spécialiste de l’Irlande du Nord, la visite de Charles III, dans la continuité de la reine Elizabeth II, pourrait plutôt apaiser dans un contexte de crise politique entre les unionistes du DUP – attachés au maintien de la province au sein de la couronne – et les républicains du Sinn Fein, qui souhaitent une réunification avec la République d’Irlande.

France 24 : Pourquoi des réactions de liesse ont eu lieu à l’annonce de la mort de la reine Elizabeth II en Irlande du Nord, notamment à Derry ?

Fabrice Mourlon : Il a pu y avoir quelques réactions contre la reine, toutefois je ne pense pas qu’il faille mettre l’accent sur ces incidents, car la Première ministre d’Irlande du Nord, Michelle O’Neill, bien que vice-présidente du Sinn Fein, a quand même signé le carnet de condoléances. Ce geste est hautement significatif.

Les incidents de Derry restent isolés. Derry a beaucoup souffert pendant le conflit nord-irlandais car c’est dans cette ville qu’a eu lieu le Bloody Sunday. Alors on peut comprendre que les gens soient mécontents et qu’ils s’attaquent aux symboles. Il faut ajouter à cela que ses habitants ont toujours été oubliés par rapport au reste de l’Irlande du Nord. La ville bénéficie de très peu d’infrastructures, aussi les tensions s’y expriment toujours avec un degré de plus. C’est à Derry, en 2019, que la journaliste Lyra McKee s’était fait tirer dessus [elle a été tuée au cours d’une fusillade, NDLR] par des dissidents républicains lors d’une émeute.

Quel héritage Elizabeth II laisse-t-elle aux Nord-Irlandais ? Était-elle appréciée dans la province ?

La reine Elizabeth II a été la première monarque britannique à visiter la République d’Irlande en 2011 [depuis la partition avec l’Irlande du Nord en 1921, NDLR], dans un geste de réconciliation très fort qui a marqué les esprits. À l’époque, à Dublin, elle fait un discours qui va rester dans les mémoires. Ce jour-là, elle commence par des mots en Irlandais. À ses côtés, sur les vidéos de l’époque, la présidente irlandaise lâche un cri de surprise parce qu’elle ne s’attend pas à ça. Personne n’a fait ça avant Elizabeth II ! Son discours vise alors clairement à apaiser les relations tendues entre la Grande-Bretagne et l’Irlande depuis la partition. Le geste a été salué par beaucoup, y compris dans les rangs du Sinn Fein, où elle était appréciée.


L’année suivante, en 2012, la reine rencontre le vice-Premier ministre d’Irlande du Nord, Martin McGuinness. Or il se trouve que ce dernier était un ancien membre de l’IRA. Elle lui serre la main avec un grand sourire, alors même que l’IRA a assassiné l’un de ses proches cousins, lord Louis Mountbatten, mort dans un attentat à la bombe en 1979.

Quels défis attendent le roi Charles III ? A-t-il un rôle à jouer dans la crise gouvernementale entre les unionistes du DUP et les républicains du Sinn Fein ?

Avec son Brexit, Boris Johnson a rallumé les braises entre le DUP et le Sinn Fein en Irlande du Nord. L’ancien Premier ministre britannique avait promis aux unionistes qu’il retirerait le protocole nord-irlandais une fois au pouvoir. Or il ne l’a pas fait. [Cet accord signé entre Londres et Bruxelles, pour répondre à la question de la frontière entre l’Irlande du Nord britannique et la République d’Irlande européenne après le Brexit, crée une frontière douanière de fait avec la Grande-Bretagne, ce qui déplaît aux unionistes les plus radicaux, NDLR.] Depuis, l’Irlande du Nord est paralysée, le DUP ayant refusé de gouverner avec le Sinn Fein pour s’opposer au protocole. Leur hantise, c’est d’être séparés du Royaume-Uni. Dans ce contexte, la visite du roi Charles III revêt une portée symbolique. Je pense qu’il va essayer d’apaiser, en poursuivant le travail de sa mère, dont il a promis de respecter la ligne de conduite.

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