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La mort d’Elizabeth II, “un coup d’accélérateur” dans les velléités d’indépendance de l’Écosse ?

Pendant les 70 ans de son règne, Elizabeth II a été considérée comme la garante de l’unité du Royaume-Uni. À sa mort s’ouvre une période d’incertitudes, notamment en Écosse, où une partie de la population réclame l’indépendance. Alors que la monarque y était populaire, le nouveau roi pourrait avoir plus de difficultés à y fédérer.

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Le point d’orgue d’une longue histoire entre Elizabeth II et l’Écosse. Dimanche 11 septembre, le cercueil de la reine, morte jeudi dans sa résidence de Balmoral, a parcouru lentement la campagne écossaise, traversant les villes d’Aberdeen et de Dundee jusqu’à Édimbourg. Tout au long de ces 300 km et six heures de périple, une foule nombreuse est venue saluer une dernière fois celle qui a régné sur le Royaume-Uni pendant 70 ans. En parallèle, des coups de canon ont retenti dans la capitale pour honorer le nouveau roi, Charles III. 

Mais dans ce pays où une partie de la population aspire à l’indépendance, le décès de la reine, souvent perçue comme le ciment du Royaume-Uni, fait planer une menace pour Londres : l’Écosse pourrait vouloir profiter de cette nouvelle page d’Histoire pour devenir une nation indépendante et républicaine.

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>> Pour le nouveau roi Charles III, le défi de préserver la monarchie

L’Écosse, refuge d’Elizabeth II

L’Écosse a toujours eu une identité forte. Beaucoup d’Écossais ne se sont jamais vraiment sentis Britanniques et n’ont jamais été particulièrement favorables à la monarchie. Mais ils étaient très attachés à Elizabeth II”, explique Moya Jones, spécialiste des civilisations britanniques à l’université Bordeaux-Montaigne. “Avec l’arrivée de Charles III au pouvoir, toutes les cartes sont rebattues.” 

Preuve en est, dans une enquête d’opinion publiée en mai 2022 par le think tank British Future, à l’occasion du jubilé de la reine, 37 % des Écossais estimaient que la fin du règne élisabéthain pourrait être un bon moment pour s’affranchir de la monarchie et passer à une république, douze points de plus que dans le reste du Royaume-Uni. 

En réalité, les tensions entre la couronne et les Écossais existent depuis bien longtemps. Par exemple, le jour de Noël, en 1950, un groupe d’étudiants écossais s’était emparé brièvement de la “Pierre du destin” – une relique préservée dans l’abbaye de Westminster à Londres – affirmant qu’elle avait été volée aux Écossais lors de l’invasion du pays par l’Angleterre en 1296. Mais jusqu’ici, les monarques successifs sont toujours parvenus à apaiser les tensions entre Londres et Edimbourg. 

Elizabeth II a pu relever ce défi en comptant sur sa longévité mais surtout sur son propre attachement à l’Écosse, estime Moya Jones. “La reine, dont la mère était écossaise, a toujours profondément aimé ce pays”, rappelle-t-elle. “Depuis l’enfance, elle a passé la majorité de ses vacances d’été à Balmoral. C’était un refuge pour elle, là où elle pouvait vivre une vie presque normale et s’adonner à ses passions : conduire des voitures, monter à cheval…” Le gigantesque manoir, situé en pleine campagne écossaise, dans le comté d’Aberdeen, apparaît d’ailleurs comme le symbole de ces liens entre la couronne britannique et l’Écosse : “Il avait été acheté en 1852 sous la reine Victoria. La première grande amoureuse de ce pays”, explique Moya Jones. Depuis il fait partie intégrante des habitudes de la famille royale.

“Je ne serais même pas étonnée si on apprenait qu’elle a délibérément souhaité y vivre ses derniers instants”, insiste la spécialiste. Depuis le début de l’année 2022, Elizabeth II avait peu à peu limité ses déplacements en raison de sa santé déclinante et s’était installée de façon quasi permanente à Balmoral. C’est d’ailleurs là qu’a été prise la dernière photographie officielle d’elle, mardi, quand elle a reçu la nouvelle cheffe du gouvernement Liz Truss

“Mais avec Charles, une page se tourne. Le nouveau roi est surtout connu pour ses relations avec le Pays-de-Galles, ce qui n’est pas étonnant puisqu’il en a été prince pendant 50 ans. On ne sait pas vraiment comment il se sent en Écosse”, poursuit Moya Jones.  D’autant plus que la région peut être attachée à des mauvais souvenirs pour le nouveau roi : il se trouvait à Balmoral en août 1997, quand il a appris la mort de son ex-femme Diana Spencer. Il y était resté retranché pendant plusieurs jours pour fuir la presse. Pour le nouveau roi, l’un des premiers défis sera donc de réussir à maintenir ces liens tissés par sa mère entre la couronne et les Écossais.

La reine, garante de l’unité

Mais derrière cette question de l’influence de la monarchie se pose une autre inquiétude : la mort de la reine pourrait-elle attiser le désir d’indépendance d’une partie du pays ? “Clairement cela pourrait être un coup d’accélérateur”, estime Moya Jones. “La mort de sa Majesté est la fin d’un chapitre et pourrait très bien être perçue comme le début d’un nouveau”, abonde de son côté The Sunday Times, dans un éditorial.

Connue pour sa neutralité à toute épreuve en matière de politique, Elizabeth II n’est sortie que deux fois de son rang au cours de son règne, et toujours pour s’exprimer en faveur d’un maintien de l’union entre les pays du Royaume-Uni. En 1977, lors de son jubilé d’argent, elle avait ainsi affirmé dans son discours : “Je ne peux pas oublier que j’ai été couronnée reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Ce jubilé est peut-être l’occasion de nous rappeler les avantages que l’Union a conféré à tous ses habitants”. La seconde fut en 2014, lors du référendum sur l’indépendance de l’Écosse. Devant Balmoral, elle avait incité les badauds présents à “y réfléchir à deux fois.” 

L’autorité de la reine envolée, la Première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, et son parti indépendantiste, le SNP, pourraient ainsi accélérer le projet de référendum d’autodétermination qu’ils souhaitent tenir fin 2023. “D’un point de vue strictement politique, Charles III ne pourra rien y faire. La seule qui peut officiellement s’y opposer, c’est Liz Truss, et elle l’a déjà fait”, précise Moya Jones. 

“Le désir d’indépendance n’est pas un rejet de la monarchie”

Malgré cette période d’incertitudes qui s’ouvrent pour la monarchie et pour le Royaume-Uni, Moya Jones peine à imaginer un scénario où l’Écosse s’affranchirait totalement de la couronne. “Le désir d’indépendance n’est pas un rejet complet de la monarchie. C’est un rejet de la politique de Downing Street”, assure-t-elle. “Il y aurait beaucoup d’obstacles avant d’en arriver là, mais on pourrait très bien imaginer une république écossaise avec un monarque, comme en Australie par exemple.”

“En cela, le fait que la reine soit morte en Écosse aura une forte portée symbolique”, poursuit-elle. “Et dans un sens, cela permet d’unir une fois encore l’Angleterre et l’Écosse autour d’elle. À voir comment cela sera utilisé à long terme.”

Le travail fédérateur de Charles III commencera dès lundi. Le nouveau roi effectuera la traditionnelle tournée dans les quatre nations du royaume afin d’être salué par ses sujets. Et son voyage débutera à Édimbourg.

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