Elizabeth II, reine qui “occupait une place spéciale dans le cœur des Français” selon le président Emmanuel Macron, attachait une attention très particulière à un endroit précis de Paris. France 24 s’est rendu sur le marché aux fleurs, dans le centre de la capitale, pour rencontrer commerçants et visiteurs. L’endroit a été récemment renommé en l’honneur de la reine.
La défunte reine, décédée jeudi 8 septembre à l’âge de 96 ans, a visité la France plus que n’importe quel autre pays étranger, rencontrant chacun des dix présidents passés par le palais de l’Élysée durant ses 70 années passées sur le trône.
“Elizabeth II maîtrisait notre langue, aimait notre culture et touchait nos cœurs”, a déclaré Emmanuel Macron dans une vidéo en anglais publiée vendredi. “Nous sommes reconnaissants de sa profonde affection pour la France”, a ajouté l’actuel président de la République française.
La reine a effectué la dernière de ses cinq visites en France en 2014, à l’occasion du 70e anniversaire du Débarquement. S’arrêtant à Paris à la fin de son voyage, elle a dévoilé une plaque sur le marché aux fleurs, renommé en son honneur.
Cette cérémonie était un “hommage approprié” à la reine, confie Mélissandre Somenzi, propriétaire de la Cité des fleurs, un étal tenu par trois générations de sa famille. “Les Britanniques ont un faible pour les fleurs, et la reine en particulier”, assure-t-elle, tenant une photo d’Elizabeth II visitant son étal, accompagnée par le président français de l’époque, François Hollande, et par la maire de Paris, Anne Hidalgo.
“Les visiteurs britanniques sont toujours heureux de voir cette photo lorsqu’ils visitent le marché. La reine aimait la France et la France l’aimait en retour”, poursuit la commerçante.
Elizabeth était une princesse âgée de 22 ans lorsqu’elle visita pour la première fois le marché aux fleurs, au centre de Paris, en 1948, un an après son mariage. Elle garda un bon souvenir de ce petit marché pittoresque de l’île de la Cité, à quelques pas de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris.
“Je l’imagine toujours comme elle était ce jour-là, comme si elle était juste devant moi”, souffle Françoise, une habituée du marché, se souvenant de sa rencontre fortuite avec la jeune Elizabeth en 1948.
Alors adolescente, Françoise avait donné rendez-vous à ses camarades de classe sur les bords de la Seine, ignorant que la future reine d’Angleterre remonterait le fleuve au cœur de Paris, enceinte de son premier fils, Charles.
“Il y avait tellement de monde le long de la Seine, je n’ai jamais retrouvé mes amis. Mais j’ai vu la reine à la place !”, se souvient-elle.
En réfléchissant au long règne d’Elizabeth, Françoise insiste sur sa grâce, son tact et sa diplomatie. “Je ressens beaucoup de chagrin aujourd’hui”, explique-t-elle. “En fait, je pense que le monde entier a du chagrin.”
Parmi les visiteurs du marché, un couple d’Américains, Michael et Deanna Garringer, en provenance du Nouveau-Mexique, prennent la pose devant la photo de la reine posée à l’extérieur.
“Nous étions très tristes d’apprendre la nouvelle, elle était tellement aimée et respectée en Amérique”, déclare Deanna Garringer, pour qui le long règne de la monarque a aidé les États-Unis à se rapprocher de son ancienne puissance coloniale.
“Nous n’avons jamais connu la Grande-Bretagne sans la reine”, dit son mari, ajoutant ressentir “un peu d’inquiétude” quant à l’avenir de la monarchie sans Elizabeth II.
Tout près, deux Britanniques, Anne et sa fille Mary Jane, cherchent en vain la plaque inaugurée par la reine en 2014, qui a, selon les commerçants, été volée depuis. Une autre plus discrète a été posée, face à la Seine, avec le nom d’Elizabeth II.
“J’aime ce petit marché, il est très mignon, comme un jardin anglais au milieu de Paris”, explique Anne, qui a voyagé depuis la banlieue parisienne pour rendre hommage à la reine. “Nous sentions que nous devions venir ici.”
“Nous finissions par penser qu’elle était invincible”, ajoute Mary Jane, un bouquet de fleurs à la main qu’elle compte déposer à l’ambassade du Royaume-Uni.
“J’ai grandi dans une famille qui aimait la reine”, explique la jeune binationale, en passant du français à l’anglais, les yeux plein de larmes. “Je n’ai jamais rencontré ma grand-mère anglaise et la reine était comme une grand-mère pour moi.”
Moins touché par la disparition de la souveraine, le vendeur de fleurs Michel Hugot estime que son décès marque la fin d’une ère et laisse une sorte de “vide”, comme l’a dit Emmanuel Macron dans son message. “Il y a plein de reines dans le monde entier mais quand on disait ‘la reine’, on pensait tout de suite à elle.”
Interrogé sur sa grande popularité en France, il avance comme raisons probables sa francophilie et sa maîtrise du français ainsi que sa longévité. “Ou bien parce qu’elle n’était pas notre reine, puisque nous, nous avons guillotiné Marie-Antoinette”, lâche-t-il.
Quand la reine a visité le marché en 2014, Michel Hugot a rempli son magasin avec les plus belles fleurs et plantes qu’il avait refusé de vendre les jours précédents. “J’avais dit aux gens : vous pouvez les acheter mais vous ne pouvez pas les prendre avant que la reine ne les ait vues”, se souvient-il.
Michel Hugot garde surtout en mémoire la grande sérénité de la reine, qui contrastait avec la frénésie autour d’elle : “La reine est restée calme et souriante. C’est cette image que nous conserverons longtemps après sa mort.”