Rendez-vous cette semaine avec Nicu Popescu, vice-Premier ministre de Moldavie. Ce petit pays de 2,7 millions d’habitants, pris en étau entre la Roumanie et l’Ukraine, est très exposé aux questions d’invasion russe, particulièrement en raison de la région séparatiste de Transnistrie, à l’est du pays. La guerre en Ukraine a eu un fort impact sur cet État d’Europe orientale, au regard des réfugiés, du commerce, de la menace russe, et de son espoir d’adhésion à l’Union Européenne.
La guerre en Ukraine sévit depuis plus de 100 jours. Le vice-Premier ministre moldave se dit “très inquiet à l’idée qu’elle puisse continuer et que cette instabilité, cette insécurité régionale affecte surtout l’Ukraine, mais aussi la Moldavie pour encore des années et des années”. Il souhaite qu’elle s’arrête, “sans escalade militaire entre les pays de l’OTAN et de l’UE d’un côté, et de la Russie de l’autre. Ici, tout ce qui est moyen diplomatique ou économique nous rapprochant de la fin de cette guerre est très important. Elle a mis tous les Européens dans un état d’insécurité et c’est la responsabilité de tous les gouvernements européens de tout faire pour l’arrêter”. Il n’y a d’après lui “pas de bonne fin à une guerre aussi terrible que ça, mais on espère qu’elle arrivera le plus tôt possible avec le moins de dégâts, et c’est très important de réfléchir à comment rebâtir l’Ukraine, comment rebâtir le continent européen.”
Une économie chamboulée
Un demi-million d’Ukrainiens fuyant leur pays sont passés par la Moldavie depuis le début du conflit, la plupart pour aller rejoindre l’Union européenne, et 78 000 réfugiés y résident encore, soit 3 % de la population du pays. “Imaginez-vous le niveau de stress pour notre pays”, explique Nicu Popescu, “cela a eu un impact énorme sur tout en Moldavie : sur la consommation de l’eau, de l’électricité, sur les écoles, sur le système de la protection de santé, des hôpitaux, mais je peux vous dire qu’on s’est très vite adaptés. Et le nombre de réfugiés baisse depuis deux mois, on espère donc que la guerre va s’arrêter à un certain moment et que les Ukrainiens qui veulent revenir chez eux puissent le faire.”
La guerre, comme l’explique le vice-Premier ministre, “pose des problèmes aux investisseurs, qui ne se sentent plus en sécurité dans cette région”. Le pays a par ailleurs “dû rediriger tout son commerce vers l’Union européenne”. Avant la guerre, nuance-t-il, seulement 14 % des exportations allaient vers la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie : “donc on a été résilients, parce qu’on était déjà très liés au marché européen. Mais on est vraiment impactés sur les importations, car on importait beaucoup de nos besoins via le port d’Odessa, bloqué par les Russes, et on a dû prendre le relai avec nos camions vers la Roumanie, qui restent bloqués de longues heures à la frontière”.
Quel avenir pour la Transnistrie ?
La région séparatiste moldave prorusse de Transnistrie, frontalière de l’Ukraine, pourrait être concernée par une invasion de l’armée russe ? C’est une menace que Nicu Popescu prend “très au sérieux : on se prépare à tous les scénarios, mais en même temps, pour le moment, notre analyse, mais aussi l’analyse de nos partenaires – de l’Europe et de l’Otan – nous suggère qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas de risque imminent ou immédiat d’ordre militaire pour la Moldavie”. Il souligne l’ambiguïté de ses résidents de Transnistrie : “90 % des habitants ont des passeports moldaves ! Les deux tiers des exportations de cette région vont vers l’UE. Et nous avons des visites réciproques régulières, pour garder la paix et pour résoudre toutes nos différences par le dialogue”.
Avec la guerre en Ukraine, la Moldavie a présenté sa demande d’adhésion à l’Union européenne, le 3 mars 2022, “quelques jours après l’Ukraine”. Le vice-Premier ministre est conscient “que ce processus sera très systématique, très lent, et qu’on devra transformer d’une manière fondamentale notre pays, qu’on devra le moderniser” mais reste confiant “car la meilleure manière d’assurer la paix, la stabilité et la démocratie sur le continent européen, c’est l’élargissement de l’UE vers la Moldavie et vers l’Ukraine.”
Émission préparée par Sophie Samaille, Perrine Desplats, Georgina Robertson et Isabelle Romero