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La Turquie peut-elle bloquer l’entrée de la Suède et de la Finlande dans l'Otan ?

Recep Tayyip Erdogan voit d’un mauvais œil l’intégration de la Suède et de la Finlande à l’Otan. Le président turc accuse ces deux pays nordiques, en particulier la Suède, de servir de refuge aux “terroristes” du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), bête noire d’Ankara. Pour autant, la Turquie est-elle prête à aller jusqu’au bout et bloquer ce processus d’adhésion ? Éléments de réponse.

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Au sein de l’Organisation de l’Atlantique Nord (Otan), la Turquie n’est décidément pas un membre comme les autres. Après avoir acheté un système antimissile à la Russie en 2019, ou encore soutenu l’Azerbaïdjan dans le conflit au Haut-Karabakh, Ankara fait une nouvelle fois cavalier seul en signifiant son hostilité à une adhésion de la Finlande et de la Suède.

“Nous suivons attentivement les derniers développements concernant la Suède et la Finlande, mais nous n’avons pas un avis positif”, a averti le président turc, Recep Tayyip Erdogan, alors que Helsinki a officialisé dimanche sa candidature “historique” à l’Otan et que Stockholm lui a emboîté le pas, lundi 16 mai, par la voix de sa Première ministre, Magdalena Andersson.

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>> À lire : face au voisin russe, la neutralité de la Finlande à l’épreuve de la guerre en Ukraine

Officiellement, Ankara reproche à ces deux pays nordiques, en particulier la Suède, leur proximité avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Formé en 1978, le PKK est une organisation politique armée considérée comme terroriste par la Turquie et une grande partie de la communauté internationale dont les États-Unis et l’Union européenne.

“Dans la géographie de la diaspora turque, la Suède a effet une place spécifique. Depuis les années 1980, le pays a accueilli beaucoup de réfugiés politiques dont une bonne partie est soupçonnée par la Turquie d’être des militants du PKK. C’est un contentieux ancien entre Stockholm et Ankara”, précise Élise Massicard, spécialiste de la sociologie politique de la Turquie contemporaine. “Selon une vision répandue chez les nationalistes turcs, si le PKK existe encore, malgré 40 ans d’une guerre menée avec des moyens extraordinaires, c’est parce qu’il dispose de ces ‘bases arrières’ en dehors de la Turquie”, ajoute la chercheuse à Sciences Po.

De son côté, la Suède a annoncé lundi qu’elle allait envoyer une délégation de diplomates “pour arrondir les angles et essayer d’obtenir l’accord de la Turquie”, précise Ludovic de la Rochefoucauld, le correspondant de France 24 en Turquie.

“Droit de veto”

En exprimant une voix discordante, Erdogan chercherait donc à affaiblir le soutien des Suédois et des Finlandais aux Kurdes contre son appui à l’entrée dans l’Otan. “Il faut absolument mettre fin au soutien aux organisations terroristes (…). Je ne dis pas cela comme un élément de marchandage, mais parce que c’est ce que signifie être des Alliés”, a affirmé dimanche à Berlin le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, en marge d’une réunion informelle de l’organisation.

Théoriquement, la Turquie est parfaitement en mesure de bloquer l’adhésion de la Suède et de la Finlande. En effet, les deux pays scandinaves doivent convaincre l’intégralité des membres de l’organisation – 30 pays – du bien-fondé de leur candidature.

“L’Alliance fonctionne sur le principe du consensus. Chaque membre peut donc mettre son veto. On l’a vu avec la Grèce qui s’est opposée pendant des années à l’adhésion de la Macédoine du Nord” en raison d’un différend sur le nom du pays – la Macédoine étant également une province grecque –, rappelle le géopolitologue Olivier Kempf.

Alors qu’une voie royale semblait s’ouvrir pour la Suède et la Finlande, deux solides démocraties proches de l’Otan via “le partenariat pour la paix”, la position de la Turquie sème le trouble au sein de l’Alliance.

“Je suis confiant dans le fait que nous serons en mesure de trouver un terrain d’entente, un consensus sur la manière d’avancer sur les questions d’appartenance” à l’Otan, a toutefois tenu à rassurer Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’organisation, avant d’ajouter que la Turquie avait “clairement indiqué son intention de ne pas bloquer” le processus.

“Il va y avoir une telle pression politique sur la Turquie qu’elle ne pourra pas bloquer l’adhésion de la Finlande ou de la Suède”, assure Olivier Kempf.

La Turquie en attente de contreparties

Selon les spécialistes interrogés par France 24, le soutien suédois au PKK servirait avant tout de prétexte à Ankara pour regagner en influence au sein de l’Alliance atlantique. “La position de la Turquie est très compliquée depuis plusieurs années avec l’Otan. On en était arrivé au point d’évoquer son exclusion. Pour la Turquie, il s’agit d’éviter d’être marginalisée”, souligne Élise Massicard.

La position turque aurait pour objectif d’obtenir des contreparties de la part des membres de l’organisation, en particulier des États-Unis. En 2020, Washington avait imposé des sanctions à l’industrie de défense turque en représailles à l’achat du système anti-missile russe S 400. La Turquie avait notamment été exclue du programme d’avions de combat furtifs américains F-35, pour “lesquels elle avait passé commande et versé un acompte de 1,4 milliard de dollars”, rappelle Courrier International. Un geste de Joe Biden sur ce dossier permettrait sans doute de surmonter les réticences d’Ankara.

Enfin, difficile de ne pas voir dans l’attitude de la Turquie un message envoyé à la Russie qui considère l’élargissement de l’Otan à l’Est comme une trahison de la part des pays occidentaux. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, Ankara fait tout pour maintenir de bonnes relations avec les deux belligérants dont dépend étroitement son économie. “Les Turcs et les Russes ont également la Mer noire en partage et des intérêts communs en Syrie”, analyse Olivier Kempf. “Erdogan soutient l’Ukraine mais prend garde à ne pas aller trop loin”.

>> À lire : guerre en Ukraine : la Turquie jongle entre Moscou et Kiev sur fond d’intérêts économiques

Cet épisode rappelle également que l’Alliance atlantique, même revigorée par l’invasion russe de l’Ukraine, n’est pas à l’abri de divergences stratégiques. “Ce n’est parce que l’Otan est unie sur l’essentiel qu’il y a forcément un accord sur tout”, résume Olivier Kempf. “Finalement, les problèmes sous-jacents demeurent et n’ont pas disparu avec la guerre en Ukraine“.

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