Boris Johnson a exhorté lundi unionistes et républicains en Irlande du Nord à s’entendre pour mettre fin à la paralysie politique, dix jours après les élections locales qui ont mené à la victoire historique des républicains du Sinn Fein. Les unionistes refusent de participer à l’exécutif si le protocole nord-irlandais, lié au Brexit, n’est pas aboli.
Dix jours après la victoire historique des républicains du Sinn Fein à des élections locales, les institutions nord-irlandaises sont à l’arrêt. Le Premier ministre britannique Boris Johnson est en visite lundi 16 mai à Belfast, espérant mettre fin à cette paralysie politique.
À l’origine de cette impasse, le refus des unionistes du DUP de participer à l’exécutif de cette province, pourtant censé être partagé en vertu de l’accord de paix de 1998 – accord ayant mis fin à trois décennies de conflit sanglant connues sous le nom de “Troubles”. Ils ont ainsi bloqué le fonctionnement l’Assemblée d’Irlande du Nord en rendant impossible pour le moment l’élection de son président.
Tensions autour du protocole nord-irlandais
Viscéralement attachés à l’union avec la Grande-Bretagne, les unionistes entendent ainsi protester contre le protocole nord-irlandais, accord signé entre Londres et Bruxelles pour répondre à la délicate question de la frontière entre l’Irlande du Nord britannique et la République d’Irlande européenne après le Brexit. Ce texte crée une frontière douanière de fait avec la Grande-Bretagne et menace, selon eux, la place de cette province au sein du Royaume-Uni.
À son arrivée au château de Hillsborough, en périphérie de Belfast – où se déroulent les discussions –, Boris Johnson a été hué par environ 200 manifestants, parmi lesquels figuraient militants anti-Brexit et proches de victimes des “Troubles”.
Selon Downing Street, le Premier ministre britannique entend envoyer un “message clair” aux différentes formations politiques : celles-ci doivent “retourner au travail” pour régler les problèmes quotidiens de la population, tandis que lui cherche à convaincre Bruxelles de modifier le protocole.
Invoquant les tensions politiques en Irlande du Nord et des perturbations dans les échanges commerciaux, le gouvernement britannique veut renégocier en profondeur ce protocole avec l’Union européenne, qui se dit seulement prête à des aménagements.
Londres agite la menace d’actions unilatérales pour outrepasser cet accord. Une position inacceptable pour l’UE qui reproche à Boris Johnson de revenir sur un traité signé en connaissance de cause, quitte à violer le droit international, et menace de sévères représailles commerciales. “J’espère que la position de l’UE changera”, a écrit Boris Johnson dans une tribune parue dans le Belfast Telegraph, sans quoi “il sera nécessaire d’agir” pour protéger l’accord de paix du Vendredi Saint de 1998.
Le “raisonnement” de Londres doit être présenté mardi au parlement britannique par la cheffe de la diplomatie Liz Truss, selon Downing Street, qui insiste sur la nécessité de “progresser urgemment”.
Selon la presse britannique, cela pourrait prendre la forme d’un projet de loi permettant au gouvernement de suspendre unilatéralement certaines parties du protocole en invoquant son article 16. Une adoption prendrait des semaines et ouvrirait la voie à une situation de crise entre l’UE et Londres, mais aussi en Irlande du Nord.
“La dernière chose dont l’Europe a besoin”
Les institutions nord-irlandaises avaient déjà connu trois ans de paralysie, sur fond de scandale financier, avant qu’un accord ne permette le rétablissement de leur fonctionnement en janvier 2020.
À son arrivée à une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE à Bruxelles, le chef de la diplomatie irlandaise Simon Coveney a mis en garde contre “des mesures unilatérales ou des menaces de mesures unilatérales” qui violeraient le droit international.
De tels actes sont “la dernière chose dont l’Europe a besoin alors que nous travaillons si bien ensemble face à l’agression russe” en Ukraine, a-t-il ajouté, soulignant que le protocole nord-irlandais et l’accord de libre-échange conclu entre Londres et Bruxelles sont “liés”.
Appelée à devenir la nouvelle Première ministre de l’Irlande du Nord, la vice-présidente du Sinn Fein, Michelle O’Neill, a accusé le DUP de prendre “la société en otage pour le Brexit dur qu’ils ont apporté avec leurs amis” du parti conservateur de Boris Johnson.
Après avoir rencontré le Premier ministre irlandais Micheal Martin à Dublin, elle a reproché à Boris Johnson ses menaces répétées d’actions unilatérales, une attitude qu’elle a qualifiée de “folie”.
Avec AFP