Maros Sefcovic, vice-président de la Commission européenne en charge des relations interinstitutionnelles et de la prospective – autrement dit de l’avenir de l’Europe – est l’invité d’Ici l’Europe. En pleine guerre en Ukraine et alors que l’UE tente de démontrer son efficacité aux citoyens sur plusieurs fronts, il est interrogé sur les difficultés rencontrées avec le Royaume-Uni dans le cadre du Brexit et de l’application du protocole nord-irlandais, sur les sanctions contre la Russie et leur impact sur les États membres, ainsi que sur l’élargissement de l’UE à l’Est de l’Europe.
Protocole nord-irlandais
Alors que Londres remet en cause l’accord de divorce en menaçant d’agir unilatéralement, en l’absence de flexibilité de l’UE pour assouplir les dispositions douanières post-Brexit en Irlande du Nord, Maros Sefcovic souligne “l’importance de respecter le droit international” car les accords ont été “négociés, approuvés et ratifiés par les gouvernements européen et britannique”.
Ces accords, rappelle-t-il, ont pour but de garantir “la paix en Irlande du Nord et en même temps lui ouvrir l’accès au marché unique européen” : “S’il y a quelque problème que ce soit, on doit trouver une solution amiable et conjointe”. Il a d’ailleurs saisi l’occasion de la toute première réunion de l’assemblée parlementaire de partenariat UE-Royaume-Uni, le 11 mai, pour “souligner encore une fois que l’on doit retourner à la table des négociations pour travailler ensemble sur les problèmes concrets des gens d’Irlande du Nord et éviter toute discussion inamicale ou guerre commerciale entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.”
Guerre en Ukraine et unité européenne
L’embargo européen sur le pétrole russe a pris du retard en raison des réserves de plusieurs États membres. Maros Sefcovic rappelle que l’UE a “déjà approuvé cinq paquets de sanctions en six semaines. C’est sans précédent et nous l’avons fait avec une unité européenne forte et totale, mais la question du pétrole est beaucoup plus compliquée, en raison des positions différentes des États membres”.
“Les pays de l’Europe centrale et orientale sont plus dépendants du gaz et du pétrole russes que l’Europe occidentale, mais nous savons que la situation de l’Allemagne n’est pas facile non plus”, précise-t-il. La Commission européenne donnera la semaine prochaine les modalités de l’indépendance de l’UE aux énergies fossiles russes dans le cadre de son action REPowerEU, afin de “réduire de deux tiers la dépendance de l’UE au gaz russe d’ici la fin de l’année”, explique Maros Sefcovic, “car elle doit se libérer de cette pression politique et être vraiment libre sur le marché mondial.”
Depuis le début de la guerre, l’Europe a accueilli environ six millions de réfugiés sur son sol, d’après les chiffres de l’UNHCR. “C’est la meilleure preuve que nous sommes de vrais Européens, solidaires, d’une grande passion, des Européens qui sont prêts à aider. Je suis vraiment très fier en ce moment d’être européen”, déclare Maros Sefcovic. Il reconnaît, par ailleurs, que les institutions doivent apporter un soutien financier aux États membres : “On a décidé d’utiliser de l’argent du budget européen, pour un montant de 3,5 milliards d’euros, pour soutenir les gouvernements, les Européens qui sont les plus exposés au coût de l’accueil des réfugiés de l’Ukraine.”
Enfin, le commissaire européen tient à rappeler le soutien plein et entier de l’UE à l’Ukraine, “parce que les Ukrainiens se battent pour les valeurs européennes, pour la sécurité européenne et pour éviter que ce conflit ne s’étende aux autres pays.”
Sécurité européenne et Otan
Devant le risque d’extension du conflit à la Moldavie, comme le renseignement américain l’a affirmé, Maros Sefcovic confirme qu’il faut être très vigilant et qu’il est “nécessaire que les pays membres travaillent bien ensemble pour se défendre”. Non seulement en réduisant les ressources financières “de la machine de guerre russe” par le biais des sanctions, mais également en “augmentant la préparation de défense des États en particulier à l’Est”.
C’est pourquoi il salue la volonté de la Suède et de la Finlande d’adhérer rapidement à l’Otan : “Après ce que Vladimir Poutine a fait contre son voisin l’Ukraine, on doit s’adapter à cette nouvelle situation extrêmement difficile. C’est pourquoi on a vu ce changement dans l’opinion publique en Suède et en Finlande. Et bien sûr, nous sommes obligés, comme pays européens, de les soutenir contre toutes les attaques possibles, cyberattaques ou autres. C’est pourquoi on a l’UE, c’est pourquoi on a l’Otan, et tout le monde se félicite de cette décision de la Finlande et de la Suède d’y adhérer.”
Élargissement européen
Le 9 mai, à l’occasion de la Journée de l’Europe, le président français Emmanuel Macron a proposé la création d’une Communauté politique européenne pour intégrer l’Ukraine ainsi que les autres pays qui ont entamé une procédure d’adhésion à l’UE. Cette proposition a quelque peu déçu Kiev.
Maros Sefcovic rappelle que la Commission veut “donner un signal politique que l’Ukraine appartient à la famille européenne, même si le processus d’adhésion a des règles très spécifiques et doit durer le temps nécessaire.” La Commission européenne se prononcera la semaine prochaine sur l’adhésion de l’Ukraine à l’UE avec une opinion officielle avant le débat politique autour de cette question – qui aura lieu lors du Sommet européen des 30 et 31 mai.
Émission préparée par Perrine Desplats, Isabelle Romero, Sophie Samaille et Georgina Robertson.