Fraîchement réélu pour un quatrième mandat, le Premier ministre hongrois verra s’élancer fièrement de Budapest, vendredi 6 mai, le Giro, l’un des grand rendez-vous cyclistes de la saison. Allié de Vladimir Poutine, Viktor Orban a pris exemple sur le président russe en attirant les grands événements sportifs afin de redorer son image auprès de son peuple.
Le sport s’apparente à un outil de soft power aux mains du Premier ministre hongrois. Moins d’un an après avoir reçu quatre matches de l’Euro de football, la Hongrie signe une autre première dans l’histoire magyare en attirant l’une des deux plus grandes courses cyclistes au monde. Avec le départ, vendredi 6 mai à Budapest, du Tour d’Italie, la Hongrie de Viktor Orban collectionne un énième événement sportif mondial.
C’est monnaie courante depuis le retour du nationaliste Viktor Orban à la tête du gouvernement, en 2010, lui qui vient tout juste d’être conforté par une quatrième victoire, écrasante, aux législatives.
Fanatique de football et ex-joueur semi-professionnel, Viktor Orban n’a pas caché ses ambitions de faire renaître les années dorées de la “Grande Hongrie historique”, celle d’avant la Première Guerre mondiale. De manière croissante, son gouvernement tente d’utiliser le sport – notamment le football – pour atteindre des objectifs de politique intérieure, mais aussi pour voir la Hongrie retrouver une certaine influence dans la région.
Stratégie de Vladimir Poutine
Demi-finales et finale de l’Euro masculin de handball dans la flambant neuve Budapest Arena en janvier dernier, mondiaux de natation en juin dans la Duna Arena, puis championnats du monde d’athlétisme, l’an prochain dans un nouveau stade en construction sur la rive est du Danube… La liste des compétitions accueillies en Hongrie est longue.
L’an passé, deux championnats du monde de judo ont également été hébergés par Budapest, et avant cela en 2017, tandis le président russe Vladimir Poutine était l’invité d’honneur d’Orban.
Depuis 2010, le Premier ministre hongrois s’est rapproché de l’homme fort de Moscou dont il a imité l’inflation dans l’organisation des compétitions, jusqu’à la mise au ban de la Russie du sport mondial depuis l’invasion de l’Ukraine.
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Pourtant, à l’inverse de son voisin de l’Est, la Hongrie n’a jamais accueilli de Coupe du monde de football ou de Jeux olympiques. La candidature de Budapest aux JO-2024 a d’ailleurs été retirée à quelques mois de l’attribution en 2017.
La pétition “Nolimpia” du mouvement d’opposition Momentum, regroupant de jeunes activistes, avait recueilli plus de 266 000 signatures, afin d’organiser un référendum contre la candidature de Budapest aux Jeux olympiques d’été de 2024.
Le président russe, lui, avait réussi à faire venir en Russie les deux événements sportifs phares de la planète : les Jeux olympiques d’hiver de Sotchi en 2014, et la Coupe du monde 2018.
Mais pas de quoi arrêter Orban. En Hongrie, les infrastructures se multiplient malgré tout. En plus de la récente piscine olympique (Duna Arena) et du futur stade d’athlétisme, la ville compte aussi la Budapest Sportarena qui accueillait l’an passé le Final 4 de la Ligue des champions de handball, mais aussi la majestueuse Puskas Arena, ouverte en 2019 et qui a coûté à elle seule près de 600 millions d’euros.
Pour Orban, le sport est “un outil pour légitimer son autorité”
Malgré le camouflet infligé par Momentum [parti centriste hongrois] à la droite nationaliste au pouvoir, le Premier ministre, âgé de 58 ans, n’a pas dit adieu à son rêve de JO. Ce dernier estime qu’avec un nombre croissant de stades ultramodernes, les chances de Budapest augmentent.
Dans un entretien de bilan des Jeux de Tokyo accordé en août au quotidien sportif Nemzeti Sport, dont il est un habitué des colonnes, le Premier ministre hongrois assurait qu’il “[était] de plus en plus évident chaque année que la Hongrie [était] digne d’accueillir les Jeux olympiques.”
“La possibilité s’est éloignée, pour le moment. Mais l’accueil des Jeux olympiques est un rêve éternel pour les Hongrois. Un amour qui ne finit jamais”, s’enflammait le dirigeant au style autoritaire.
“Aujourd’hui, le sport est une arme politique”, résume à l’AFP Lukas Aubin, chercheur associé à l’Iris, spécialisé sur la géopolitique du sport et de la Russie. “Même si ça ne marche pas tant que ça pour améliorer son image à l’étranger, c’est un outil pour légitimer son autorité, pour justifier l’importance de son régime”.
En Russie, l’image du président ne s’est pas consolidée à l’étranger, mais cela a fonctionné à l’intérieur”, appuie le chercheur, auteur de l’ouvrage “La sportokratura sous Vladimir Poutine”.
Passionné de football, Viktor Orban a également utilisé son sport fétiche comme instrument d’affirmation nationale. La plupart des grands clubs sont sous la houlette de proches du Premier ministre. “Depuis des années, les revenus engrangeables dans le football hongrois ne dépendent pas du marché, mais des relations politico-économiques, explique à Slate le spécialiste Gabor Szabados. Chaque club essaie de trouver un propriétaire convenable. Ceux avec les meilleures connexions politiques permettent à leur club de réussir économiquement”.
Mercredi, dans ce pays de faible tradition cycliste, une foule compacte s’est réunie, sur la place des Héros de Budapest, pour assister à la présentation des équipes. Avec, en vedette, le Hongrois Attila Valter, devenu l’année dernière le premier représentant de son pays à endosser le maillot rose du Giro.
Avec AFP