Alors que les Européens s’apprêtent à célébrer la journée de l’Europe le 9 mai sur fond de pandémie et de guerre en Ukraine, la question du respect des droits humains sur le Vieux Continent est au cœur de toutes les discussions. Pour en parler, Caroline de Camaret reçoit la présidente de la sous-commission droits de l’Homme au Parlement européen, Maria Arena.
“On peut dire qu’après ces différentes crises, et même depuis la crise financière, les droits de l’Homme ont régressé”, déplore Maria Arena. “En même temps, on a vu des droits plus protégés, que ce soit en Europe ou ailleurs, que ce soient la lutte contre les discriminations ou les droits des femmes, mais après la crise financière, il y a eu des droits économiques et sociaux qui ont été restreints”, juge l’eurodéputée belge. “La question des droits de l’Homme est extrêmement tendue en ce moment.”
Interrogée sur les sanctions prises contre les pays qui ne respectent pas ces droits, la présidente de la sous-commission dédiée estime qu'”il y a un certain nombre de sanctions qui, symboliquement parlant, ont un effet”, prenant l’exemple de la Chine et de la situation avec les Ouïghours. Mais en ce qui concerne la Russie, Maria Arena reconnaît que “la grosse difficulté, c’est que souvent l’Europe traîne à prendre ces sanctions. Aujourd’hui, la crise est à son point culminant. […] Ça aurait sans doute été plus efficace de prendre les sanctions bien avant, alors qu’on a plutôt favorisé la construction du Nord Stream, c’est-à-dire l’arrivée du gaz russe. Et puis seulement, on s’est dit ‘On va prendre des sanctions’ au moment où la guerre est là, et donc nous avons toutes les difficultés à les prendre parce que nous sommes dépendants.”
Au sujet des crimes de guerre, Maria Arena milite pour la création de nouvelles solutions pour les juger et les condamner : “Il y a deux manières de le faire. Il y a tous les éléments de preuve qu’on peut apporter à la Cour pénale internationale. Mais il y a aussi un deuxième instrument qui n’a pas encore été mis en œuvre : c’est la création d’un tribunal ad hoc. C’est-à-dire de pouvoir travailler sur le crime d’agression, car autant sur le crime de guerre, la procédure est longue car il faut tout contrôler, autant un tribunal ad hoc sur le crime d’agression […] permettrait de juger très rapidement la Russie et particulièrement Poutine sur l’agression qu’il est en train de faire en Ukraine. Ça pourrait être quelque chose qui donne la possibilité d’arrêter cette guerre, s’il y avait une rationalité de Poutine dans ce sens.”
Enfin, sur la question des réfugiés, la présidente de la sous-commission droits de l’Homme se félicite de la mise en place d’un dispositif exceptionnel, une clause de protection temporaire qui permet aux réfugiés ukrainiens d’obtenir jusqu’à trois ans de résidence sur le sol européen et de travailler. Selon elle, ce dispositif est cependant insuffisant : “Cette directive exceptionnelle pour les réfugiés existe depuis vingt ans mais n’a été activée que sept fois. Dans le cas des réfugiés ukrainiens, c’est une situation sans précédent sur le territoire européen [avec] 5 millions de personnes qui cherchent une protection. C’est très bien de l’avoir appliquée mais ce n’est pas suffisant. […] Tout va dépendre de combien de temps ça va durer. On peut mobiliser la solidarité des familles accueillantes sur un temps court mais si les temps sont plus longs, ça va demander une organisation publique beaucoup plus forte et dans ce cas, la solidarité européenne devra vraiment répondre aux besoins des Ukrainiens.”
“Il me semble important de regarder ce qui se passe avec les réfugiés ukrainiens et d’en faire une norme”, plaide la députée européenne. “Ce que nous avons fait avec les Ukrainiens, tant en matière de protection que de solidarité, doit être fait avec toute personne qui fuit une guerre, une situation dans laquelle il ne peut pas vivre et qui génère une arrivée importante de personnes en Europe. Ça ne s’est malheureusement pas fait en 2015 lors de la guerre en Syrie mais les pays du Sud qui avaient été laissés seuls lors de cette crise ont malgré tout ouvert cette possibilité pour les pays de l’Est.”
Émission préparée par Perrine Desplats, Isabelle Romero, Sophie Samaille et Georgina Robertson.