L’Afrique du Sud connaît actuellement une nouvelle vague de contaminations au Covid-19. Deux nouveaux sous-variants Omicron, les BA.4 et BA.5, en sont la cause, et “semblent plus transmissibles” que ceux que l’on connaît actuellement, explique l’épidémiologiste Antoine Flahault. Entretien.
L’Afrique australe redevient le centre des attentions scientifiques en matière de Covid-19. En novembre dernier, Omicron y avait été détecté pour la première fois avant de se diffuser dans le monde entier. Cette fois, ce sont deux nouveaux sous-lignages de ce même variant qui entraînent le début d’une nouvelle vague épidémique en Afrique du Sud, selon l’avertissement lancé fin avril par le Centre pour l’innovation et la réponse aux épidémies.
“Les scientifiques sud-africains (…) ont maintenant signalé deux autres sous-variants d’Omicron, BA.4 et BA.5, comme étant à l’origine d’un pic de cas en Afrique du Sud”, a déclaré mercredi 4 mai le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Parallèlement, les indicateurs sanitaires s’améliorent en Europe et dans l’Hexagone : selon les chiffres de Santé publique France, 47 925 personnes ont été testées positives mercredi (-29,2 % sur une semaine), 6 767 personnes hospitalisées et 723 admises en soins critiques sur sept jours (-24 % et -24,1 % sur une semaine), ou encore 693 personnes décédées sur sept jours (-15,7 % sur une semaine).
L’agence nationale de santé publique précise aussi, dans son dernier point hebdomadaire, que 99 % des tests séquencés en France sont le fait du sous-variant Omicron BA.2 – qui domine les autres depuis des semaines. Mais, nouveauté, un cas de BA.4 et deux cas de BA.5 ont été identifiés fin avril dans l’Hexagone. Et comme ces sous-variants “semblent plus transmissibles que les précédents”, selon l’épidémiologiste Antoine Flahault, le risque pour l’Europe de connaître une nouvelle vague épidémique “au début de l’été” existe.
France 24 : Pourquoi l’Afrique du Sud connaît-elle actuellement une nouvelle vague épidémique ?
Antoine Flahault : L’Afrique du Sud voit émerger deux nouveaux sous-variants d’Omicron BA.4 et BA.5 qui semblent plus transmissibles que les précédents. Ces derniers causent une nouvelle vague de contaminations mais on n’en connaît pas l’ampleur attendue, ni l’impact sur les formes graves (les hospitalisations et les décès, NLDR). Jusqu’à présent, les autorités sud-africaines ne constatent pas de recrudescence importante de la sévérité de ces nouveaux variants.
Que sait-on actuellement des nouveaux sous-variants BA.4 et BA.5 ?
Les sous-variants d’Omicron se développent à une vitesse inégalée jusqu’à présent. Il y en a plusieurs qui justifient un intérêt particulier de la communauté scientifique internationale : BA.2.12.1 – qui circule activement aux États-Unis – et les sous-variants BA.4 et BA.5, encore mal connus.
Habituellement, ces sous-variants se propagent auprès des segments jeunes, actifs et mobiles de la communauté, et donc pas auprès de ceux que l’on s’attend à voir arriver à l’hôpital. Il est donc difficile d’évaluer précisément la virulence de ces nouveaux sous-variants à ce stade, c’est-à-dire le pourcentage de formes graves qu’ils provoquent. On sait qu’ils sont plus transmissibles (que les autres variants, NDLR) puisqu’ils s’imposent respectivement aux États-Unis et en Afrique du Sud.
Sur le plan virologique, deux mutations affectant les sous-variants BA.4 et BA.5 laissent présager un accroissement de leur transmissibilité et un échappement immunitaire. Tout cela ressemble aux conditions d’émergence que nous avons connues avec BA.1 et BA.2 (dominants ces derniers mois en Europe, NDLR).
BA.4 et BA.5 – dont plusieurs cas ont été détectés en Europe – peuvent-ils supplanter à moyen terme les actuels sous-variants dominants ?
S’il est prématuré de faire des prévisions même à quelques semaines, on peut reprendre l’historique de la propagation de BA.1 et BA.2 : ils avaient aussi été identifiés initialement en Afrique australe, et il n’y avait eu qu’un mois et demi entre le pic de la vague Omicron en Afrique du Sud (le 15 décembre) et celui observé en France (fin janvier pour BA.1).
On peut donc penser que si BA.4 et BA.5 devaient se propager en Europe et suivre le même chemin que leurs prédécesseurs, alors une nouvelle vague pourrait survenir en Europe de l’Ouest entre la mi-juin et le début de l’été. J’insiste : cette vague de contaminations ne sera pas forcément associée à une augmentation notable des hospitalisations et des décès, mais on doit suivre de très près l’évolution sud-africaine actuelle et se préparer.
Qu’est-ce que cette situation dit de l’évolution de l’épidémie de Covid-19 dans le monde ?
Depuis le début, cette pandémie est imprévisible. À la fin de chaque vague ou presque, les politiques et de nombreux experts prédisent la fin de la pandémie. Il est clair que nous avons réussi pour le moment, en Europe, à contenir dans une certaine mesure l’impact de la pandémie depuis que nous avons des vaccins et des traitements disponibles. Nous avons réussi en particulier à éviter de nouveaux confinements et de nouveaux couvre-feux lors des dernières vagues pandémiques.
Mais nous n’avons pas encore réussi à éviter une forte mortalité liée au Covid-19 : en France, il y a eu 65 000 décès rapportés en 2020, 60 000 en 2021 et encore 22 000 durant les quatre premiers mois de 2022, soit un rythme assez comparable depuis le début de la pandémie. C’est en raison de la très forte transmissibilité des variants Delta puis Omicron que l’on a déploré des chiffres de mortalité si élevés ces derniers mois, en nombre absolu. Mais là où la couverture vaccinale des personnes âgées et vulnérables était imparfaite comme à Hong Kong, Omicron y a fait des dégâts considérables, tant en termes d’engorgement hospitalier que de décès.
Face à l’éventuelle nouvelle vague, deux enjeux sont à relever : le premier est de maintenir a minima cette “paix armée” qui permet aux personnes correctement immunisées d’éviter au maximum les formes sévères de Covid-19 et aux personnes vulnérables de bénéficier des traitements efficaces disponibles. Le deuxième, à plus long terme, est de s’attaquer aux mécanismes même de la transmission de ce virus respiratoire. On sait qu’il se transmet essentiellement par voie aérosol dans les lieux clos et mal ventilés, il conviendrait donc d’améliorer la qualité de l’air intérieur de tous les espaces fermés recevant du public : les habitations, les transports publics, les bars, restaurants et clubs, les écoles, les universités et les bureaux partagés.