Au moins 50 personnes, dont cinq enfants, ont été tuées vendredi à la suite d’une frappe sur la gare de Kramatorsk dans l’est de l’Ukraine, d’où se déroulaient des évacuations de civils. Le président américain accuse la Russie d’avoir commis une “horrible atrocité”. Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves le Drian, qualifie le bombardement de “crime contre l’humanité”.
Le missile s’est abattu vers 10 h 30, vendredi 8 avril, à l’heure où les candidats à l’évacuation se regroupent depuis des jours par centaines. Au moins 50 personnes, dont cinq enfants, ont été tuées dans le bombardement de la gare de Kramatorsk, dans l’est de l’Ukraine. Cette attaque survient quelques jours après la découverte de fausses communes à Boutcha, à la suite du départ des troupes russes.
Un “mal sans limite” selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, une “horrible atrocité” commise par Moscou pour le président américain Joe Biden, un “crime contre l’humanité” selon la diplomatie française : le massacre de Kramatorsk a suscité une vague de condamnations occidentales, mais Moscou a nié toute responsabilité.
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Le ministère russe de la Défense avait annoncé plus tôt vendredi que l’armée russe avait détruit avec des missiles de haute précision “des armements et d’autres équipements militaires dans les gares de Pokrovsk, Sloviansk et Barvinkove”, des localités toutes situées non loin de Kramatorsk.
Après avoir retiré ses troupes de la région de Kiev et du nord de l’Ukraine, la Russie a fait de la conquête totale du Donbass, dont une partie est contrôlée depuis 2014 par des séparatistes prorusses, sa priorité.
Une boucherie
En fin de matinée vendredi, un silence de mort règne sur la coquette gare au fronton de briques rouge et blanc, et sa grosse locomotive à vapeur des années 1930 installée sur la pelouse du rond-point où stationnent d’habitude taxis et familles des voyageurs.
Un coup d’œil au parvis donne vite une idée de l’ampleur de la tragédie : de longues traînées de sang, des bris de verre, des bagages abandonnés éparpillés partout. Même spectacle un peu plus loin, sur le quai : une canne gît près d’un écœurant amas de chair informe. Là, un lapin en peluche rougi par le sang.
Un sac à main en cuir, intact, est posé à deux pas d’un point d’impact qui a troué le béton, un pied arraché dans sa chaussure de basket est encore visible sous un banc où patientaient les candidats au départ. Au milieu des bris de verre, un policier ramasse ici et là dans un carton les téléphones sanguinolents, dont l’un sonne dans le vide.
“Frappe délibérée”
Les corps déchiquetés ou criblés d’éclats ont été rassemblés dans un coin du parvis, sous les auvents de petites boutiques où les voyageurs achètent d’habitude une boisson ou des cacahuètes avant de sauter dans le train.
Dans ce sinistre alignement, on comptabilise plus d’une trentaine de corps, dans les sacs mortuaires ou sous des bâches plastiques vertes.
À une main vieillie déjà blanchie par la mort, une botte de fourrure enfantine, une calvitie… on devine des victimes de tout âge. La tente qui accueillait et abritait ordinairement les familles du froid ou de la pluie a été soufflée par l’explosion, sa bâche kaki découpée pour ramasser et couvrir les dépouilles.
Sous les ordres d’un médecin militaire, des soldats et policiers procèdent déjà péniblement à l’évacuation des corps à bord d’un camion mortuaire de l’armée.
Selon le gouverneur de la région, Pavlo Kyrylenko, au moins 50 personnes, dont cinq enfants, ont été tuées dans cette “frappe des troupes d’occupation russes sur la gare de Kramatorsk”. Une centaine ont été hospitalisées, notamment dans un hôpital militaire.
“Une cinquantaine étaient dans un état grave, beaucoup vont mourir car ils ont perdu beaucoup de sang, et nous manquons de sang ici”, a commenté un militaire sur place ayant participé à la réception des blessés.
Le directeur des chemins de fer ukrainiens Ukrzaliznytsia, Oleksandre Kamychine, a dénoncé une “frappe délibérée”.
Des milliers de personnes avaient été évacuées ces derniers jours par train depuis la gare de Kramatorsk, capitale du Donbass sous contrôle ukrainien et qui vit dans l’angoisse d’une offensive russe majeure et imminente.
Les autorités ukrainiennes n’ont cessé ces derniers jours d’appeler la population à évacuer le Donbass au plus vite.
Pour l’armée russe pourtant, qui dénonce une provocation, “le but de la frappe orchestrée par le régime de Kiev (…) était d’empêcher le départ de la population” de Kramatorsk.
Au moins quatre points d’impacts
Environ une heure avant la frappe, ils étaient déjà des dizaines de civils – personnes âgées, femmes et enfants – à faire la queue devant la gare.
“Je cherche mon mari, il était là, je n’arrive pas à le joindre”, sanglote une femme à col roulé rouge. Tremblante, elle hésite à s’approcher des corps, son téléphone collé à l’oreille.
“Il y avait plein de monde dans et devant la gare. J’étais à l’intérieur, j’ai entendu comme une double explosion, je me suis précipitée contre le mur pour me protéger”.
“C’était un missile Tochka, une bombe à fragmentation”, a affirmé à l’AFP un officier de police sur place : “Il explose en plusieurs endroits, sur une superficie de la taille d’un terrain de football”.
À en croire le sang sur le sol et les témoignages recueillis sur place, les victimes ont été fauchées en plusieurs endroits de la gare, sur le quai principal attenant et son parvis.
L’AFP a comptabilisé au moins quatre points d’impacts dans le périmètre de la gare, autour desquels étaient concentrées les victimes.
L’un de ces impacts a touché également de plein fouet des rails le long d’un train à quai, à l’intérieur de la gare. Il y a eu de nombreuses victimes, et notamment des enfants, à en croire les dessins enfantins par terre entre deux flaques de sang, et les nu-pieds souillés de bambins laissés là.
L’équipe de l’AFP a pu également collecter sur place des morceaux d’acier en forme de petits anneaux à ailettes, tranchants comme des rasoirs.
Sur le missile est tagué en russe, à la peinture blanche, “Pour nos enfants”.
Une sentence qui sonne comme une vengeance, expression récurrente des séparatistes prorusses en référence à leurs enfants tués depuis la première guerre du Donbass, commencée en 2014.
Avec AFP