Sous pression en raison de plusieurs lois russes restreignant la liberté d’expression des médias, Novaïa Gazeta suspend ses publications en ligne et son édition papier jusqu’à la fin de la guerre en Ukraine. Le journal, dont le rédacteur en chef a reçu le prix Nobel de la Paix, était l’un des derniers bastions de la presse libre en Russie.
Le célèbre journal indépendant russe Novaïa Gazeta, dont le rédacteur en chef Dmitri Mouratov a reçu en 2021 le prix Nobel de la Paix, a fini par craquer. Le média a annoncé, lundi 28 mars, suspendre ses publications en ligne et au format papier jusqu’à la fin de l'”opération militaire” en Ukraine, à l’heure où le pouvoir russe accentue ses pressions contre les voix critiques.
Dans un communiqué, le journal a indiqué avoir pris cette mesure après avoir reçu un second avertissement en moins d’une semaine du gendarme russe des télécoms, pour manquement à une loi controversée sur les “agents de l’étranger”.
“Il n’y a pas d’autre solution. Pour nous, et, je le sais, pour vous, c’est une décision terrible et douloureuse. Mais il faut que nous nous protégions les uns des autres”, a écrit Dmitri Mouratov, dans une lettre adressée aux lecteurs du journal.
Concrètement, il est reproché à Novaïa Gazeta de n’avoir pas précisé qu’une ONG mentionnée dans l’un de ses articles était qualifiée d'”agent de l’étranger” par les autorités russes, comme l’exige la loi. Le journal a reçu un premier avertissement le 22 mars, puis un deuxième lundi.
❗ Мы получили еще одно предупреждение Роскомнадзора.
После этого мы приостанавливаем выпуск газеты в сетях и на бумаге — «до окончания «специальной операции на территории Украины».
С уважением, редакция «Новой газеты»https://t.co/ppsun7SMGy
— Новая Газета (@novaya_gazeta) March 28, 2022
Loi contre les “fausses informations” et contre les “agents de l’étranger”
Depuis le déclenchement de l’opération militaire le 24 février, les sites de nombreux médias russes ou étrangers ont été bloqués. Novaïa Gazeta faisait figure de dernier bastion de la presse libre encore en activité en Russie.
Le journal avait déjà retiré de son site internet toutes les informations sur la guerre en Ukraine pour se mettre en conformité avec une nouvelle loi sur les médias punissant de 15 ans de prison toute information non officielle.
Les autorités ont voté plusieurs lois réprimant de lourdes peines de prison ce qu’elles considèrent comme de “fausses informations” sur le conflit en Ukraine. La loi sur les “agents de l’étranger” est une autre arme utilisée par les autorités contre les organisations ou individus critiques du Kremlin.
Réputé pour ses enquêtes dénonçant les atteintes aux droits humains
Ceux qui sont qualifiés d'”agent de l’étranger” sont tenus de se présenter comme tel dans chacune de leurs publications, y compris sur les réseaux sociaux. Et les médias qui les mentionnent doivent également le préciser à chaque fois.
Les poursuites pour manquement à cette loi peuvent avoir de lourdes conséquences. En décembre, l’ONG la plus respectée de Russie, Mémorial, qui était qualifiée d'”agent de l’étranger”, a été interdite pour avoir oublié de préciser ce statut dans certaines publications.
Fondée en 1993, Novaïa Gazeta jouit d’une grande réputation pour ses enquêtes sur la corruption et les atteintes aux droits humains en Tchétchénie. Cet engagement a coûté la vie à six de ses collaborateurs, dont la célèbre journaliste Anna Politkovskaïa, assassinée en 2006.
Avec AFP