Alors que la tension monte aux portes de l’Europe avec la menace d’une invasion russe en Ukraine, l’Alliance atlantique se retrouve en première ligne avec le renforcement des moyens militaires sur le front est. Pour évoquer son rôle dans cette crise, nous recevons le numéro deux de l’organisation, le Roumain Mircea Geoană. Ministre des Affaires étrangères pendant quatre ans au début des années 2000, puis président du Sénat, Mircea Geoană est nommé secrétaire général délégué de l’Otan en 2019.
“Nous sommes inquiets”, confie Mircea Geoană au sujet de la situation en Ukraine. “Et pour cela, nous prenons des mesures de vigilance, de prudence, sans escalade possible. […] Mais nous encourageons également le dialogue avec la Russie et la diplomatie.”
Un dialogue engagé par le président Emmanuel Macron et le chancelier Olaf Scholz, qui se rendront prochainement dans le pays. “Je vois avec beaucoup de joie et de confiance une unité impeccable au sein de tous les Alliés, une concertation impeccable entre l’Otan et l’UE”, se réjouit Mircea Geoană. “On a parfois eu des divergences entre les 30 Alliés. Aujourd’hui, face à cette crise massive, le risque pour la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale d’avoir une guerre traditionnelle en Europe, ça nous unit, et nous encourageons les démarches bilatérales”, conclut-il.
Le secrétaire général délégué de l’Otan revient aussi sur ce qu’Emmanuel Macron qualifiait d’état de “mort cérébrale” de l’Alliance atlantique, en novembre 2019, quand Donald Trump avait inquiété les Alliés par son désengagement : “L’Otan est plus légitime que jamais aujourd’hui. […] Si nous avons besoin d’une preuve de la nécessité vitale d’avoir une Otan forte, je pense que l’Otan a donné la preuve de son utilité, de sa pérennité et de sa permanente adaptabilité face à un climat stratégique qui change. […] Nous avons des changements géopolitiques sans précédents et c’est pour cela que nous avons besoin d’une Europe plus forte mais aussi d’un lien transatlantique toujours fort et dynamique. Je pense que l’Otan est en pleine forme.”
Concernant les rapports entre Union européenne et Alliance atlantique, le secrétaire général délégué se présente comme “un Européen convaincu” qui “encourage l’Europe à faire davantage, parce que nous avons besoin d’une Europe plus forte. La réalité d’aujourd’hui nous prouve encore une fois que nous avons besoin de cette Europe forte sans avoir le risque d’affaiblir le traité transatlantique.” L’occasion aussi de s’exprimer sur la récente prise de fonction de la France à la présidence de l’UE : “Je suis convaincu que la présidence française va diriger ce débat dans la bonne direction, vers une Europe plus forte, qui sera capable de prendre les bonnes décisions, d’avoir une liberté de manœuvre pour les choses qui sont importantes comme la sécurité de l’Europe mais sans affaiblir la garantie de sécurité la plus forte.”
Mircea Geoană rappelle aussi que “la situation est tellement sévère que nous avons besoin de tous les moyens de tout l’arsenal conjoint des deux organisations. C’est pour ça que je ne veux pas de contradictions. Pour l’Occident démocratique, c’est une grande épreuve.” En ce sens, il estime que l’envoi d’armes à l’Ukraine par certains pays et non par d’autres ne doit pas diviser les Alliés : “Nous n’avons pas de clivage au sein de l’Alliance. L’Otan n’a pas de soutien militaire direct vis-à-vis de l’Ukraine mais nous avons décidé d’envoyer une équipe d’experts sur le cyber, pour lutter contre la désinformation massive que les Russes font à l’égard de l’Ukraine.”
Quid d’une intervention de l’Otan en Afrique ? “Nous ne voyons pas un rôle explicite dans la région”, déclare Mircea Geoană, “mais nous soutenons les pays qui ont besoin du savoir-faire de notre Alliance”.
Émission préparée par Isabelle Romero, Sophie Samaille, Georgina Robertson et Perrine Desplats.
