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L’Irlande du Nord commémore les 50 ans du “Bloody Sunday”

Il y a cinquante ans, les soldats britanniques ouvraient le feu sur des catholiques marchant pour les droits civiques. La mémoire des victimes du “Bloody Sunday” est honorée dimanche dans une Irlande du Nord meurtrie par les années noires des “Troubles” et les espoirs de justice déçus.

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L’Irlande du Nord honore, dimanche 30 janvier, la mémoire des victimes du “Bloody Sunday”, cinquante ans après le massacre de 13 manifestants catholiques par les soldats britanniques.

“C’est important que le reste du monde voie ce qu’ils nous ont fait ce jour-là”, souligne auprès de l’AFP Charlie Nash, 73 ans. Son cousin William a été tué ce 30 janvier 1972, à l’âge de 19 ans. “Mais verra-t-on un jour la justice ? Jamais”, estime-t-il, “certainement pas de Boris Johnson”.

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Dans la matinée puis l’après-midi, les proches des victimes vont marcher dans les rues de Derry – appellation qu’ils préfèrent au nom officiel de Londonderry, synonyme de domination britannique – où les parachutistes du premier bataillon avaient ouvert le feu lors d’une manifestation pour les droits civiques des catholiques.

À l’époque, le “Bloody Sunday” a eu pour effet de précipiter de nombreux jeunes catholiques républicains dans les bras de l’Armée républicaine irlandaise (IRA), groupe paramilitaire opposé à toute présence britannique sur l’île d’Irlande. Il faudra attendre 1998 pour que l’accord de paix du Vendredi saint mette un terme à trois décennies de conflit qui ont fait 3 500 morts.

L’armée britannique avait affirmé que les parachutistes avaient répondu aux tirs des “terroristes” de l’IRA, version confortée par un rapport réalisé à la hâte dans les semaines suivantes.

Malgré tous les témoignages contredisant cette version, il faudra attendre 2010 pour que soit officiellement reconnue l’innocence des victimes, atteintes pour certaines dans le dos ou même à terre, agitant un mouchoir blanc.

Aucun soldat jugé

À l’issue de l’enquête la plus longue – 12 ans – et la plus coûteuse qu’ait connue le Royaume-Uni (près de 200 millions de livres sterling, soit 240 millions d’euros au taux actuel), le Premier ministre de l’époque, David Cameron, présente des excuses officielles pour ces actes “injustifiés et injustifiables”.

“Ça fait un demi-siècle, mais on dirait que c’était seulement hier pour nous à Derry”, explique George Ryan, 61 ans, historien et guide dans la deuxième ville d’Irlande du Nord. Pour lui, la perspective de voir des militaires jugés pour le “Bloody Sunday” “semble plus improbable que jamais, mais c’est plus important que jamais”.

Aucun soldat n’a été jugé pour le “Bloody Sunday”. Les poursuites pour meurtres engagées contre l’un d’eux ont été abandonnées pour des questions juridiques et le gouvernement britannique a présenté un projet de loi pour mettre un terme à toutes les poursuites liées aux “Troubles”, dénoncé de toutes parts comme une “amnistie”.

Le juge Mark Saville, qui a mené l’enquête publiée en 2010, a dit samedi sur les ondes de la BBC “comprendre” le sentiment que “la justice n’ait pas encore été rendue”.

Élections locales en mai

À l’entrée du Bogside, le slogan “Il n’y a pas de justice britannique” (“There is no British justice”) a pris place pour l’occasion sur le célèbre pan de mur historique marquant jadis l’entrée du “Derry libre”.

Il y a quelques jours, un drapeau des parachutistes hissé dans un quartier loyaliste de la ville a créé l’émoi, au point d’être évoqué lors d’une séance au Parlement à Londres.

Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a qualifié pour sa part le “Bloody Sunday” de “jour tragique dans notre histoire”, l’un “des plus sombres” des Troubles.

Ces derniers mois, les effets du Brexit ont souligné la fragilité de l’équilibre de l’accord de paix de 1998.

Les décriées dispositions douanières destinées à éviter toute frontière terrestre avec l’Irlande – mais en établissant une frontière maritime de facto avec la Grande-Bretagne – font actuellement l’objet d’intenses négociations entre Londres et Bruxelles.

Elles ont aussi ravivé les tensions communautaires : lors d’émeutes à Belfast au printemps, les “murs de la paix” séparant quartiers catholiques et protestants ont été enflammés.

Les élections locales en mai s’annoncent déterminantes pour le fragile équilibre politique en place. Avec un recul des unionistes, une victoire des républicains est jugée crédible. Le Sinn Fein, autrefois branche politique de l’IRA, souhaite d’ici cinq ans un référendum sur la réunification de l’île.

Avec AFP

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