La date butoir du 10 décembre fixée par la Commission européenne pour trouver une issue au conflit opposant la France au Royaume-Uni au sujet des droits de pêche post-Brexit a expiré, alors que Paris réclame toujours une centaine de licences. Les négociations devraient toutefois se poursuivre.
La France disait, vendredi 10 décembre, attendre “un geste de bonne volonté” de la part de Londres pour poursuivre les discussions sur le conflit des droits de pêche post-Brexit, après avoir menacé d’aller au contentieux si aucune avancée n’était enregistrée dans la journée.
Si Londres “campe sur sa position, nous demanderons à la Commission européenne, dans le week-end, d’annoncer qu’un contentieux est engagé”, avait réaffirmé vendredi matin le secrétaire d’État français aux Affaires européennes, Clément Beaune.
Mais “si les Britanniques aujourd’hui disent ‘on donne quelques dizaines de licences supplémentaires’ (pour les pêcheurs français) comme geste de bonne volonté (…) , nous en tiendrons compte (…) et peut-être nous continuerons” à dialoguer, avait-il aussitôt ajouté.
En vertu de l’accord signé fin 2020 entre Londres et Bruxelles, les pêcheurs européens peuvent continuer à travailler dans les eaux britanniques à condition de pouvoir prouver qu’ils y pêchaient auparavant. Mais depuis plus de onze mois, Français et Britanniques se disputent sur la nature et l’ampleur des justificatifs à fournir.
La France a obtenu 1 004 licences de pêche post-Brexit et en “attend encore 104”, selon le ministère français de la Mer.
“Il n’y aura pas, je le dis très clairement, toutes les licences auxquelles nous avons droit d’ici ce soir”, a regretté Clément Beaune vendredi, tout en misant sur “un geste” des Britanniques.
Intensification des discussions
Sous la pression de Paris, la Commission a demandé fin novembre à Londres de régler le litige des licences de pêches avant ce vendredi 10 décembre. Jeudi soir, le Royaume-Uni a sèchement rejeté cette échéance, tandis que Paris réclame un arbitrage européen.
La Commission européenne, qui mène les négociations avec Londres au nom de la France, s’était montrée à la mi-journée optimiste sur la conclusion rapide d’un compromis. “La Commission et le Royaume-Uni se sont mutuellement engagés à faire aboutir leurs pourparlers pour une conclusion réussie aujourd’hui (…). Les négociations se sont vraiment intensifiées ces dernières semaines et derniers jours”, a déclaré une porte-parole de l’exécutif européen, Vivian Loonela.
“Les discussions continueront jusqu’à tard aujourd’hui. Nous avons une compréhension mutuelle, il faut maintenant y arriver, on va essayer de finir les discussions”, avait-elle insisté, rappelant que 95 % des demandes de licences réclamées avaient reçu une réponse positive.
Pour autant, vers 23 h heure de Bruxelles (22 h GMT), aucune annonce n’avait encore été faite côté britannique sur la délivrance de licences supplémentaires, tandis que Paris indiquait ne pas prévoir de communiquer dans la soirée.
“C’est une procédure technique fondée sur des éléments tangibles, et non pas des dates-butoirs. Les discussions intenses des derniers jours ont été constructives mais n’ont pas encore abouti”, avait indiqué dans la journée un porte-parole du gouvernement britannique auprès de l’AFP.
“La Commission nous a transmis de nouveaux éléments hier et ce matin, et nous les examinons avec Jersey : c’est une bonne chose, mais nos décisions resteront guidées par la qualité de ces éléments”, avait-il observé.
Ça coince pour 40 navires remplaçants
La ministre française de la Mer, Annick Girardin, avait déploré jeudi les “manœuvres dilatoires” du Royaume-Uni et des îles anglo-normandes, dont les administrations délivrent des licences de façon autonome.
Elle avait salué le travail constructif mené avec Guernesey, qui a délivré début décembre une quarantaine de licences, mais fustigé les délivrances au compte-goutte de Jersey.
Sur les côtes françaises de la Manche, les pêcheurs sont à bout de patience, assurant avoir fourni “tous les documents exigés”.
C’est dans la zone située entre 6 et 12 milles au large des côtes britanniques que manque désormais le plus grand nombre de licences françaises. Les discussions achoppent en particulier sur le sort de 40 navires remplaçants (achetés pour renouveler la flotte), des dossiers dont Londres refuse de considérer l’antériorité.
“On n’a aucune visibilité”, tempête Loïc Escoffier, armateur malouin (de Saint-Malo) qui a trois bateaux, voudrait en remplacer un et en passer un autre en “propulsion hydrogène ou hybride”. “Un bateau prêt à naviguer, c’est 1,5 million d’euros, il faut être sûr de soi”, a-t-il expliqué à l’AFP.
Le ton est déjà monté à plusieurs reprises: un blocus de Jersey par les pêcheurs français en mai dernier ; des menaces françaises de sanctions en octobre ; et plus récemment, le blocage par les pêcheurs français de ports et du terminal fret du tunnel sous la Manche.
Avec AFP