Emmanuel Macron et le nouveau chancelier allemand, Olaf Scholz, ont affiché leur unité, lors de leur première rencontre officielle, vendredi, à Paris, promettant de travailler de concert au renforcement de l’Europe. Plusieurs dossiers sensibles opposent néanmoins les deux dirigeants. France 24 fait le point.
Première visite officielle à Paris pour le nouveau chancelier allemand, Olaf Scholz. Le successeur d’Angela Merkel s’est entretenu, vendredi 10 décembre, à l’Élysée, avec le président français lors d’une réunion de travail, au terme de laquelle Emmanuel Macron a salué “une convergence de vue solide”. Alors que la France s’apprête, au 1er janvier, à prendre la présidence de l’Union européenne, le chef d’État compte plus que jamais sur le soutien de l’Allemagne.
Si les deux dirigeants partagent nombre d’ambitions communes, sur la souveraineté européenne, la défense de l’Union ou bien encore la protection des frontières, leurs avis divergent sur plusieurs dossiers sensibles touchant à la crise climatique, à la géopolitique ainsi qu’à l’économie. Explications.
Le nucléaire
Énergie verte ou danger pour la planète ? Parmi les dossiers les plus pressant opposant la France et l’Allemagne figure la question du nucléaire. La Commission européenne doit statuer, dans les prochaines semaines, sur sa possible inclusion à la liste des énergies vertes. Une position ardemment défendue par la France, premier producteur et consommateur européen d’électricité issu des centrales, qui vante les mérites de cette énergie décarbonée. Paris, qui compte construire de nouveaux réacteurs, espère ainsi voir le nucléaire figurer parmi les domaines d’investissement prioritaires de l’Union Européenne.
Mais cette position est aux antipodes de celle de l’Allemagne, qui a entrepris, depuis une dizaine d’années, après la catastrophe de Fukushima, une sortie de cette énergie jugée trop dangereuse et dont la gestion des déchets pose problème. Pour Annalena Baerbock, nouvelle chef de la diplomatie allemande et coprésidente des Verts, le nucléaire est un sujet non-négociable. La ministre a elle-même œuvré au sein de son parti pour obtenir la fermeture des dernières centrales allemandes en 2022.
Le gaz russe
Autre divergence sur la question énergétique, le gazoduc Nord Stream 2. Ces 1 230 kilomètres de tuyaux reliant la Russie à l’Allemagne, via la mer Baltique, doivent permettre à Moscou de doubler ses exportations de gaz vers l’Europe. Un projet jugé essentiel par Berlin pour mener à bien sa transition énergétique, mais qui suscite la méfiance de plusieurs de ses partenaires, dont la France.
Paris craint que ce nouveau gazoduc, qui contourne l’Ukraine, ne prive Kiev des revenus liés à l’acheminement du gaz russe, et affaiblisse sa position vis-à-vis de Moscou. Alors que les tensions entre les deux pays voisins s’accentuent, le nouveau chancelier allemand a prévenu la Russie de possibles “conséquences” pour le gazoduc en cas d’invasion de l’Ukraine, sans pour autant remettre en cause le projet. Ce gazoduc, dont la construction a été finalisée en septembre dernier, doit encore être certifié par l’agence allemande des réseaux avant sa mise en service.
>> À voir : Enquête sur Nord Stream 2, le gazoduc de la discorde
Les finances post-Covid
Frappés de plein fouet par la pandémie de Covid-19, la France comme l’Allemagne ont massivement creusé leur déficit pour maintenir leur économie à flot, misant sur une reprise économique forte. Symbole de cette unité face à la crise, les deux pays ont soutenu le plan de relance européen de 750 milliards d’euros, adopté par le Conseil européen le 21 juillet 2020. Mais qu’adviendra-t-il une fois la crise passée ?
Angela Merkel était une fervente partisane de l’orthodoxie budgétaire européenne et notamment du plafond de déficit, fixé à 3 % du produit intérieur brut (PIB). Une règle aujourd’hui “dépassée” selon Emmanuel Macron, qui a appelé à “repenser le cadre budgétaire” de l’UE.
Si le parti social-démocrate du nouveau chancelier allemand est plus proche des positions françaises sur les sujets financiers, Olaf Scholz a défendu la rigueur budgétaire avant la crise sanitaire en tant que ministre des Finances. Et dans son gouvernement, ce sont les libéraux, défenseurs de la rigueur budgétaire, qui ont obtenu ce portefeuille.
Vendredi, à Paris, Olaf Scholz a reconnu l’importance de maintenir la croissance engendrée par le pacte de relance tout en insistant sur la nécessité de “travailler à la solidité de nos finances”. “Ce n’est pas contradictoire. Pour moi ce sont les deux faces d’un même effort”, a précisé le chancelier allemand, lors de la conférence de presse commune avec Emmanuel Macron.