Plusieurs pays européens – l’Allemagne, l’Autriche et la Grèce – comptent rendre la vaccination obligatoire contre le Covid-19 à partir du début de l’année prochaine pour au moins une partie de la population. Le ministre de la Santé Olivier Véran a expliqué, mercredi, que ce n’était “pas le choix que la France a fait”. Un positionnement qui divise. Explications.
Avec la cinquième vague actuelle de Covid-19 et le variant Omicron, qui menace de supplanter le variant Delta pour les contaminations en début d’année prochaine, la question de la vaccination obligatoire se pose dans plusieurs États européens.
Trois pays ont, pour l’instant, décidé de prendre ce chemin, à commencer par l’Autriche. Son nouveau chancelier, Alexander Schallenberg, a constaté, le 19 novembre, que “malgré des mois de travail de persuasion, nous n’avons pas réussi à convaincre suffisamment de gens de se faire vacciner (66 % de la population avait un schéma vaccinal complet à la mi-novembre, NDLR)”. Et face à ce constat, “augmenter durablement le taux de vaccination est le seul moyen de sortir de ce cercle vicieux”, a-t-il estimé.
Conséquence, l’Autriche compte adopter un projet de loi rendant la vaccination obligatoire à compter du 1er février 2022 et prévoyant des amendes pouvant aller jusqu’à 7 200 euros pour les personnes qui refuseraient malgré tout la vaccination.
L’Allemagne, où plus de 10 millions de personnes ne sont pas vaccinées, a aussi décidé de recourir à cette mesure politique : un projet de loi va être déposé au Bundestag d’ici la fin de l’année, avec une mise en application de la vaccination obligatoire espérée en février-mars 2022. Le nouveau chancelier, Olaf Scholz, s’est dit favorable, le 1er décembre, à titre personnel à cette mesure – où là aussi des sanctions financières seraient prévues pour les récalcitrants à la vaccination.
La Grèce a, quant à elle, annoncé le 30 novembre que la vaccination allait devenir obligatoire pour les personnes âgées de 60 ans et plus à partir du 16 janvier, sous peine d’une amende de 100 euros par mois jusqu’à ce que cela soit le cas. “C’est le prix à payer pour la santé”, a déclaré le Premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, alors qu’un demi-million de Grecs ciblés par la mesure n’ont pas encore été vaccinés.
À ces trois pays s’ajoutent les propos tenus le 1er décembre par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne : elle a estimé à propos de la vaccination obligatoire qu’il était “approprié et raisonnable d’avoir cette discussion maintenant”, précisant qu’il s’agissait d’une “position personnelle” et que cette décision relevait des États membres de l’UE.
La vaccination obligatoire pour “réduire drastiquement la circulation” du Covid-19 ?
Même s’il a dit “comprendre” que “certains pays puissent se poser la question”, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a déclaré le 1er décembre que la France n’a “pas fait le choix” de la vaccination obligatoire. “Qui dit obligation dit contrôle et sanction” et la “faisabilité” d’une obligation “n’est pas évidente”, a-t-il aussi précisé, alors que 75 % de la population française avait un schéma vaccinal complet début décembre – un chiffre encore trop faible pour une éventuelle immunité collective, estimée théoriquement à 85 % de personnes protégées des effets du variant Delta.
Mais la France a en partie rendue la vaccination obligatoire, en septembre dernier, pour les professionnels des hôpitaux et maisons de retraites, sapeurs pompiers, certains militaires ainsi que pour les professionnels et bénévoles auprès des personnes âgées – y compris à domicile.
Élargir cette obligation à l’ensemble de la population pourrait, cependant, permettre de “réduire drastiquement la circulation du virus”, estime l’épidémiologiste Catherine Hill, contactée par France 24. “Les gens non vaccinés sont beaucoup plus susceptibles que les gens vaccinés d’attraper le Covid-19”, ajoute-t-elle. Un constat qu’a aussi établi la Drees, une direction de l’administration publique centrale française, le 3 décembre : “Le nombre d’évènements liés au Covid-19 (tests positifs, hospitalisations, décès) est largement plus important pour les personnes non vaccinées que pour les vaccinées à taille de population comparable.”
L’exécutif a fait depuis plusieurs mois du passe sanitaire le pivot de sa stratégie anti-Covid-19 pour réduire la circulation du virus mais cela n’est “pas suffisant”, selon Catherine Hill, qui rappelle qu’à la date du 2 décembre “5 700 000 personnes de 12 ans et plus ne sont pas vaccinées” en France. “Si les gens qui ne sont pas du tout vaccinés ne peuvent plus aller travailler ou prendre les transports”, précise-t-elle, “alors ils seront obligés d’être vaccinés”.
Appliquer la vaccination obligatoire en plus du passe sanitaire “va énerver tout le monde pour pas grand chose”, estime en off un autre épidémiologiste contacté par France 24. “Les gens qui ne sont pas vaccinés représentent un tout petit pourcentage de la population française et on n’arrivera pas à les attraper. Ce n’est pas la vaccination obligatoire qui va changer le sens de l’épidémie.”
Reste une problématique sanitaire au sein des personnes non vaccinées : les personnes âgées de 60 ans et plus, qui sont majoritairement les plus exposées aux formes graves du Covid-19. En France, 86,6 % de cette classe d’âge était complètement vaccinée le 3 décembre, selon le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies. Cela place le pays en position moyenne au sein des 27 pays de l’UE, loin derrière le podium avec l’Irlande (100 %), le Portugal (99,7 %) et le Danemark (99,1 %).
“On n’a pas essayé de vacciner les gens chez eux de façon systématique : il y a plein de gens âgés qui n’ont pas été vaccinés parce qu’ils ne sont pas mobiles, donc là il y a un problème sérieux”, explique Catherine Hill. L’autre épidémiologiste contacté par France 24 abonde aussi dans ce sens : “Ce qui n’a pas encore été suffisamment fait, c’est d’aller chercher les personnes âgées et de leur faciliter la vaccination”, estime-t-il, avant de conclure : “Après, si quelqu’un de 70 ans veut finalement rester reclus chez lui sans être vacciné, qu’est-ce qu’on peut faire ?”