Commissaire européen à la Justice, Didier Reynders est notamment en charge de faire respecter les principes démocratiques de l’Union européenne. Nous abordons avec lui les sujets épineux du non-respect de l’État de droit par certains pays membres de l’UE, de l’autonomie stratégique de l’Union. Il aborde également le moratoire sur l’immigration et la souveraineté juridique que Michel Barnier, candidat à la présidentielle française, appelle de ses vœux.
État de droit
Depuis le 1er juillet 2021 et pour 6 mois, la Slovénie occupe la présidence tournante de l’Union européenne, alors que le Premier ministre slovène Janez Jansa s’élève régulièrement dans ses tweets contre les droits de réfugiés et la liberté de la presse dans son pays. Un coup de canif dans le respect de l’État de droit tel que défini par les institutions européennes. Le Commissaire européen à la Justice Didier Reynders, dont l’une des principales mission est de faire respecter les principes démocratiques dans l’Union, assure “mener un vrai débat avec le gouvernement slovène” en la matière et ne s’interdira pas de “durcir le ton” si les autorités slovènes n’agissent pas en conformité avec les Institutions, notamment en ce qui concerne le parquet européen.
D’autres États membres sont également dans le collimateur de la Commission, comme la Hongrie de Viktor Orban, qui a récemment voté une loi discriminant la communauté LGBTQ. La Commission européenne a d’ailleurs “lancé une procédure contre cette nouvelle législation en Hongrie” car “on doit protéger ces minorités”, en “utilisant tous les outils à notre disposition”, estime Didier Reynders. Que ce soit par voie légale en saisissant la Cour de Justice européenne, ou en usant de la conditionnalité du versement des fonds du plan de relance au respect de l’État de droit mise en oeuvre en janvier 2021. Elle a utilisée contre le gouvernement polonais qui n’a “toujours pas d’approbation de son plan de relance”, car la Commission lui a “demandé d’avancer vers l’indépendance de la Justice et d’avoir des engagements clairs” avant de l’approuver.
Pacte migratoire et souveraineté juridique
Michel Barnier, ancien négociateur du Brexit et candidat à l’élection présidentielle française de 2022, a déclaré souhaiter un moratoire sur l’immigration et une souveraineté juridique des États membres en la matière. Didier Reynders confirme sa volonté de rester “très attentifs à la primauté du droit européen”. Il regrette donc les propos de Michel Barnier “qui vont très très loin, qui se radicalisent”, “parce que c’est probablement ce que l’on reprochait aux Britanniques pendant toute la discussion sur le Brexit”. Il dit cependant pouvoir “comprendre qu’on ait envie de changer les règles migratoires” du Pacte signé il y a un an, mais rappelle que “pour cela, il faut venir dans les lieux de négociation, au sein du Parlement européen, autour de la table du Conseil” pour arriver à un accord entre les gouvernements.
Autonomie stratégique de l’Union européenne
Dans la Manche, une nouvelle estocade vient d’affaiblir les pêcheurs français, car la France n’a pas obtenu le nombre de licences de pêche prévues dans les eaux britanniques. Didier Reynders constate que “faire respecter les accords reste un enjeu majeur avec nos collègues britanniques” et assure la France du “soutien de ses partenaires”, non seulement pour la pêche, mais également en ce qui concerne “un autre débat récent où la Grande Bretagne était mêlée aux nouveaux accords entre les États-Unis et l’Australie dans le cadre indo-pacifique”. Ces accords de sécurité qui soulèvent la question de l’autonomie stratégique de l’Union européenne, chère au président français.
Didier Reynders constate qu’on a récemment vu “cette autonomie stratégique progresser très fortement en matière de santé”, avec une Union européenne qui a “tenu le rôle de leader” pour ce qui concerne la distribution de vaccins.
L’Union européenne est déjà “pionnière en matière de lutte contre le changement climatique et dans la protection des données”, “on doit pouvoir avancer en Défense et Sécurité de la même manière”. Il s’agira alors de “renforcer le pilier européen en ayant nos propres capacités, notre propre autonomie” sans pour autant “tourner le dos à l’Otan et aux alliances avec les États-Unis”, qui sont “nos partenaires”.
L’Allemagne et l’UE
Les élections générales allemandes ont vu revenir sur le devant de la scène le parti libéral FDP, attaché à une interprétation rigoriste du pacte de stabilité et hostile à toute dette commune au niveau de l’Union. Pour Didier Reynders, qui appartient à la même famille politique, cela n’est pas un sujet d’inquiétude car “la dette est là, nous avons lancé les opérations et il a été possible de la mettre en place”. De plus, selon lui, “l’Allemagne souhaite être dirigée au centre, on ne s’attend donc pas à de très grands bouleversements dans la politique” de ce pays où “l’engagement européen reste bien présent”. Mais beaucoup d’autres dossiers restent sur la table au niveau européen comme la lutte contre le changement climatique ou le respect de l’État de droit et Didier Reynders espère que “l’on pourra compter au moins de la même façon sur le nouveau gouvernement allemand que l’on a pu compter sur la chancelière”.
Émission préparée par Isabelle Romero, Yi Song, Perrine Desplats et Céline Schmitt