L’arrestation de Carles Puigdemont en Italie, jeudi, marque l’épilogue d’une fuite de quatre ans depuis la tentative de sécession de la Catalogne conduite en Espagne, en 2017. France 24 revient sur les étapes clés de cette crise séparatiste en plein cœur de l’Europe.
Près de quatre ans après avoir tenté de déclarer l’indépendance de la Catalogne, en 2017, et sa fuite à l’étranger, l’ex-président catalan Carles Puigdemont – réclamé par la justice espagnole – a été arrêté, jeudi 23 septembre, en Italie.
L’indépendantiste a passé la nuit en prison à Sassari en Sardaigne, où il a été interpellé. Il se rendait à Alghero, ville sarde de culture catalane où il devait participer à un festival culturel et s’entretenir avec des élus de l’île italienne.
Le gouvernement espagnol, qui accuse toujours le leader indépendantiste de sédition, réclame son extradition immédiate. Une décision que doit trancher la justice italienne.
Retour sur le parcours de celui qui est devenu le visage le plus célèbre de l’indépendantisme catalan.
- Référendum d’autodétermination catalan
Avant son élection à la présidence de la Catalogne en 2016, Carles Puigdemont avait pour seule expérience politique celle de maire du bastion indépendantiste de Gérone, une ville de 100 000 habitants.
À peine un an et demi après son arrivée à la tête de la région espagnole, cet ancien journaliste à l’épais casque de cheveux bruns organise avec son gouvernement, malgré l’interdiction de la justice, un référendum d’autodétermination.
Interdit par la justice, ce référendum se tient le 1er octobre 2017. Il a été légitimé en amont par une loi votée le 6 septembre 2017 par des députés indépendantistes. Ces derniers, majoritaires au parlement régional depuis 2015, sont ceux qui ont élu Carles Puigdemont à la tête de la Catalogne.
Le référendum a bien lieu mais il est émaillé de violences policières dont les images font le tour du monde. Le gouvernement séparatiste de Carles Puigdemont annonce la victoire du “oui” à 90 %. Des résultats invérifiables en l’absence de scrutateurs, car le décompte électronique des bulletins a été bloqué par la police.
Deux jours plus tard, le roi Felipe VI demande le rétablissement de l’ordre constitutionnel, alors que des manifestations sont organisées pour dénoncer les violences policières, sur fond de grève générale en Catalogne. Intervenant à la télévision, Carles Puigdemont accuse alors le souverain espagnol d’ignorer les aspirations des Catalans.
- Déclaration d’indépendance mort-née
Quelques semaines plus tard, le 27 octobre 2017, 70 députés sur les 135 du parlement catalan votent une déclaration d’indépendance unilatérale qui restera lettre morte.
Madrid, où le conservateur Mariano Rajoy est au pouvoir, suspend immédiatement l’autonomie de la Catalogne, destitue son gouvernement et dissout le parlement.
Cette déclaration d’indépendance mort-née marque l’une des pires crises de l’Espagne depuis la fin de la dictature franquiste en 1975.
Le 2 novembre, huit membres du gouvernement catalan, dont son vice-président Oriol Junqueras, sont arrêtés et placés en détention provisoire.
- Fuite en Belgique
Un mandat d’arrêt européen est lancé en novembre 2017 contre Carles Puigdemont, qui fuit à Bruxelles. Il s’installe à Waterloo, dans le sud du pays.
En quittant la Catalogne pour la Belgique à la surprise générale, l’ex-leader abandonne nombre de ses anciens “ministres”, qui seront arrêtés.
- Première arrestation en Allemagne
L’arrestation de Carles Puigdemont en Italie n’est pas une première. L’indépendantiste avait été interpellé une première fois dans un pays européen, en Allemagne cette fois, en mars 2018 à la demande de l’Espagne. Mais il avait été libéré quelques jours plus tard après l’abandon par la justice allemande de l’accusation de “rébellion” à son encontre.
- Condamnation des anciens dirigeants indépendantistes
En l’absence de Carles Puigdemont s’ouvre, le 12 février 2019, le procès historique de douze dirigeants indépendantistes catalans pour leur rôle dans la tentative de sécession.
Le 14 octobre 2019, la Cour suprême espagnole condamne neuf d’entre eux, dont Oriol Junqueras, l’ex-vice-président de Puigdemont, à des peines allant de 9 à 13 ans de prison.
Dès l’annonce de la sentence, des milliers de militants catalans descendent de nouveau dans les rues, coupent des routes et des voies de chemin de fer et tentent de paralyser l’aéroport de Barcelone. Des affrontements entre manifestants et police secouent durant plusieurs nuits la Catalogne.
- Levée de l’immunité parlementaire
Parfois taxé par ses détracteurs de “fugitif” ou de “lâche”, Carles Puigdemont continue toutefois à occuper le terrain politique, notamment en tant que député au Parlement européen, où il est élu en 2019, avec son parti Ensemble pour la Catalogne (JxC).
Mais le Parlement européen vote la levée de l’immunité parlementaire de Carles Puigdemont en mars 2021, ouvrant la voie à la possibilité d’une extradition vers l’Espagne.
Toutefois, la décision du Parlement européen a fait l’objet d’un recours dont le jugement définitif sur le fond de la part de la justice de l’UE doit être prononcé “à une date ultérieure”. Selon l’interprétation de l’avocat de Carles Puigdemont, Gonzalo Boye, la décision du Parlement est donc “suspendue”.
- Grâce présidentielle pour les dirigeants indépendantistes
Les neuf indépendantistes incarcérés en 2019 sont graciés en juin 2021 par le gouvernement espagnol de Pedro Sánchez.
Carles Puigdemont n’a, en revanche, pas bénéficié de cette grâce, le gouvernement souhaitant toujours qu’il soit jugé en Espagne. Il reste poursuivi pour “sédition” et “détournements de fonds publics”.
À la suite de ce geste, le 15 septembre 2021, des négociations reprennent entre Madrid et les indépendantistes catalans tandis que ces derniers ont renforcé depuis quelques mois leur majorité au Parlement de la Catalogne lors d’élections régionales anticipées.
Le nouveau président régional de la Catalogne, Pere Aragones, un séparatiste de tendance plus modérée que Carles Puigdemont s’engage à réclamer l’organisation d’un référendum d’autodétermination auprès de Madrid, qui y reste farouchement opposé.
Avec AFP et Reuters