Entrée en vigueur samedi, la loi européenne interdisant la vente d’objets en plastique à usage unique n’est appliquée, pour l’heure, que par une poignée d’États membres. Et certains pays comme la Roumanie ou la Pologne ne semblent guère prêts à renoncer à ces produits néfastes pour l’environnement.
Au vu de l’application de la directive sur la mise sur le marché d’objets jetables en plastique, entrée en vigueur samedi 3 juillet, l’Union européenne a encore du pain sur la planche. Certains pays européens comme la France, la Grèce ou la Lettonie font certes figure de bons élèves en Europe, ayant appliqué cette nouvelle norme européenne dans les temps et se montrant même parfois plus ambitieux que cette législation de l’UE. Mais ces pays représentent toutefois une exception et la plupart des Vingt-Sept sont en retard.
Pourtant, la directive “doit être intégrée dans le droit national des pays de l’Union (européenne) au plus tard le 3 juillet 2021”, précise le texte de loi. Autrement dit, à partir de cette date, dans l’UE, “on ne pourra plus produire, acheter, exporter et importer” de cotons-tiges, couverts, assiettes, pailles, bâtons de ballons de baudruche, bâtonnets mélangeurs mais aussi de contenants alimentaires et de gobelets en polystyrène, a précisé samedi sur Twitter Frédérique Ries, députée européenne et vice-présidente du groupe Renew Europe au Parlement. D’après elle, le texte prévoit une “période de latence” de “12 mois” qui permettra aux vendeurs de vider leurs stocks.
Pailles, couverts, cotons-tiges… 10 plastiques à usage unique interdits à partir d’aujourd’hui dans l’UE. C’est une première étape dans la lutte contre la pollution #plastique Suivront les mesures pour les bouteilles, les gobelets, les récipients, les mégots… #singleuseplastics pic.twitter.com/dXgbasLpu6
— Frédérique Ries (@Frederiqueries) July 3, 2021
La directive européenne prévoit aussi l’apposition d’un marquage sur certains produits vendus dans l’UE (produits hygiéniques, lingettes humides, produits du tabac avec filtre et gobelets pour boissons). Il doit être mentionné qu’ils sont composés de plastique et qu’ils peuvent avoir des effets néfastes sur l’environnement s’ils sont jetés dans un endroit inapproprié. Le marquage doit aussi donner des indications sur “les solutions de gestion des déchets issus du produit ou sur les moyens d’élimination des déchets à éviter pour ce produit”, peut-on lire dans la directive.
Lutter contre le fléau de la pollution plastique
Avec cette loi, l’Union européenne tente de s’attaquer à un fléau mondial. Selon la Commission européenne, les produits concernés par cette directive représentent 70 % des déchets échoués dans les océans et sur les plages. La pollution due au plastique peut provoquer des blessures chez les animaux (voire leur mort) et dégrade les sols et la faune, explique par ailleurs l’association de protection des animaux WWF.
Dans le monde, la production de plastique n’a cessé d’augmenter : elle est passée d’1,5 million de tonnes en 1950 à 359 millions de tonnes en 2018. En Europe, le recyclage des plastiques est encore très limité et ces matières sont souvent incinérées, provoquant des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
L’échéance du 3 juillet explique pourquoi l’Allemagne a annoncé samedi la fin de la vente de ces objets en plastique à usage unique. La loi avait été votée en septembre 2020 en Allemagne, plus d’un an après son adoption par l’Union européenne. La France a également interdit la vente des boîtes à kebab en polystyrène jeudi, conformément à la loi anti-gaspillage de 2020. En vertu de cette même loi, qui transpose la directive européenne dans le droit français, les objets en plastique ciblés par la directive européenne ne sont plus proposés à la vente depuis le 1er janvier 2021.
L’Europe tiraillée entre ses bons et mauvais élèves
La Grèce et la Lettonie ont également adopté des lois nationales conformes aux exigences de l’Union européenne, révèle un rapport publié jeudi et réalisé par plusieurs associations et ONG environnementales (Zero Waste Europe, Surfrider Europe, Rethink Plastic Alliance, Seas at Risk). Pourtant, sur les 27 pays de l’UE, la directive était seulement appliquée dans huit États au lendemain de son entrée en vigueur : en Belgique, Danemark, Grèce, France, Lituanie, Lettonie, Hongrie et Slovaquie.
De son côté, l’enquête intitulée “Abandon des plastiques à usage unique : où en est l’Europe ?” dénonce un manque d’ambition de la part d’une grande partie des États membres. À la veille de l’entrée en vigueur de la directive, “une majorité de pays ont adopté des mesures minimales pour se conformer à la directive ou n’ont pas adopté toutes les mesures exigées. Dans de nombreux pays, le processus de transposition est toujours en cours et ou a à peine commencé”, peut-on lire dans le rapport.
Cette dernière catégorie concerne plusieurs pays dont la Pologne, la République tchèque, la Roumanie et la Bulgarie. En Roumanie, le ministère de l’Environnement avait affirmé, le mois dernier, qu’un projet de loi devait être débattu au Parlement. Mais les auteurs du rapport indiquent n’avoir trouvé aucune précision sur un tel projet de loi.
>> À lire aussi : Trier, recycler, réparer, consigner : ce que contient la loi antigaspillage
La Bulgarie n’a pas non plus proposé ou adopté de texte. Selon le rapport, “un décret interdisant les objets en plastique à usage unique doit être publié par le ministère de l’Environnement et de l’Eau en lien avec la directive mais il n’avait pas encore été rédigé” en juin.
Même constat pour la République tchèque, qui n’avait adopté aucune loi début juin. Un texte de loi fait toutefois l’objet de discussions parlementaires. En Pologne, “la plupart des clauses de la directive n’ont pas encore été appliquées” et, en juin 2021, aucun projet de loi n’avait encore été présenté.
L’Union européenne exhorte les pays à agir
L’enquête avance à plusieurs reprises des motifs politiques (crise politique en Bulgarie, élections législatives en République tchèque) pour expliquer ces retards. En outre, les pays cités ne sont pas des pionniers en matière de lutte climatique en Europe. La Pologne est une grosse consommatrice de charbon et l’industrie minière y représente un poids économique important. La Roumanie est l’un des mauvais élèves de l’Europe en termes de gestion des déchets et de lutte contre la pollution atmosphérique.
Contactée par France 24, la Commission européenne affirme “travailler avec les États pour assurer la transposition de la directive européenne dans les lois nationales”. “La Commission a publié des lignes directrices au mois de mai pour soutenir les États dans la mise en œuvre de la directive. Elle s’attend à ce qu’ils la mettent en application le plus rapidement possible”, poursuit l’institution européenne.
La directive européenne comprend d’autres mesures qui devront être appliquées dans les années à venir, notamment sur le recyclage des bouteilles en plastique dans l’UE et sur la composition de ces bouteilles. La loi prévoit également la mise en place de mesures renforcées sur le principe du “polleur-payeur”, qui entreront en vigueur en 2024.