À l’issue d’un sommet européen dont l’ordre du jour allait de la crise du Covid-19 à la relation avec la Russie, en passant par la question de la Hongrie et du respect de l’État de droit, nous recevons Enrico Letta, secrétaire national du Parti démocrate en Italie, parti social-démocrate qui soutient le gouvernement de Mario Draghi. Ancien président du Conseil italien et bon connaisseur de Bruxelles, il décrypte avec nous cette actualité européenne.
Alors que l’Italie met fin à l’obligation du port du masque à l’extérieur à compter du 28 juin, Enrico Letta se réjouit d’observer “un bel esprit de reconstruction et d’optimisme” dans son pays. Il entrevoit la reprise économique et a “l’espoir que la vaccination, qui marche très bien dans le pays, puisse éviter qu’il y ait de nouvelles vagues”.
Assurée de recevoir la somme de 191,5 milliards d’euros dans la cadre du plan de relance européen, l’Italie doit, selon le secrétaire national du Parti démocrate, être “capable de bien dépenser cet argent, car c’est là le grand enjeu européen”. Il rappelle que le président du Conseil a entamé trois grandes réformes ayant pour but de veiller à ce que ces fonds soient bien dépensés.
Il compte par ailleurs sur ce dernier pour entraîner la France et l’Espagne dans son sillage lors des discussions sur le futur pacte de stabilité afin de “convaincre les Allemands sur un pacte de soutenabilité” car le pacte de stabilité du passé “n’a pas marché”.
La question migratoire, “défi énorme pour le futur de l’Union”
Lors du dernier Conseil, l’Italie a demandé une réforme des accords de Dublin, alors que le pacte global pour la migration présenté par la Commission en septembre dernier reste bloqué. Enrico Letta regrette que “le sujet des politiques migratoires soit celui sur lequel l’Europe a fait le moins d’avancées”.
Malgré le fait que “les avancées faites au Conseil européen sont positives”, il rappelle que la question migratoire est “un défi énorme pour le futur de l’Union” et soutient qu’il faut une “politique générale avec le but de surmonter Dublin” et “faire en sorte que la Grèce, l’Italie, l’Espagne, Malte, qui sont les pays les plus touchés, ne soient pas laissés tout seuls” comme ça a été le cas jusqu’à présent.
“Attitude insupportable” de la Turquie contre les personnes LGBTQI+
Le 15 juin dernier, la Hongrie a voté une loi visant à interdire “la mise à disposition aux enfants de moins de 18 ans des contenus qui montrent ou encouragent la sexualité en elle-même, le changement de genre ou l’homosexualité”. Elle a, par la suite, demandé à ce que l’Allianz Arena de Munich ne soit pas éclairée aux couleurs du drapeau arc-en-ciel en faveur des droits des personnes LGBTQI+ lors de son match de l’Euro-2021 contre l’Allemagne.
Selon Enrico Letta “cette attitude contre les droits des personnes homosexuelles est insupportable”. Il s’inquiète plus largement du fait que “la Hongrie est en train de changer le discours sur l’État de droit à l’intérieur de l’Europe” et affirme que “l’Union européenne doit tenir une position nette et dure” contre le pays, car “c’est une ligne rouge que Viktor Orban ne peut pas franchir”.
Il regrette par ailleurs la décision de l’UEFA de donner raison à la Hongrie car “il est juste que sur les grands principes qui sont violés, une des capacités même du sport est de dire quelque chose qui soit définitif et clair”.
Parler avec la Russie, “une priorité pour l’UE”
Une semaine après la rencontre entre les présidents américain et russe, la France et l’Allemagne proposent d’organiser un sommet UE-Russie. Selon Enrico Letta, même si la relation avec la Russie a changé depuis 10 ans et est devenue “très tendue et très complexe”, il affirme que “continuer à parler avec la Russie est une priorité pour l’Union européenne” sans “quitter nos valeurs et nos drapeaux”.
Il faut, selon lui, “être absolument nets et durs sur beaucoup de sujets, et l’un des sujets principaux étant la Biélorussie avec cette attitude intolérable d’Alexandre Loukachenko” qui va complètement à l’encontre “des droits humains et de l’État de droit”.
Enfin, Enrico Letta tient à souligner que l’avenir de l’Union européenne est dans les mains de ses jeunes, “que les dirigeants européens ne prennent pas assez au sérieux”, regrette-t-il. Et l’Institut Jacques Delors, think tank européen dont Enrico Letta est président, souhaite, à travers son académie Notre Europe, se faire le pont entre l’Europe et sa jeunesse, alors même que commence la Conférence sur l’avenir de l’Europe, visant à inclure les citoyens dans la prise de décision sur le futur de l’Union.
Émission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats, Céline Schmitt et Mathilde Bénézet