Ministre des Affaires étrangères du Luxembourg, l’un des plus petits mais des plus riches pays de l’UE, Jean Asselborn analyse la portée hautement diplomatique du voyage du président américain Joe Biden qui a choisi l’Europe pour effectuer son premier voyage officiel. Il insiste également sur l’importance de défendre le principe de libre-circulation au sein de l’UE, “une arme pour l’Europe des citoyens”.
Dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19, le ministre luxembourgeois de Affaires étrangères n’est pas favorable à la “libéralisation des brevets”, mais souhaite que les pays producteurs de vaccins aident les autres dans leurs stratégies vaccinales “et surtout les pays les moins favorisés”. Il se dit fier que “sur les 600 millions de vaccins produits en Europe, 300 millions ont été exportés”, notamment dans des pays d’Afrique, par le biais du programme Covax.
Jean Asselborn considère que la décision commune des ministres des Finances du G7 de taxer les bénéfices de multinationales à un minimum de 15 % “est une très bonne chose”, mais rappelle que le processus de mise en place “prendra un peu de temps” et qu’il faut surtout que cela se fasse “en conformité avec les Accords de Paris”.
Alors que le Britanniques ont unilatéralement décidé de prolonger les dérogations concédées lors de la signature des accords du Brexit fin 2020, Jean Asselborn martèle qu’”il faut que les Britanniques respectent vraiment à la lettre” les accords de Brexit, et souligne que “si par le dialogue on n’y arrive pas, on peut aller jusqu’à des formalités d’infraction envers les Anglais”. Mais il assure qu’il “ne veut pas qu’on en arrive là”.
Soulagé par l’élection de Joe Biden et son “administration avec laquelle on peut parler à nouveau d’une façon civilisée”, Jean Asselborn assure qu’il “était temps qu’on arrive à une autre collaboration entre les États-Unis et l’UE”, car “quatre autres années de trumpisme auraient rendu le monde ingérable” et “les valeurs de l’Union européenne auraient disparue. Il ajoute que “ce qu’a fait et ce qu’a dit Trump était une aubaine pour les Orban, Le Pen, Kaczynski, Salvini et l’AfD”.
Jean Asselborn revient sur le sommet de l’Otan et souscrit aux propos du président français Emmanuel Macron en 2019 sur la “mort cérébrale” de l’organisation mais concède que l’organisation a réagi. Il souhaite d’ailleurs un “renforcement de la coopération entre l’Otan et l’Union européenne” car, même “s’il n’y a pas d’armée européenne et qu’il n’imagine pas cela dans un avenir proche”, les deux institutions sont “complémentaires”, notamment en ce qui concerne l’attitude à avoir vis-à-vis de la Chine. Il ne voit “pas l’OTAN avoir de l’influence ou des politiques par rapport à la Chine sans se joindre à l’Union européenne”.
Le ministre luxembourgeois tient enfin à rappeler l’importance de la libre-circulation des personnes au sein de l’Union européenne. Ce principe a été mis à mal par les actes terroristes en 2015, puis la crise migratoire et plus récemment par la pandémie. Ce fondement de l’Union européenne est, selon lui, menacé de mort par certains pays de l’Union qui “veulent à tout moment, pour des raisons de politique intérieure, pouvoir décider de restrictions et que la Commission accepte”. Il perçoit “une évolution qui fait que la libre-circulation c’est l’exception, et les restrictions deviennent la règle”. Mais “si Schengen est mort, alors une arme de l’Union européenne, une arme pour l’Europe des citoyens va disparaître. Et il faut se battre pour que les principes de Schengen soient maintenus parce qu’on va perdre énormément”, plaide-t-il.
Emission préparée par Isabelle Romero, Mathilde Bénézet, Céline Schmitt et Perrine Desplats