À 77 ans, après avoir enchaîné moments de gloire et revers de fortune en passant par la case prison, Lula, icône insubmersible de la gauche latino-américaine, va retrouver le palais présidentiel de Brasilia.
“C’est le jour le plus important de ma vie”, a déclaré Lula en votant dimanche, quelques heures avant d’être désigné vainqueur du scrutin, alors qu’il était depuis des mois le favori de l’élection face au président d’extrême droite sortant Jair Bolsonaro.
À 77 ans, après avoir enchaîné moments de gloire et revers de fortune en passant par la case prison, Lula, icône insubmersible de la gauche latino-américaine, va donc retrouver le palais présidentiel de Brasilia.
Sixième campagne présidentielle
Le come-back de Luiz Inacio Lula da Silva, qui a été au pouvoir lors de deux mandats (2003-2010) et voit sa 6e campagne présidentielle le mener de nouveau à la fonction suprême, est une première dans l’Histoire récente du Brésil. Mais Lula, qui a connu un destin hors norme, revient de loin.
Condamné pour corruption dans le plus grand scandale de l’Histoire du Brésil, “Lavage express”, il avait été incarcéré 580 jours, d’avril 2018 à novembre 2019.
Le chef de file du Parti des Travailleurs (PT) s’est toujours dit victime d’un complot politique qui a permis à Jair Bolsonaro d’être élu à la présidence en 2018 alors qu’il en était le grand favori.
En mars 2021, il pouvait de nouveau rêver à une revanche éclatante. La Cour suprême annulait ou prescrivait ses condamnations, lui permettant de recouvrer ses droits politiques, sans l’innocenter pour autant.
Pour le Comité des droits de l’Homme de l’ONU, l’enquête et les poursuites engagées contre Lula avaient violé son droit à être jugé par un tribunal impartial.
“Le Brésil heureux de nouveau”
Aujourd’hui, 12 ans après avoir quitté le pouvoir sur un taux stratosphérique d’opinions favorables (87 %), l’inoxydable Lula veut rendre “le Brésil heureux de nouveau”.
Ce tribun charismatique à la voix rauque a parcouru l’immense pays, équipé d’un gilet pare-balle, et a livré un duel acharné face à son ennemi de toujours, Bolsonaro.
Lula reste perçu comme “près du peuple” et est toujours très aimé, surtout dans les régions pauvres du Nord-Est, son fief historique.
Mais il est aussi détesté par une partie des Brésiliens pour lesquels il incarne à tout jamais la corruption. Jair Bolsonaro, qui avait beaucoup joué sur la haine du PT pour être élu en 2018, n’a cessé de le traiter de “voleur” et d’ex-prisonnier” lors de leurs débats.
Rien ne prédisposait Lula, ce cadet d’une fratrie de huit enfants, né le 27 octobre 1945 dans une famille d’agriculteurs pauvres du Pernambouc (nord-est), à un tel destin.
Enfance
Enfant, Lula était cireur de chaussures. Il a sept ans lorsque sa famille déménage à Sao Paulo pour échapper à la misère.
Vendeur ambulant puis ouvrier métallurgiste à 14 ans, il perd l’auriculaire gauche dans un accident du travail.
À 21 ans, il entre au syndicat des métallurgistes et conduit les grandes grèves de la fin des années 1970, en pleine dictature militaire (1964-1985).
Cofondateur du PT au début des années 1980, il se présente pour la première fois à l’élection présidentielle en 1989 et échoue de peu. Après deux nouveaux échecs, en 1994 et en 1998, la quatrième tentative sera la bonne, en octobre 2002. Il est réélu en 2006.
Premier chef de l’État brésilien issu de la classe ouvrière, il a mis en œuvre d’ambitieux programmes sociaux, grâce aux années de croissance portées par le boom des matières premières. Sous ses deux mandats, près de 30 millions de Brésiliens sont sortis de la misère.
Lula a aussi incarné un pays qui s’ouvrait sur le monde, et a conféré au Brésil une stature internationale avec, notamment, le Mondial de football (2014) et les jeux Olympiques (2016) à Rio de Janeiro.
Alliance et compromis
Idéaliste mais pragmatique, Lula est passé maître dans l’art de tisser des alliances parfois contre nature. Pour cette présidentielle, son colistier est un technocrate centriste à même de rassurer les milieux économiques: Geraldo Alckmin, son adversaire lors de précédents scrutins.
En mars 2016, sa tentative de retour aux affaires en tant que ministre de sa dauphine, Dilma Rousseff, avait été un échec cuisant, tout comme la destitution de celle-ci en août. En octobre 2011, il a souffert d’un cancer du larynx. En février 2017, l’ex-président a subi une épreuve intime avec la mort de son épouse Marisa Leticia Rocco.
Mais Lula a retrouvé un nouvel amour, Rosangela da Silva, surnommée “Janja”, une sociologue militante du PT, de 21 ans sa cadette, qu’il a épousée en mai. “Je suis amoureux d’elle comme si j’avais 20 ans” a-t-il dit de celle qui a pris une part active à sa campagne.
Avec AFP