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Choléra en Haïti : “Nous risquons d’être engorgés si la situation ne s’améliore pas”

Les cas suspects de choléra continuent d’augmenter en Haïti. Alors que l’OMS et l’ONU s’inquiètent d’une flambée épidémique dans un contexte sécuritaire de plus en plus dégradé, Médecins sans frontières a lancé une mission d’urgence pour soutenir les autorités sanitaires.

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C’est une nouvelle épée de Damoclès sur Haïti. Le nombre de contaminations au choléra continue de progresser dans un pays déjà en proie à une profonde crise humanitaire et sécuritaire. Cette maladie qui provoque des diarrhées aiguës, parfois des vomissements, peut être fatale en quelques heures en l’absence de traitement.

Selon les derniers chiffres publiés par le ministère haïtien de la Santé publique le 17 octobre, 606 cas suspects et 66 confirmés ont été recensés au total. Entre le 13 et le 17 octobre, ce sont ainsi 222 nouveaux cas suspects supplémentaires qui ont été décomptés.

Si entre 2010 et 2019, l’épidémie qui avait fait 10 000 morts en Haïti avait été introduite par des Casques bleus, les mauvaises conditions sanitaires pourraient expliquer le retour de la maladie.

“Nous ne savons pas exactement ce qui a provoqué la résurgence du choléra dans le pays, explique Auguste Victor Ngantsele, coordinateur médical de Médecins sans frontières en Haïti. En revanche, dans les bidonvilles comme la Cité soleil où on a commencé à recenser les premiers cas, il y avait des éléments très propices comme l’insalubrité, la promiscuité ou l’accès difficile à l’eau potable.”

La prévention est donc capitale. “Nous avons des activités d’épuration de l’eau essentiellement à Carrefour. Et nous renforçons aussi la sensibilisation sur les mesures barrières dans les quartiers les plus touchés comme Brooklyn, Cité soleil, Carrefour-Feuilles, Bel-Air et Delmas 24”, détaille le coordinateur médical.

Des cas suspects concentrés à Port-au-Prince

Pour soutenir l’action des autorités sanitaires, l’ONG a déjà ouvert quatre centres de traitement dans la capitale Port-au-Prince et ses alentours, soit une capacité de 205 lits : dans le quartier Turgeau, à Cité soleil (le plus grand bidonville du pays), au Champ de Mars, à l’hôpital Raoul-Pierre-Louis, à Carrefour.

“Les cas suspects viennent de huit communes mais il y a davantage de cas à Port-au-Prince et à Cité soleil, précise Auguste Victor Ngantsele. Le ministère de la Santé publique et de la Population signale aussi des cas suspects dans trois autres départements : Nippes, Artibonite et le centre.”

Près de 800 personnes ont déjà été traitées dans ces structures mais les cas suspects sont “difficiles à confirmer” selon MSF. Une difficulté qui pourrait également expliquer le bilan humain pour l’instant peu élevé.

“Nous enregistrons une dizaine de décès mais il y a des suspicions de cas que l’on ne peut confirmer”, ajoute le coordinateur médical. De son côté, l’AFP évoque 22 décès dans des structures médicales.

“La situation évolue rapidement, et il est possible que des cas antérieurs ou supplémentaires de choléra n’aient pas été détectés”, a déclaré le 12 octobre le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus.

L’inquiétante flambée des cas en prison

L’un des épicentres de la maladie dans le pays se trouve désormais dans la prison civile de Port-au-Prince, avec 271 cas suspectés, 12 confirmés et 14 morts, selon le ministère haïtien de la Santé publique. Au moins 11 000 personnes sont détenues dans les quelque 20 prisons du pays. Quant au taux d’occupation des quatre principales, il dépasserait les 400 %, selon les médias locaux.

Une situation d’autant plus délicate que le pays reste paralysé. Des gangs armés bloquent toujours un terminal pétrolier près de Port-au-Prince, créant de graves pénuries de carburant et un climat d’insécurité grandissant.

Barrages, pénuries d’essence… Ces difficultés ont un impact direct sur les établissements de santé. Cela “entraîne la fermeture des établissements de santé et perturbe l’accès aux services de santé pour les personnes qui vivent dans certaines des communautés les plus démunies”, a déploré Tedros Adhanom Ghebreyesus.

“Pour le moment, nous arrivons à assurer nos services. Nous les avons même augmentés, précise de son côté le Dr Auguste Victor Ngantsele. Mais nous risquons d’être engorgés si la situation ne s’améliore pas. Certains centres de santé sont en train de réduire leurs activités ou de fermer carrément leurs portes. Les options des patients seront de plus en plus réduites. Il y a un risque d’afflux dans nos centres. Nous ferons de notre mieux mais nos capacités d’accueil ne sont pas extensibles à l’infini.”

Une mission onusienne à l’étude

Face à une situation de plus en plus chaotique, la question de l’envoi d’une force internationale en Haïti s’est à nouveau posée le 17 octobre au Conseil de sécurité de l’ONU.

“J’ai la délicate mission de porter devant le Conseil de sécurité le cri de détresse de tout un peuple qui souffre et de dire à haute et intelligible voix que les Haïtiens et Haïtiennes ne vivent pas, ils survivent”, a lancé à la tribune le ministre haïtien des Affaires étrangères, Jean Victor Généus.

Une perspective qui n’enchante guère une population traumatisée par les précédentes missions onusiennes. Outre l’importation du choléra lors de la précédente épidémie, la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) avait été accusée d’agressions sexuelles.

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