Deux semaines après un second putsch en huit mois, des assises nationales rassemblent des représentants de l’armée et de la police, des organisations coutumières et religieuses, de la société civile, des syndicats et des partis pour désigner un président de la transition. Si le nouvel homme fort du pays, le capitaine Ibrahim Traoré a affiché sa volonté de ne pas être nommé à ce poste, ses partisans souhaitent qu’il soit désigné.
Des assises nationales ont débuté vendredi 14 octobre au Burkina Faso pour nommer un président de transition, deux semaines après le deuxième putsch en huit mois qui a porté au pouvoir le capitaine Ibrahim Traoré.
Un membre de la junte au pouvoir, le capitaine Marcel Medah, a lu un message du capitaine Traoré, absent à la cérémonie d’ouverture des assises, a constaté un journaliste de l’AFP. “Il nous faut taire nos différends, mettre en commun la richesse de nos diversités pour préserver l’essentiel et écrire une page nouvelle pleine d’espoir”, a-t-il dit, ajoutant qu’il fallait “donner des orientations claires pour la construction d’une nation forte et résiliente, une nation capable d’instaurer la paix, la sécurité et le développement durable”.
Ces assises rassemblent quelque 300 personnes, représentant l’armée et la police, les organisations coutumières et religieuses, la société civile, les syndicats, les partis et les déplacés internes victimes des attaques jihadistes qui frappent le Burkina depuis 2015.
Des blindés et des véhicules militaires ont été déployés aux différents points d’accès au Centre de conférence de Ouagadougou où se tient la rencontre.
Le 24 janvier, des militaires emmenés par le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba et regroupés au sein d’une junte appelée Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), avaient renversé le président Roch Marc Christian Kaboré, accusé d’incapacité face aux attaques jihadistes qui se sont multipliées au Burkina.
Elles n’ont pas cessé en huit mois et, face à la dégradation constante de la situation, un nouveau putsch a eu lieu le 30 septembre, qui a porté au pouvoir un jeune capitaine de 34 ans, Ibrahim Traoré, afin de “recentrer la transition sur les urgences sécuritaires”, selon la junte.
Adopter une charte de la transition
Officiellement désigné président peu après sa prise de pouvoir, le capitaine Traoré a assuré qu’il ne ferait qu’expédier “les affaires courantes” jusqu’à la désignation d’un nouveau président de transition civil ou militaire par des “Assises nationales”.
Un projet de charte de la transition devant être adopté par les assises, et dont l’AFP a eu copie, prévoit que “le mandat du président de la transition prend fin avec l’investiture du président issu de l’élection présidentielle” prévue en juillet 2024.
“Le président de la transition n’est pas éligible aux élections présidentielle, législatives et municipales qui seront organisées pour mettre fin à la transition”, précise ce projet. Des voix se sont élevées pour réclamer le maintien du capitaine Traoré lors de meetings de soutien à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du pays.
Traoré, “le choix du peuple”
“Le capitaine Ibrahim Traoré doit nécessairement terminer ce pour quoi il est venu”, a affirmé Oscar Séraphin Ky, leader d’un mouvement de soutien au capitaine. “Au regard de l’adhésion populaire (au putsch), la convocation d’assises nationales pour désigner un président de la transition, ne devrait pas avoir lieu, car depuis les premiers moments le choix du peuple était déjà fait, et c’est le capitaine Ibrahim Traoré”, a renchéri un autre mouvement qui a appelé à la mobilisation vendredi.
L’ambassadeur de France au Burkina Faso, Luc Hallade, a appelé ses compatriotes “à limiter” vendredi leurs déplacements “au strict nécessaire”, “par crainte de nouveaux mouvements de protestation”.
Des intérêts de la France au Burkina, dont l’ambassade et deux instituts français, ont été pris à partie par des manifestants pro-Traoré à l’occasion du dernier putsch.
Un sondage réalisé par Apidon, un institut local, indique que 53 % des Burkinabè préfèrent avoir le capitaine Traoré à la tête du pays, selon le quotidien gouvernemental Sidwaya.
Les attaques régulières de groupes armés affiliés à Al-Qaïda et au groupe État islamique (EI) ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de quelque deux millions de personnes depuis 2015. Plus de 40 % du territoire échappe au contrôle de l’État, notamment du côté des frontières avec le Mali et le Niger.
Le capitaine Traoré a assuré que Ouagadougou continuerait à respecter les engagements pris sous Paul Henri Sandaogo Damiba vis-à-vis de la Communauté des États d’Afrique de l’ouest (Cédéao), en particulier sur l’organisation d’élections et un retour de civils au pouvoir au plus tard en juillet 2024.
Avec AFP