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Russie : Sergueï Kirienko, de “Monsieur Kinder Surprise” au “vice-roi du Donbass”

Sergueï Kirienko était au premier rang, vendredi, lors du discours du président russe Vladimir Poutine qui a scellé l’annexion contestée des régions ukrainiennes. Comment cet ex-Premier ministre qui a placé l’actuel président à la tête du FSB est devenu un homme clé du Kremlin ?

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Il est un homme à surnoms. Sergueï Kirienko a été appelé “M. Kinder Surprise”, “Le petit ordinateur humain”, “Bombe surprise” ou encore le “M. Politique intérieur” de Vladimir Poutine. Mais, vendredi 30 septembre, alors que le président russe célèbre l’annexion contestée de quatre régions ukrainiennes, il est surtout le “vice-roi du Donbass”, titre qui lui a été décerné par le média russe indépendant Meduza.

D’aucuns voient en ce sexagénaire chauve au visage sévère et qui est, depuis février 2022, sur la liste des personnalités sanctionnées par Washington, un candidat sérieux pour succéder un jour à Vladimir Poutine, assure Meduza dans une enquête consacrée à ce proche conseiller du maître du Kremlin.

L’homme des référendums en Ukraine

Mais n’allons pas trop vite. Les prochaines élections en Russie auront lieu en 2024 et pour l’heure, Sergueï Kirienko a suffisamment à faire avec l’annexion des régions de Louhansk, de Donetsk, de Kherson et de Zaporijjia, sur fond de guerre en Ukraine qui semble tourner à l’avantage de Kiev.

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C’est lui qui doit superviser ce processus, dénoncé par la quasi-totalité de la communauté internationale, sans pour autant en avoir le titre officiel, rappelle le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung. Dans l’organigramme du pouvoir russe, Sergueï Kirienko occupe depuis 2016 le poste de chef adjoint de l’administration présidentielle.

Un titre fourre-tout qui permet à Vladimir Poutine de déléguer à cet homme de confiance les tâches qu’il veut. Jusqu’à présent, Sergueï Kirienko s’assurait essentiellement que les élections se passaient selon les désirs du Kremlin, souligne Global Security, un cabinet américain de conseil en géopolitique et défense.

Il aurait demandé lui-même à se voir confier le volet “administratif” de “l’opération militaire spéciale” en Ukraine lors d’une réunion en tête-à-tête avec Vladimir Poutine en avril, croit savoir Meduza qui s’est entretenu avec plusieurs sources anonymes proches du Kremlin.

C’est, en tout cas, après la première visite de Sergueï Kirienko en Ukraine, début mai, que le projet d’organiser des référendums dans les régions contrôlées par l’armée russe a pris corps à Moscou, souligne le site ukrainien  d’actualité Ukrainska Pravda. Il s’était, alors, rendu dans la ville de Kherson où il avait salué l’avancée des troupes russes.

Il était retourné quelques semaines plus tard à Marioupol, dans la région de Donetsk, pour vanter le succès de la mission de “dénazification” de la ville portuaire. Une rhétorique en phase avec la propagande officielle du Kremlin pour justifier l’invasion de l’Ukraine qui suggérerait que Sergueï Kirienko fait partie des faucons de Moscou, prêt à pousser le bouchon de la guerre aussi loin que possible.

Mais ce serait un portrait très réducteur pour cet animal politique aux multiples vies. Dans l’une d’entre elles, il y a 25 ans, il avait même été salué sur la scène internationale comme l’un des principaux représentants du courant libéral pro-Occident en Russie.  

L’homme qui a fait de Poutine le chef du FSB

C’était en 1998, et Sergueï Kirienko venait d’être nommé Premier ministre par Boris Eltsine. Un choix qui avait étonné le tout-Moscou : le jeune homme avait à peine 35 ans et n’avait à son CV politique qu’une expérience de moins d’un an en tant que vice-ministre de l’Énergie. Un poste qu’il n’avait obtenu qu’en raison de sa proximité avec Boris Nemtsov, ex-vice-Premier ministre et l’une des principales figures de l’aile libérale en Russie à l’époque.

Sergueï Kirienko apparaissait comme le protégé de ce poids lourd du jeu politique russe et qui va mourir assassiné en 2015, après être devenu l’un des principaux détracteurs de Vladimir Poutine. 

Cette proximité suffisait visiblement à Boris Eltsine. Et c’est cette nomination surprenante qui vaudra à Sergueï Kirienko son sobriquet de “M. Kinder Surprise”, en raison de son jeune âge. 

Mais l’expérience Kirienko ne durera que quatre mois. Fin 1998, la Russie s’enfonce dans une grave crise financière et le jeune Premier ministre, alors défenseur acharné d’un libéralisme économique débridé et dopé aux prêts du FMI, sera désigné comme le principal responsable de cette débâcle et forcé de démissionner. 

Durant ce passage éclair à la tête du gouvernement, Sergueï Kirienko aura tout de même eu le temps de procéder à une nomination qui aura un impact profond sur sa vie et celle de la Russie. En juillet 1998, il remet les clés du FSB, la puissante agence de renseignement russe, à un jeune homme ambitieux venu de Saint-Pétersbourg : Vladimir Poutine.

Deux ans plus tard, ce dernier s’en souviendra en accédant à la présidence de la Russie. Il sauve la carrière politique de Sergueï Kirienko, qui n’aurait jamais dû se remettre de son échec en tant que Premier ministre. 

L’opportuniste politique

Vladimir Poutine fait de lui son envoyé spécial dans l’un des sept nouveaux districts fédéraux créés en mai 2000. Là encore une promotion surprise. Il devient le seul à accéder à cette fonction sans appartenir au cercle des proches du nouveau président ou être issu de l’armée.

Sergueï Kirienko doit, en outre, s’occuper d’une des régions les plus importantes : le district de la Volga. Il abrite, en effet, certaines des minorités ethniques les plus significatives comme les musulmans du Tatarstan et, surtout, le principal centre de recherche atomique dans la ville de Sarov. “C’est là que sont développées les armes nucléaires russes”, précise le site de Radio Free Europe, dans un portrait de Sergueï Kirienko.

C’est peut-être cette expérience qui fera de lui le candidat idéal aux yeux de Vladimir Poutine pour devenir entre 2005 et 2016 le responsable de tout le parc nucléaire russe, et des 400 entreprises et centres de recherche spécialisés dans le nucléaire en Russie. “Il sera aussi chargé de négocier avec l’Iran de la possibilité de construire ensemble un site d’enrichissement d’uranium”, souligne Radio Free Europe.

Pour ses détracteurs, Sergueï Kirienko doit son ascension dans la galaxie Poutine à d’autres qualités que purement professionnelles. “C’est un homme très souple [idéologiquement], qui n’ira jamais contre le vent”, assure au Figaro Vadim Prokhorov, un de ses anciens compagnons de route de l’époque où le futur “vice-roi du Donbass” était encore une figure centrale du courant libéral en Russie. “Il est aussi efficace, rationnel qu’opportuniste”, affirme le documentaire russe indépendant “Du libéral au seigneur du Donbass”, visionné par la Süddeutsche Zeitung.

Cette absence apparente de colonne vertébrale idéologique semble confirmée par son adhésion à l’aventure militaire de Vladimir Poutine en Ukraine. Il ne reste plus grand chose du jeune Premier ministre qui vantait la liberté d’expression, la libre entreprise et les valeurs démocratiques. Et sa prochaine tâche pour Vladimir Poutine devrait confirmer ce constat, assure Meduza. Il aurait été chargé de “redorer” l’image de la Russie sur la scène internationale. Son plan, d’après le site d’investigation russe en exil ? Vanter son pays “comme le continent de la liberté pour les dirigeants de droite radicale du monde entier, de Viktor Orban [Hongrie] à Silvio Berlusconi”. 

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