Mariage homosexuel, mais aussi gestation pour autrui et filiation élargie : les Cubains se prononcent dimanche par référendum sur un nouveau Code de la famille, un texte très avancé en matière de droits sociétaux qui fait encore l’objet de réticences.
Plus de huit millions de Cubains sont appelés dimanche 25 septembre à répondre par oui ou par non à une seule question posée par référendum : “Êtes-vous d’accord avec le Code des familles ?”. Les bureaux de vote seront ouverts de 07h00 à 18h00 locales (11h00-22h00 GMT).
La nouvelle loi, qui dépoussière en profondeur le texte en vigueur depuis 1975, définit le mariage comme l’union de “deux personnes”, ce qui légalise le mariage homosexuel et l’adoption par les couples de même sexe.
Outre un renforcement des droits des enfants, personnes âgées et handicapés, le code introduit la possibilité de reconnaître légalement plusieurs pères et mères, outre les parents biologiques, ainsi que la gestation pour autrui sans fins lucratives.
Plusieurs de ces sujets restent sensibles à Cuba, dans une société encore empreinte de machisme et dont le gouvernement communiste a ostracisé les homosexuels dans les années 1960-1970.
Néanmoins, ces vingt dernières années, l’attitude des autorités envers les homosexuels a nettement évolué, et le “oui” a fait l’objet d’une intense campagne officielle.
“Le Code des familles énonce avant tout le respect de l’être humain, le respect de chacune et chacun. Nous reconnaissons et acceptons les différences qui existent déjà dans notre société”, a insisté le président Miguel Diaz-Canel.
“Je me moque que deux hommes se marient ou que deux femmes se marient, je n’ai pas ces préjugés. Je suis d’une autre époque, mais je n’ai pas ces préjugés”, a déclaré à l’AFP Reinaldo Orgalles, un retraité de 67 ans.
En Amérique latine, le mariage homosexuel n’est légal que dans sept pays et plusieurs États mexicains. La gestation pour autrui n’est, elle, autorisée que dans deux États mexicains. Ailleurs, elle se trouve le plus souvent dans un vide juridique, ni interdite, ni autorisée.
Opposition de l’Église
En 2019, le gouvernement cubain avait tenté d’introduire le mariage homosexuel dans la nouvelle Constitution, avant de faire machine arrière face aux critiques des Églises catholique et évangélique.
La Conférence des évêques a rappelé récemment son opposition à plusieurs articles : l’adoption par les couples homosexuels, la gestation pour autrui et la parentalité élargie.
“Il est contraire à l’éthique de reconnaître comme appropriée la ‘gestation solidaire’, lorsqu’une femme qui porte un enfant dans son ventre pendant neuf mois doit le remettre à d’autres immédiatement après la naissance”, ont notamment dénoncé les évêques.
“Je suis chrétienne, j’ai d’autres conceptions (que le Code), je n’accepte pas cela”, abonde Zulika Corso, une enseignante de 65 ans.
Pendant plusieurs mois, le texte a fait l’objet d’une vaste consultation populaire, avec 79 000 réunions de quartiers, qui a conduit à la modification de 48% du texte, selon les médias officiels.
Cependant, le caractère élargi du texte comptant plus de 500 articles pourrait alimenter le vote négatif ou l’abstention, certains électeurs se disant par exemple favorables au mariage égalitaire, mais opposés à l’adoption.
“La législation la plus importante en matière de droits humains”
“Je n’ai pas encore pris de décision parce qu’il y a des choses que je considère comme bonnes et beaucoup d’autres que je ne considère pas comme bonnes”, explique Airam Zulueta, un restaurateur.
Pour le politologue Rafael Hernandez, il s’agit de la “législation la plus importante en matière de droits humains” à Cuba depuis la révolution de 1959, au point même que certains ont estimé que le gouvernement “allait trop loin”.
C’est la première fois que les Cubains sont appelés à se prononcer par oui ou par non sur une loi, le référendum étant jusque-là réservé aux textes constitutionnels.
Dans un contexte de profonde crise économique et d’émigration massive, et plus d’un an après les manifestations historiques de juillet 2021 réclamant plus de liberté, certains électeurs pourraient aussi être tentés par l’abstention ou le vote de protestation.
“Il y a beaucoup d’autres sujets qui sont plus importants que le Code de la famille, comme le fait qu’il n’y a pas de nourriture, que beaucoup de gens ont faim”, estime Julio Cesar Vazquez, un concierge de 50 ans.
Des dissidents ont également appelé sur les réseaux sociaux à s’abstenir.
La loi entrera en vigueur au lendemain des résultats si elle obtient plus de 50% des suffrages
Avec AFP