Le procès de l’attentat de Nice a débuté, lundi, à Paris, au palais de justice de l’île de la Cité. Comme pour le procès des attentats du 13-Novembre, huit accusés vont être jugés pendant trois mois et demi par une cour d’assises spéciale. Les parties civiles attendent “une justice effective”, même si elles ne pourront pas toutes assister physiquement aux audiences.
C’était un 14-Juillet. Un soir de fête nationale sur la promenade des Anglais à Nice, en 2016. Des dizaines de milliers de personnes étaient venues pour le feu d’artifice, mais des dizaines de vies furent fauchées par un camion : 86 morts et 450 blessés. À partir de ce lundi 5 septembre, plus de six ans après la tragédie, huit accusés vont être jugés pendant trois mois et demi devant la cour d’assises spéciale – l’auteur de l’attentat, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, a quant à lui été tué par la police sur les lieux du drame.
Quelque 865 personnes se sont portées partie civile durant l’instruction, mais leur nombre pourrait évoluer. “Il va y avoir une nouvelle constitution de parties civiles à l’audience. Sachant qu’environ 2 400 victimes ont été indemnisées par le fonds de garantie (des victimes de terrorisme, NDLR), le chiffre de 865 pourrait doubler, voire tripler”, explique Me Sophie Hebert-Marchal, avocate spécialisée en dommage corporel à Nice.
Venue au premier jour d’audience, Danielle Lechailler, 73 ans, reconnaît ressentir encore “de la colère”. “Depuis six ans, on a eu le temps de faire face” mais “il y a une cicatrice qui est là”, a-t-elle confié à l’AFP. “On attend de la justice des sanctions et une application des peines”.
Selon Me Sophie Hebert-Marchal, membre du collectif 14-7 Avocats – qui représente plus de 300 parties civiles au procès – pour les victimes, “l’attentat a été un véritable tsunami dans leur vie personnelle et professionnelle, il y a eu un avant et un après 14 juillet 2016. Elles attendent une justice qui soit effective, c’est-à-dire qui établisse les responsabilités et les peines adaptées dans une société démocratique.”
Un procès pour “se reconstruire”
Ce procès pourrait aussi avoir un effet salvateur pour plusieurs parties civiles et familles de victimes. “Plusieurs d’entre elles attendent de ce procès de pouvoir s’exprimer, de pouvoir porter leur voix”, explique l’avocate. “C’est une première étape dans la reconstruction. Elles vont ainsi pouvoir se sentir davantage libérées pour mettre des mots sur ce qui, jusqu’à maintenant, était inaudible.”
C’est le cas de Seloua Mensi, qui a perdu sa sœur sur la “Prom’” le 14 juillet 2016. “Cela fait six ans qu’on attend, le procès, pour nous, va être très dur, mais c’est important de pouvoir s’exprimer sur ce qu’on a vécu dans un premier temps, que tout le monde puisse ressentir le drame qu’on a dû vivre”, témoigne-t-elle auprès de l’AFP. “Faire face aux complices, les voir et comprendre ce qui s’est passé, permettra pour nous de nous reconstruire. Toute personne qui est liée à cet attentat ou qui aurait pu le prévenir doit être jugée”.
Lors de ce procès, il devrait être peu question du dispositif de sécurité et de sa défaillance lors du 14 juillet 2016 à Nice – ce volet-là est en cours d’instruction parallèlement au procès qui vient de s’ouvrir à Paris.
“Le débat (sur la sécurité) n’a pas lieu d’être à l’occasion de ce procès”, explique Me Sophie Herbert-Marchal. “Ce procès-là est pour les huit accusés renvoyés devant la Cour d’assises spéciale, il ne s’agit pas de juger ici la ville de Nice. Après, peut-être que certains avocats vont soulever le débat.”
Un procès à Paris qui “a un coût” pour les parties civiles
Seule ombre au tableau, l’organisation du procès a posé une difficulté pour plusieurs parties civiles : contrairement au procès des attentats du 13-Novembre, certaines ne pourront pas assister physiquement aux audiences. Le procès sur les faits qui se sont déroulés à Nice a lieu, en effet, à Paris car toutes les infractions à caractère terroriste sont jugées dans la capitale depuis la loi du 9 septembre 1986, afin de centraliser l’instruction.
“On sait très bien que tout le monde ne roule pas sur l’or, n’a pas de gros salaires, donc les victimes ne pourront pas toutes venir à Paris”, explique Jean-Claude Hubler, président de l’association Life for Nice. “Les frais de déplacement, l’hôtel, la nourriture, quitter provisoirement son boulot… Tout cela a un coût, donc c’est difficile. Et en plus les remboursements de ces frais (par l’État, NDLR) ne vont pas se faire dans des délais rapides pour celles et ceux qui pourront faire le déplacement.”
Des victimes se sentent, ainsi, exclues du processus judiciaire. Mais elles vont tout de même pouvoir suivre le procès à distance : il est retransmis à Nice dans une salle de plusieurs centaines de places du palais des congrès Acropolis. Les audiences sont également accessibles par webradio sécurisée, avec un différé de trente minutes, pour les parties civiles qui vont en faire la demande – y compris à l’étranger.