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Mikhaïl Gorbatchev, l’homme qui incarne le cataclysme économique à Cuba

En 1991, la disparition de l’Union soviétique précipite Cuba dans une terrible crise économique. Fidel Castro, qui critiquait les réformes menées par Mikhaïl Gorbatchev, parvient à maintenir l’hégémonie du Parti communiste sur l’île au prix d’une décennie de dures privations pour la population. Ses successeurs ont retissé des liens solides avec la Russie.

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Du côté de La Havane, la disparition de Mikhaïl Gorbatchev n’a suscité aucune réaction officielle. Granma, l’organe de presse officiel du Parti communiste cubain, se contente d’une brève nécrologie. Et pour cause. Après avoir été de proches alliés pendant la guerre froide, la disparition de l’URSS a laissé Cuba bien seule face au blocus imposé par les États-Unis depuis 1962, et a provoqué un effondrement de son économie fortement dépendante de l’aide de Moscou.

Fidel Castro critique ouvertement la perestroïka

Quand ils entrèrent victorieusement dans La Havane le 1er janvier 1959, Fidel Castro et ses “barbudos” étaient loin d’être des disciples du communisme international. Mais avec la tentative de débarquement d’exilés cubains dans la baie des Cochons en 1961 et surtout, avec la crise des missiles d’octobre 1962, l’île bascule dans le camp socialiste.

Pendant trois décennies, Cuba développe son économie selon les canons de l’économie planifiée. Dans le cadre du Comecon, le marché commun du bloc communiste mis en place pendant la guerre froide, Moscou approvisionne La Havane en carburant en échange de sucre. “L’aide économique de Moscou se matérialisait par l’achat d’immenses quantités de sucre à un prix bien plus élevé que les cours mondiaux, à la fourniture d’équipement militaire, au financement d’infrastructures mais aussi aux échanges universitaires. De nombreux Cubains ont étudié en URSS”, explique Mervyn Bain, professeur à l’Université d’Aberdeen et spécialiste des relations entre l’Amérique latine et la Russie post-soviétique.

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Au milieu des années 1980, Cuba et l’URSS font face à des difficultés économiques similaires. Pour surmonter l’inefficacité et la faible productivité du modèle soviétique, Mikhaïl Gorbatchev lance, à partir de 1985, la perestroïka, une série de réformes économiques et sociales. Au contraire, le Lider Maximo prône, lui, un marxisme orthodoxe, et engage en 1986 un “processus de rectification des erreurs du passé” – un retour à la pureté des valeurs révolutionnaires excluant toute ouverture politique ou libéralisation de l’économie.

Mikhaïl Gorbatchev et les frères Castro lors de sa visite officielle à Cuba, le 3 avril 1989.
Mikhaïl Gorbatchev et les frères Castro lors de sa visite officielle à Cuba, le 3 avril 1989. AP – J. Scott Applewhite

En avril 1989, lorsque Mikhail Gorbatchev se rend à Cuba, le climat n’est donc plus au beau fixe entre les deux pays. “À cette époque, Cuba avait bien trop à perdre en critiquant l’URSS, et pourtant la presse officielle cubaine s’est mise à publier des articles décriant la situation économique en URSS”, note Mervyn Bain. Lors de cette visite, les divergences sont trop fortes entre les deux alliés et Fidel Castro finit par exprimer ouvertement, dans plusieurs discours, son opposition à la perestroïka menée par son homologue soviétique.

La disparition de l’URSS, un cataclysme économique pour Cuba

Dès 1990, face aux difficultés de son économie liées au délitement du bloc communiste, le régime cubain décrète une “période spéciale en temps de paix” qui durera jusqu’en 2005. L’essence et l’électricité sont rationnées. En 1991, 30 années d’aide économique soviétique s’interrompent et précipite Cuba dans la pire crise économique de son histoire.

Le PIB diminue de 35 % et la population peine à s’alimenter correctement. “Dans les champs, les chevaux remplacent les tracteurs, faute de carburant” rappelle Mervyn Bain, les bateaux soviétiques ayant brusquement cessé d’approvisionner l’île en pétrole, céréales, lait en poudre, médicaments ou pièces détachées.

Plongés dans la misère, de nombreux Cubains se voyaient parfois contraints de préparer des recettes singulières pour se donner l’illusion d’un repas. Aujourd’hui, beaucoup gardent encore en mémoire les “steaks de pelure de pamplemousse”, les “beignets de farine” ou les “steaks hachés de peaux de banane”. Les coupures d’électricité pouvaient durer jusqu’à 16 heures par jour. “De plus, en 1992, les États-Unis renforcent l’embargo qui vise Cuba. Avec la fin du commerce avec l’URSS, c’est une double peine qui pousse une population affamée à protester sur le Malecon (le front de mer à La Havane, NDLR) en 1994”, ajoute Mervyn Bain.

Cette crise oblige le régime cubain à engager des réformes qui vont transformer l’île. Au cours des années 1990, la détention de dollars et de devises étrangères est dépénalisée, plus d’une centaine de professions indépendantes et artisanales sont légalisées, les entreprises agricoles publiques deviennent des coopératives et, surtout, Cuba s’ouvre au tourisme international pour faire entrer des devises dans les caisses de l’État.

L’économie cubaine ne commence à se redresser qu’à partir de 1997, avec l’arrivée au pouvoir au Venezuela d’Hugo Chavez, qui permet à Cuba de véritablement sortir de la crise à partir de 1999. En 2006, Fidel Castro “cède” les rênes du pays à son frère Raul en étant parvenu à maintenir l’hégémonie du Parti communiste sur l’île. “Les niveaux du PIB atteints en 1989 n’ont pu être atteints de nouveau qu’en 2004, cela (la “période spéciale” qui a suivi l’effondrement de l’URSS, NDLR) a coûté au pays 15 ans dans son processus de développement avec beaucoup de dommages et de sacrifices”, estimait récemment Jose Luis Rodriguez, ex-ministre cubain de l’Économie.

Avec Poutine, une nouvelle relation Russie-Cuba

Dans ses mémoires, Fidel Castro étrille Mikhail Gorbatchev. Il considère que le dernier dirigeant soviétique n’a fait que des mauvaises choses, même s’il a voulu sauver le système communiste en le réformant. “Pour les dirigeants cubains, il était clair que Gorbatchev avait perdu le contrôle des réformes qu’il avait lancées. Pour survivre (à la chute de l’URSS, NDLR), Cuba a dû s’ouvrir aux marchés internationaux, au tourisme et a dû engager des réformes que le régime ne souhaitait pas faire”, rappelle Mervyn Bain.

Entre 1991 et 2014, la question du remboursement de la colossale dette cubaine envers l’ex-URSS rend difficiles les relations entre l’île et la Russie. En 2014, Vladimir Poutine a annulé 95 % des 35 milliards de dollars que devait Cuba à la Russie. Depuis, La Havane soutient systématiquement Moscou sur la scène internationale. “Les relations commerciales entre les deux pays sont bien moindres qu’à l’époque soviétique, mais leur relation politique est très solide” affirme le chercheur écossais.

En novembre 2016, Gorbatchev avait salué la disparition de Fidel Castro en des termes élogieux. “Fidel a résisté et a fortifié son pays au cours du blocus américain le plus dur, quand il y avait une pression monumentale sur lui et il a pu (…) mener son pays sur la voie du développement indépendant”.

En revanche, Miguel Diaz Canel, successeur des frères Castro à la tête de Cuba, a toujours réfuté l’étiquette de “Gorbatchev cubain” que certains médias occidentaux ont voulu lui attribuer en 2018, lors de son accession aux pleins pouvoirs. Parce qu’il est un pur produit du Parti communiste cubain, mais surtout parce que le nom de Gorbatchev rappelle forcément des années de disette et de survie.

Avec AFP

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