Le patron de la Formule 1, Stefano Domenicali a acté jeudi l’absence du calendrier 2023 du Grand Prix de France. Plusieurs circuits historiques, à commencer par Spa en Belgique et Monaco, craignent de subir le même sort face aux impératifs du promoteur Liberty Media.
Une écurie (Alpine), deux pilotes de classe mondiale (Pierre Gasly et Esteban Ocon), une tradition historique de course automobile en France… Pourtant, le couperet est tombé, sévère, jeudi 25 août : le circuit Paul Ricard ne sera pas au calendrier de la Formule 1 en 2023.
“Il n’y aura pas de GP de France en 2023”, a annoncé clairement Stefano Domenicali, président de la Formule 1, lors d’une conférence de presse à laquelle ont assisté plusieurs médias dont l’Équipe et l’AFP. Avant de souffler le chaud et le froid sur la suite : “On reste en discussions avec la Fédération et même le gouvernement parce que, de plus en plus, l’avenir est aussi lié aux promoteurs qui voient cela comme un investissement pour le pays, pour la communauté.”
La campagne tardive lancée par Pierre Gasly et Esteban Ocon en juillet dernier pour sauver leur Grand Prix national n’aura donc pas suffi. Voilà donc la France au placard, comme l’Allemagne (64 éditions) qui n’a plus de Grand Prix depuis 2019 malgré sa longue tradition automobile. Revenu sur le circuit Paul-Ricard au calendrier en 2018, dix ans après la dernière édition à Magny-Cours, près de Nevers au centre du pays, le GP de France était le sixième Grand Prix le plus disputé de l’histoire de la F1 depuis 1950 avec 62 éditions.
Gasly sur l’avenir du GP de France :
“C’est un gros problème. Je suis évidemment impliqué dans les discussions, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour les soutenir. La France fait partie de ce sport. Je suis assez confiant qu’ils trouveront un accord.”
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Le GP de France paie un calendrier déjà surchargé avec 22 courses prévues dans la saison 2022, la plus chargée de l’histoire de la F1 à égalité avec 2021. Les places deviennent chères, d’autant que Stefano Domenicali l’affirme : “On ne dépassera pas les 24 courses par an.”
Spa et Monaco également menacés
L’internationalisation de la F1 et la multiplication des candidatures ont eu raison du Grand Prix français. Des facteurs qui menacent également Spa (Belgique) et Monaco, toujours pas assurés de leur inscription la saison prochaine et dont le contrat arrivait à expiration cette année. “L’histoire ne suffit pas”, a martelé Domenicali quant à la disparition possible de ces deux circuits mythiques du calendrier.
Spa-Francorchamps, où les pilotes se rendent le week-end prochain, est pourtant bien menacé. La dernière édition en date, en 2021, avait viré à la mascarade. En raison de conditions météo exécrables, la course n’avait démarré qu’après de nombreux reports et les pilotes n’avaient effectué que quatre tours derrière la voiture de sécurité. Malgré ce cirque, les fans venus en tribunes n’avaient pas été remboursés du prix – onéreux– du billet. Pour survivre, les organisateurs tentent d’adapter le circuit et les conditions d’accès.
Du côté de Monaco, la problématique est tout autre. La course est jugée peu spectaculaire. En effet, avec son tracé urbain, il est quasiment impossible de doubler en course. La victoire se joue davantage le samedi, lors des qualifications et la lutte pour la pole position, que le dimanche et la course en elle-même.
🔴 Les Grands Prix “historiques” comme Spa, Monza ou Silverstone devraient être protégés affirme Christian Horner ! 💪
💬 “Ils font partie de notre histoire, ils font partie de notre ADN. (…) Ce serait comme avoir l’ATP Tour sans Wimbledon.”
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“Il y a quelques courses – Monaco, Silverstone, Spa, Monza – qui sont les plus importantes, les plus historiques, et je pense que nous devrions les protéger. C’est bien que des nouveaux sites arrivent et qu’il y ait de l’intérêt, mais il faut garder cette histoire”, a défendu Christian Horner, le directeur de l’écurie Red Bull, récemment. “Ce serait comme si l’ATP Tour existait sans Wimbledon. Je pense qu’ils font partie de notre histoire et de notre ADN. “
Des nouveaux entrants à grand budget
Depuis le rachat de la Formule 1 par le groupe américain Liberty Media en 2016 – et effective en mars 2017–, la discipline reine des sports automobiles a connu une seconde jeunesse. Avec la diffusion de la série documentaire Netflix “Drive to Survive” (“Formula 1 : Pilotes de leur destin” en français), un nouveau public, plus jeune, se passionne pour chaque Grand Prix. Et avec cette nouvelle popularité, des nouveaux investisseurs réclament leur Grand prix.
Sous l’impulsion du nouveau promoteur, des Grand Prix ont désormais lieu en Azerbaïdjan (depuis 2017), au Qatar et en Arabie saoudite (depuis 2021) ou encore à Miami (depuis 2022).
“Il est vrai que nous travaillons avec d’autres promoteurs pour voir s’ils sont prêts à s’engager. Nous voulons trouver le bon équilibre, au moins un tiers en Europe, un tiers en Extrême-Orient, et l’autre en Amérique/Moyen-Orient. Bien sûr, nous parlons d’un secteur où les investissements et la contribution financière sont très importants”, a noté Stefano Domenicali.
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C’est évidemment par l’argent que le bât blesse. Quand des destinations telles que Bahreïn, Abu Dhabi, le Qatar ou encore l’Arabie saoudite sont capables de payer entre 40 et 60 millions de dollars pour chacune des courses accueillies avec des contrats sur 10 ans, les GP dits historiques n’offrent que moitié moins et n’ont tout simplement pas les moyens de s’aligner.
Outre le Moyen-Orient, la Formule 1 se tourne également avec appétit vers les États-Unis. La stratégie de rénovation d’image de Liberty Media a porté ses fruits. Alors que le Nascar et l’IndyCar ont longtemps été les disciplines les plus populaires outre-Atlantique, la Formule 1 a fait un retour en force. Et Liberty Media compte lui en offrir pour son argent : lors de la saison 2022, deux GP ont eu lieu sur le sol américain. En 2023, il y aura une troisième destination : Las Vegas, qui promet un circuit inédit à la mesure de son glamour.
La rotation, la solution ?
Pour lutter face à ces nouveaux entrants, une solution commence à faire son bout de chemin : mettre en place une rotation parmi les circuits historiques pour leur permettre de continuer à exister en Formule 1. Le directeur du Grand Prix de France, Éric Boullier lui-même plaidait pour cette solution en juillet dernier. De même que le PDG de McLaren, Zak Brown.
“Nous avons de superbes sites qui sont arrivés : Vegas, Miami… je pense que nous aimons tous les circuits historiques, donc j’espère qu’il y aura la place pour garder tout le monde dans un calendrier adaptable et flexible à l’avenir”, avait déclaré le maître de l’écurie orange. ” Je pense qu’il y aura probablement un moment où nous devrons envisager des courses en rotation parce que si nous avons la demande, et qu’il y a de grandes pistes et de grands pays, alors je pense que nous devrions essayer de les adopter.”
Stefano Domenicali a confirmé que le groupe Formula One examinait cette possibilité. Il sera trop tard pour le calendrier 2023, attendu dès octobre, mais elle pourrait bien se concrétiser pour les saisons 2024 ou 2025
“Cette sorte de rotation permettrait à chacun de faire partie du calendrier. C’était une demande de certains promoteurs locaux. Il y a des sites qui sont en train de discuter entre eux pour nous soumettre une proposition dans les prochains mois.
“Cash is King” (l’argent est roi), persiflait le septuple champion du monde Lewis Hamilton lorsque la Formule 1 avait obligé ses pilotes à aller concourir en Australie au tout début de la saison 2020 alors que le Covid-19 s’apprêtait à paralyser la planète. L’adage n’a pas changé quand il s’agit de trancher entre tradition et gros sous au moment d’établir le calendrier.
Parmi toutes ces considérations bassement économiques, une bonne nouvelle est toutefois à noter. La Formule 1 est déterminée à ramener un GP en Afrique, qui en est orphelin depuis 1993. La proposition est notamment défendue par Sir Lewis Hamilton en personne.
“Nous voulons avoir une course en Afrique. Aujourd’hui, l’endroit le plus probable pour cela, c’est l’Afrique du Sud. Ce que nous recherchons, c’est un engagement très solide, clair et à long terme. Cela prend du temps. Nous allons clarifier cette situation dans les prochains jours. Nous voulons prendre l’engagement d’être en Afrique, mais nous voulons le prendre correctement”, a affirmé Stefano Demenicali.