Interrompu par le début de l’invasion de la Russie, le championnat d’Ukraine de football a connu un nouveau départ mardi avec un match entre le Shakhtar Donetsk et le Metalist1925 de Kharkiv. Stades à huis-clos, abris anti-aériens, sirènes… Les matches sont prêts à s’interrompre à la moindre alerte.
Le match s’est conclu sur un 0-0 triste sportivement. Mais l’enjeu n’était pas là, mardi 23 août, pour la rencontre entre le Chakhtar Donetsk et le Metalist 1925 de Kharkiv. À la veille de la fête de l’indépendance de l’Ukraine et des six mois de l’invasion du pays par la Russie, la reprise du championnat d’Ukraine agissait avant tout comme un symbole de la résilience des Ukrainiens face à la guerre.
Un match hautement symbolique
“Pour le moment, les équipes ne pensent pas à la victoire. Cette reprise du championnat ukrainien est simplement un défi lancé et un rappel que l’Ukraine continue d’exister”, explique le journaliste Andrew Todos, sur CNN. Ce Britannico-Ukrainien a fait le déplacement à Kiev pour couvrir le match d’ouverture de la saison.
There was no rest following this one though as we made it 80km outside the capital to Kovalivka for Kolos v returning Kryvbas!
In-between appearances on TalkSPORT & CNN we managed to get a quick TV camera cameo before the match itself panned out to a similar story to that at NSK https://t.co/65SJHA9DDt pic.twitter.com/gXIXuAXaAK
— Zorya Londonsk (@ZoryaLondonsk) August 23, 2022
“Il va s’agir d’une compétition unique : elle se déroulera pendant une guerre, pendant une agression militaire, pendant des bombardements”, a rappelé à Reuters Andriy Pavelko, responsable de la fédération ukrainienne de football, soulignant au passage que de nombreuses personnes se trouvant en première ligne de l’armée ukrainienne ainsi que le président Zelensky ont fait campagne pour le retour des matches de football.
Les autorités n’ont pas lésiné sur les symboles au cours de la journée. Avant le coup d’envoi, les joueurs des deux équipes et les arbitres sont entrés sur la pelouse enveloppés de drapeaux ukrainiens et ont déployé une bannière avec l’inscription : “Nous avons le même courage”.
Les joueurs du Chakhtar, dont la ville d’origine Donetsk est sous contrôle de séparatistes prorusses depuis 2014, portaient des tee-shirts avec les mots : “L’Ukraine va gagner”. Ceux de Kharkiv, la deuxième ville du pays bombardée régulièrement par l’armée russe, arboraient un maillot similaire. Le Metalist 1925 a également ajouté sur son maillot l’emblème des forces armées ukrainiennes, au lieu du traditionnel logo du sponsor.
A moment’s silence for those who lost their lives from the footballing Ultras to players and beyond was powerful before Yaroslav Holyk from Azov Batallion performed the ceremonial KO. pic.twitter.com/hg7CD3GnrO
— Zorya Londonsk (@ZoryaLondonsk) August 23, 2022
Les joueurs ont observé une minute de silence tandis que les noms des villes ukrainiennes où des personnes sont mortes pendant la guerre étaient affichés sur un grand écran. Le coup d’envoi a été donné par un membre du bataillon Azov. Ils ont également brandi un drapeau ukrainien spécial dont l’histoire a été contée par le président Volodymyr Zelensky dans une allocution télévisée.
During President Zelensky’s video message commemorating Ukrainian Flag Day & the UPL restart today he recalled the story of Ukrainian Canadian Danylo Myhal who invaded the pitch of 1976 Olympic Games with a 🇺🇦 flag
That very same flag was raised at the Olympiyskyi today https://t.co/0BaZhZ7FTz pic.twitter.com/GdDdqugibe
— Zorya Londonsk (@ZoryaLondonsk) August 23, 2022
Cet objet appartenait à Danylo Myhal, un Canadien d’origine ukrainienne. Lors des Jeux olympiques de Montréal en 1976, ce dernier avait couru sur le terrain en portant le drapeau pendant un match entre l’Union soviétique et l’Allemagne de l’Est. Vêtu d’une chemise brodée, il avait dansé une danse folklorique ukrainienne avant d’être arrêté.
“(Myhal) a toujours rêvé d’apporter son drapeau en Ukraine et aujourd’hui, c’est enfin arrivé”, a ainsi déclaré le président avant le coup d’envoi. “Il est aujourd’hui hissé à l’ouverture du championnat de football ukrainien.”
Des mesures de sécurité drastiques
Si l’objectif était de montrer que la vie continue pour l’Ukraine dans un semblant de normalité, l’ambiance était pourtant loin d’être “normale” pour ce match. L’Ukraine reste sous la loi martiale et les grands rassemblements publics ont été interdits dans la capitale par crainte de bombardements russes à l’approche de la fête de l’indépendance.
Dans l’immense stade olympique de Kiev, les tribunes, conçues pour accueillir 65 000 personnes, étaient vides. Les spectateurs ne sont pas autorisés à assister aux matches pour limiter les risques. Chaque rencontre devra être approuvée en amont par les administrations militaires.
“La présence de représentants des administrations militaires locales, des équipes médicales et du service d’urgence de l’État est obligatoire”, a souligné Vadym Gutzeit, ministre de la Jeunesse et des Sports, lors de la présentation du protocole.
Les matches auront également tous lieu dans la région de Kiev et dans l’ouest de l’Ukraine, soit les endroits les plus éloignés de la ligne de front. Les stades devront disposer d’abris antiaériens capables d’accueillir les joueurs, leur staff et les arbitres en cas de raids aériens. Si le match inaugural s’est déroulé sans le retentissement des sirènes, celui entre le Rukh Lviv et le FC Metalist de Kharkiv mercredi 24 août a lui été interrompu avant même son début, les joueurs se réfugiant dans les bunkers.
Football in Ukraine, 2022: players from Rukh Lviv and Metalist Kharkiv together in an underground bomb shelter as air raid sirens go off ahead of kick-off in Lyiv. https://t.co/ZUtOdqfXhC
— Colin Millar (@Millar_Colin) August 24, 2022
Des absents
Deux clubs de l’élite ne retrouveront pas immédiatement la compétition, avec l’accord des autorités : le Desna Tchernihiv, qui a notamment participé à la Ligue Europa en 2020-2021, s’abstient d’un retour en championnat, son stade ayant été complètement détruit par les bombardements. Le FC Marioupol ne sera pas là non plus : le port de Marioupol sur la mer Noire a été conquis en mai par les forces russes au prix de nombreuses destructions.
Autres absents : les joueurs étrangers. La Fifa ayant donné la possibilité aux joueurs et entraîneurs étrangers évoluant en Ukraine et en Russie de signer des contrats ailleurs sans attendre la période officielle des transferts, ils seront peu nombreux à revenir dans le pays pour disputer le championnat. Selon Zorya Londonsk, le site d’information ukrainien sur le football fondé par Andrew Todos, ils n’étaient que 18 joueurs étrangers à être revenus dans leurs clubs ukrainiens au 17 juillet. Le Chaktar, avec sa tradition de contingent de joueurs brésiliens, est particulièrement touché.
Même si les matches se tiennent à huis clos, cette dynamique sportive reste essentielle aux yeux des Ukrainiens qui ont témoigné auprès de l’AFP : “Cela montre que la guerre ne nous arrêtera pas”, a expliqué Maksym Scherbyna, 35 ans, un fan du Dynamo Kiev. Un autre supporter, Denys Lazarenko, 41 ans, a assuré que l’Ukraine “a beaucoup besoin du football”, qui “unit les gens”.