À peine les vacances du chef de l’État sont-elles finies que les délicats dossiers internationaux s’empilent sur son bureau de l’Élysée. Guerre en Ukraine, relations diplomatiques avec l’Algérie, redéploiement de Barkhane au Sahel… France 24 fait le point sur les questions internationales qui vont occuper Emmanuel Macron à la rentrée.
À l’image de la météo française de ces derniers jours, la rentrée d’Emmanuel Macron s’annonce agitée, voire orageuse. Si le chef de l’État sait qu’il doit s’attendre à un agenda social compliqué, avec en perspective les épineuses réformes des retraites ou de l’assurance chômage sur fond de hausse généralisée du coût de la vie et de crise climatique et énergétique, il n’est pas non plus sans ignorer l’urgence des questions internationales. D’ailleurs, “en ce début de second mandat, on observe qu’Emmanuel Macron est davantage absorbé par les questions géopolitiques avec la guerre en Ukraine et les autres questions internationales”, constate Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof et enseignant à Sciences Po.
-
Réchauffement diplomatique avec Alger
Son agenda en est un bon témoignage. Pour sa reprise après des vacances “studieuses” au fort de Brégançon, le président de la République a prévu de se rendre en visite officielle à Alger et Oran du 25 au 27 août, répondant à l’invitation de son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune. L’objectif ? “Relancer les relations bilatérales”, assure-t-on du côté de l’Élysée. Ce déplacement intervient au terme d’une importante séquence mémorielle avec le 60e anniversaire des accords d’Évian (18 mars 1962), qui mirent fin à plus de sept ans de guerre entre insurgés algériens et armée française, et de l’indépendance de l’Algérie (5 juillet 1962) après 132 ans de colonisation française.
La visite a surtout pour but de tourner la page d’une série de malentendus et de tensions qui ont culminé avec le rappel de l’ambassadeur d’Algérie en octobre 2021 après des propos du président français sur le système “politico-militaire” algérien et la nation algérienne. “Les deux chefs d’État souhaitent ‘approfondir les relations’ entre les deux pays pour notamment développer de nouveaux partenariats économiques et tenter de dépasser les clivages liés au passé colonial”, explique Fayçal Métaoui, correspondant de France 24 à Alger.
En cette période de recherche d’alternatives au gaz russe, la question du pétrole et du gaz algériens pourrait être soulevée. Tout comme les questions relatives à l’islam de France et à la régulation migratoire (délivrance de visas par Paris contre facilités de retour des migrants clandestins algériens présents sur le sol français). Enfin, “la question sécuritaire dans une région gangrenée par le jihadisme devrait également être au menu des discussions”, assure de son côté Michel Galy, politologue spécialiste des questions africaines.
-
Consolidation de Barkhane au Niger et au Tchad
Au chapitre sécuritaire toujours, Paris ne cesse de le répéter : “La France est toujours engagée au Sahel, dans le golfe de Guinée et la région du lac Tchad avec tous les partenaires attachés à la stabilité et à la lutte contre le terrorisme”, insiste-t-on à l’Élysée. Si la France a acté le 17 février la fin de l’opération Barkhane au Mali, après neuf ans de lutte antijihadiste, en raison de “multiples obstructions” de la junte au pouvoir à Bamako, le président a toutefois souligné que Paris restait mobilisé dans la région. “La France poursuivra le combat contre le terrorisme, en agissant en soutien des efforts politiques, civils et militaires de la Cédéao et États de la région, et en pleine coordination avec nos partenaires européens et américains engagés dans la région”, peut-on lire dans le document présidentiel publié le 15 août. Emmanuel Macron compte d’ailleurs répondre favorablement à l’invitation de la Cédéao “cet automne afin de poursuivre cet engagement au côté de tous les États qui font le choix de la lutte contre le terrorisme et du respect de la stabilité et de la coexistence entre les communautés”, indique le communiqué.
Cet engagement militaire suggère un développement des relations de la France avec le Niger et le Tchad, pays où ont été redéployées les troupes françaises basées au Mali pour l’opération Barkhane. “Tout l’enjeu des prochains mois sera de voir comment Emmanuel Macron compte développer ces relations. Le traumatisme de l’échec de Barkhane est encore dans tous les esprits. Le risque de voir une population tchadienne ou nigérienne nourrir à son tour un ressentiment antifrançais et se mobiliser contre Paris comme au Mali n’est pas à écarter”, prévient Michel Galy.
-
L’épineuse question malienne
Certes, la France a retiré ses troupes du Mali mais elle n’en a pas pour autant fini avec ce pays du Sahel. D’abord, “il y a fort à parier que la France, devenue l’ennemi de la junte malienne, apporte son appui à toutes les forces d’opposition maliennes, comme aux forces touareg du MNLA, ou encore à tous les pays hostiles à Bamako, comme la Côte d’Ivoire qui a signé l’embargo contre le Mali à la Cédéao”, assure Michel Galy.
Ensuite, la France reste mobilisée sur le front de la libération d’Olivier Dubois. “Tous les efforts sont déployés pour obtenir la libération de notre compatriote”, peut-on lire dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères du 22 août, alors que le journaliste – seul otage français recensé dans le monde – est retenu depuis plus de 500 jours, après son enlèvement par des jihadistes à Gao, dans le nord du pays.
-
L’Ukraine et la préservation de la paix en Europe
La guerre en Ukraine “qui tonne aux portes de l’Europe” reste toutefois la priorité majeure d’Emmanuel Macron pour cette rentrée. Le chef de l’État a préparé dès le 14 juillet les Français à un automne difficile, avec des risques de pénurie d’énergie attisés par le conflit ukrainien et les disputes sur le gaz venant de Russie. Sur le terrain diplomatique, “l’objectif d’Emmanuel Macron est de préserver la paix et mettre fin à la guerre qui oppose Russes et Ukrainiens en maintenant le dialogue avec Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky, car on ne peut envisager de fin au conflit sans accord avec toutes les parties”, estime Bruno Cautrès. Ces derniers temps, “les relations avec le président ukrainien se sont distendues, le chef de l’État ukrainien reprochant à son homologue français son manque de soutien matériel. L’Élysée doit poursuivre le difficile exercice d’équilibriste en maintenant les relations avec la Russie sans froisser l’Ukraine.”
-
Les nouvelles relations avec le Royaume-Uni
Dans le contexte de la guerre en Ukraine, “les nouvelles relations diplomatiques que vont établir Paris et Londres dans l’attente d’un nouveau Premier ministre britannique vont s’avérer cruciales pour la suite”, juge Bruno Cautrès, alors que les Tories doivent désigner le 5 septembre le nouveau locataire du 10 Downing Street. Car le Royaume-Uni est, avec la France, la seule puissance militaire européenne susceptible d’apporter un soutien de poids à l’Ukraine. Raison pour laquelle “il sera intéressant d’observer comment Emmanuel Macron et le duo franco-allemand vont renouer le dialogue avec le nouvel exécutif britannique”.
-
Le nucléaire iranien
Le 5 mai, la France a fait part de sa “très grande préoccupation” après la publication, la veille, d’un rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pointant l’absence de “réponses satisfaisantes” de l’Iran concernant des traces d’uranium enrichi retrouvées sur des sites non déclarés. Mobilisé aux côtés des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Chine, de l’Allemagne et de la Russie, Paris entend activement participer à l’accord sur le nucléaire iranien. Emmanuel Macron croit d’ailleurs “encore possible la relance de l’accord de 2015. À condition d’intervenir dans les plus brefs délais”, avait-il précisé à l’issue d’un entretien le 23 juillet avec le président iranien Ebrahim Raïssi. Une réunion pour sauver l’accord sur le nucléaire iranien pourrait se tenir cette semaine à Vienne, selon Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne.
-
Le développement de la coopération culturelle
Enfin, Emmanuel Macron veut poursuivre sa politique de restitution d’objets culturels pillés aux pays africains. Après avoir rendu au Bénin quelque 26 statuettes du royaume du Dahomey en décembre 2021, Paris ne compte pas s’arrêter là. Le gouvernement français veut faire adopter une loi-cadre au Parlement pour assurer le retour d’œuvres volées aux pays africains. Cette action s’inscrit plus largement dans la volonté du chef de l’État de faire toute la transparence sur le passé colonial de la France. “La restitution de ces objets a une forte valeur symbolique, conclut Michel Galy. Elle s’inscrit aussi dans une logique de soft power qui permet à la France de maintenir de bonnes relations avec les intellectuels des pays de l’Afrique francophone.”