La justice mexicaine a appréhendé vendredi Jesus Murillo Karam, l’ancien procureur général du pays, et ordonné l’arrestation de 64 policiers et militaires pour leur implication présumée dans la disparition de 43 étudiants d’Ayotzinapa en 2014.
La justice mexicaine a ordonné vendredi 19 août l’arrestation de l’ancien procureur général du pays, ainsi que de 64 policiers et militaires pour la disparition, en 2014, de 43 étudiants de l’école normale d’Ayotzinapa, au lendemain de la publication d’un rapport d’une commission officielle qui a qualifié cette affaire de “crime d’État”.
Dans la soirée de vendredi, l’ex-procureur général Jesus Murillo Karam a été appréhendé à son domicile de Mexico pour “disparition forcée, torture et délits contre l’administration de la justice”, et n’a pas opposé de résistance, a indiqué le parquet dans un communiqué.
Le parquet a par la suite annoncé que des mandats d’arrêt avaient été lancés contre 20 responsables de l’armée, 44 policiers et cinq fonctionnaires pour leur implication présumée dans cette affaire, qui avait profondément choqué au Mexique et à l’étranger.
Ces 64 policiers et militaires sont recherchés pour “crime organisé, disparition forcée, tortures, homicide et délits contre l’administration de la justice”, a précisé le parquet. Les identités et le rang des personnes recherchées n’ont pas été précisés.
Un “crime d’État”
Jesus Murillo Karam, qui avait exercé ses fonctions sous le président Enrique Peña Nieto (2012-2018) et avait dirigé une première enquête controversée sur ces disparitions, est un ancien poids lourd du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) qui a gouverné le Mexique pendant 71 ans sans interruption, jusqu’en 2000.
Il s’agit de la plus importante personnalité arrêtée jusqu’à présent dans le cadre de ces investigations, qui avaient redémarré de zéro après l’arrivée au pouvoir en 2019 du président de gauche Andrés Manuel Lopez Obrador.
Le parquet a également lancé des mandats d’arrêt contre 14 membres du cartel de narcotrafiquants Guerreros Unidos.
Dans la nuit du 26 au 27 septembre 2014, un groupe d’étudiants de l’école de formation des maîtres d’Ayotzinapa, dans l’État méridional de Guerrero, s’était rendu jusqu’à la ville proche d’Iguala pour “réquisitionner” des autobus afin d’aller à Mexico pour une manifestation.
Selon l’enquête, 43 jeunes ont été arrêtés par la police locale en collusion avec Guerreros Unidos, puis tués par balles et brûlés dans une décharge pour des raisons qui restent obscures. Seuls les restes de trois d’entre eux ont pu être identifiés.
Jeudi, un rapport officiel publié par la Commission pour la vérité Ayotzinapa mise en place par Manuel Lopez Obrador avait estimé que des militaires mexicains avaient une part de responsabilité dans ce crime.
“Leurs actions, omissions ou participation ont permis la disparition et l’exécution des étudiants, ainsi que le meurtre de six autres personnes”, avait déclaré le sous-secrétaire à l’Intérieur Alejandro Encinas, lors de la présentation publique du rapport.
“Une action institutionnelle n’a pas été accréditée, mais il y a eu des responsabilités claires d’éléments” des forces armées, avait-il ajouté, sans préciser si ces “éléments” étaient toujours en activité. Alejandro Encinas a qualifié à plusieurs reprises l’affaire d’Ayotzinapa de “crime d’État”.
Des preuves falsifiées ?
Une autre commission, le Groupe interdisciplinaire d’experts indépendants (GIEI), qui avait été créé en vertu d’un accord entre le gouvernement Peña Nieto et la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), soutient pour sa part que des militaires ont falsifié des preuves retrouvées dans la décharge où ont été brûlés les corps.
La première enquête officielle, dirigée par Jesus Murillo Karam et dont les conclusions ont été rejetées par les familles des victimes et par des experts indépendants, n’attribuait pour sa part aucune responsabilité aux militaires. Cette version accusait un cartel de narcotrafiquants d’avoir fait tuer les étudiants en les prenant pour les membres d’une bande rivale.
“Rendre publique cette situation atroce et inhumaine, et en même temps punir les responsables, permet d’éviter que ces événements déplorables ne se reproduisent” et “renforce les institutions”, a affirmé Manuel Lopez Obrador vendredi.
Avec AFP