Plusieurs fois repoussé, un “dialogue national inclusif” s’ouvre samedi, au Tchad, censé déboucher sur des élections démocratiques et redonner le pouvoir aux civils. Pour l’occasion, deux grandes figures de la rébellion sont rentrés à Ndjamena jeudi pour participer aux discussions.
Le “dialogue national inclusif” entre l’opposition civile la junte au pouvoir au Tchad, plusieurs fois reporté, s’ouvre samedi 20 août pour trois semaines avec pour objectif de “tourner la page” de la transition et permettre d’organiser des “élections libres et démocratiques”.
Mahamat Idriss Déby Itno, arrivé au pouvoir en avril 2021 à la tête d’un Conseil militaire de transition (CMT) après la mort de son père Idriss Déby, qui a dirigé le pays d’une main de fer pendant 30 ans, avait promis d’organiser un dialogue avec l’opposition pour permettre le retour du pouvoir aux civils, dans un délai de 18 mois, renouvelable une fois.
Quelque 1 400 délégués, membres de syndicats, de partis politiques et du CMT, se réuniront pendant 21 jours au Palais du 15 Janvier, au cœur de la capitale N’Djamena, pour discuter de la réforme des institutions et d’une nouvelle Constitution, qui sera ensuite soumise à référendum. Les questions de la paix et des libertés fondamentales seront également évoquées. Les délégués se réuniront en différentes commissions.
“Mahamat Idriss Déby doit prononcer un discours d’ouverture vers 10 h, et les travaux du dialogue commenceront dimanche ou lundi”, a précisé à l’AFP Saleh Kebzabo, ancien candidat à la présidentielle et opposant à Idriss Déby, premier vice-président du comité d’organisation du dialogue national inclusif (CODNI). “Tous les délégués ne pourront pas être présents dès le début, comme certains viennent de l’intérieur du pays”, a-t-il poursuivi.
Le président de la Commission de l’Union africaine (UA), le Tchadien Moussa Faki Mahamat, doit également s’exprimer pour l’ouverture du dialogue.
“Rebâtir le Tchad”
Ce dialogue, qui devait initialement se tenir en février avant d’être plusieurs fois repoussé, s’ouvre moins de deux semaines après la signature, à Doha, d’un accord entre la junte tchadienne et une quarantaine de groupes rebelles.
Ce pré-dialogue, avec certains groupes armés qui avaient combattu le régime d’Idriss Déby pendant des années, prévoit notamment un “cessez-le-feu”. Cet accord signé le 8 août permet aux rebelles de participer au dialogue.
“Nous avons signé cet accord pour rebâtir le Tchad”, a affirmé à l’AFP Timan Erdimi, chef de l’Union des forces de la résistance (UFR), revenu jeudi à N’Djamena après plusieurs années d’exil pour participer au dialogue tout comme Mahamat Nouri, chef de l’Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD).
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a félicité le Tchad pour ce dialogue, dans lequel il a salué une “opportunité historique de poser de nouvelles fondations pour la stabilité” du pays.
Le Tchad, indépendant de la France depuis 1960, a connu durant son histoire de nombreux coups d’État et tentatives. “Ce dialogue doit nous permettre de mettre définitivement le recours aux armes derrière nous”, a affirmé Abderamane Koulamallah, porte-parole du gouvernement.
Selon un décret signé mercredi par le chef de la junte, Mahamat Idriss Déby, ce dialogue aura un caractère “souverain” et ses décisions seront “exécutoires”. “Le président du Conseil militaire de transition, président de la République, chef de l’État, en est le garant”, précise le décret.
Plusieurs absents
Or le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), l’un des principaux groupes rebelles à l’origine de l’offensive qui a coûté la vie à Idriss Déby, n’a pas signé l’accord de Doha et ne participera pas au dialogue le considérant “biaisé d’avance”.
Wakit Tamma, une coalition de partis d’opposition et de membres de la société civile, a également refusé de participer au dialogue, accusant la junte de perpétuer des “violations des droits humains” et de préparer une candidature à la présidentielle du général Déby, qui s’était engagé, au début de la transition, à ne pas se présenter.
La désignation des délégués est également vivement critiquée. “Nous estimons que 80 % des membres sont proches de la junte”, a affirmé Succès Masra, à la tête du parti Les Transformateurs, membre de Wakit Tamma.
Mahamat Idriss Déby a dû donner des gages à la communauté internationale à qui il a promis de rendre, sous 18 mois, le pouvoir aux civils, et de ne pas se présenter aux futures élections. Mais le chef de la junte a porté en juin 2021 un premier coup de canif à ses promesses, en envisageant une prolongation de 18 mois de la transition et en remettant son “destin” à “Dieu” sur une éventuelle candidature à la présidentielle.
Avec AFP