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Un an après la chute de Kaboul, la fuite des cerveaux continue en Afghanistan

Malgré les appels des Taliban aux Afghans éduqués à participer à la reconstruction du pays, la frange la mieux formée de la population, qui a fui en masse après la chute de Kaboul, n’a aucune intention de revenir tant que le mouvement islamiste sera au pouvoir. 

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Après l’interdiction faite aux jeunes filles de reprendre le chemin de l’école en mars 2022, Internet est devenu l’unique moyen d’espérer poursuivre des études supérieures en Afghanistan. Mais entre connexion capricieuse et coupures de courant, l’éducation en ligne relève le plus souvent du parcours du combattant pour les jeunes Afghanes en quête d’un avenir meilleur.

Lors d’une interview accordée à France 24 en octobre 2021, Huma Usyan, étudiante de 16 ans, avait raconté ses difficultés pour continuer à apprendre dans un pays à nouveau sous le joug de l’obscurantisme des Taliban.

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Soutenue par des bénévoles dont un professeur d’anglais, l’adolescente était parvenue à décrocher un entretien d’admission dans une université américaine après avoir suivi pendant plusieurs mois des cours en ligne. 

Mais le Jour J, Internet est hors-service. Loin de se décourager, Huma Usyan court chez sa tante à Kaboul où la connexion fonctionne et réussit l’entretien haut la main. Quelques semaines plus tard, elle recevra une lettre d’admission et une bourse pour l’université de son choix : le United World College au Nouveau-Mexique.

Huma Usyan à son arrivée à l'aéroport d'Islamabad, le 7 juillet 2022.
Huma Usyan à son arrivée à l’aéroport d’Islamabad, le 7 juillet 2022. © Handout

Mais comme rien n’est simple en Afghanistan, l’adolescente a été contrainte de passer trois semaines au Pakistan pour obtenir un visa étudiant américain. Avec la fermeture des ambassades occidentales à Kaboul, les Afghans qui veulent fuir le pays n’ont effet pas d’autre choix que de se rendre à Islamabad, générant un business lucratif pour rabatteurs, agents de voyage et autres intermédiaires. Ces dernières semaines, le prix d’un visa pakistanais peut atteindre les 1 000 dollars pour un citoyen afghan.

Confiance rompue

L’exode massif de la population afghane est loin d’être une nouveauté. Après quatre décennies de conflit, l’Afghanistan est l’un des pays qui compte le plus de réfugiés au monde. Selon l’ONU, ils seraient 2,6 millions, mais ce chiffre serait sous-évalué, selon plusieurs experts.

La panique provoquée par l’offensive éclair des Taliban sur Kaboul a amplifié le phénomène, accélérant de fait le départ pour l’étranger des Afghans les mieux formés. Une fuite des cerveaux qui a rapidement inquiété les Taliban dont beaucoup sont issus de régions rurales et n’ont aucune qualification pour gouverner.

L’un des porte-parole du mouvement Zabihullah Mujahid avait notamment appelé les Occidentaux à évacuer les seuls étrangers et non les “experts afghans”. Pour convaincre la population de rester, les Taliban avaient promis une amnistie générale assurant que “personne ne serait menacé en Afghanistan”.

Mais un an plus tard, la confiance est rompue. Les Taliban n’ont honoré aucune de leurs promesses. Ces derniers avaient notamment juré auprès de la communauté internationale de garantir la scolarisation des jeunes filles, mais le mouvement islamiste est revenu sur sa décision le jour de la réouverture des établissements en mars 2022 provoquant des scènes de détresse parmi les jeunes Afghanes. 


“L’éducation des filles est un facteur très important pour expliquer le départ de nombreux Afghans qui ne peuvent plus envoyer leurs enfants à l’école. Alors que certains avaient choisi de rester car ils sentaient que le pays avait besoin d’eux, ils veulent désormais partir, désespérément, car leurs sœurs ou leurs filles vivent comme si elles étaient en prison”, assure Tamim Asey, l’ancien ministre adjoint de la Défense.

“Cela ressemble à mon village”

Frappée par une crise humanitaire sans précédent, inquiète pour sa sécurité, la population éduquée d’Afghanistan a vu les perspectives d’un avenir meilleur se réduire comme peau de chagrin depuis la prise de pouvoir des Taliban. Sous l’effet des sanctions occidentales, le secteur bancaire s’est effondré et l’aide étrangère – représentant 45 % du PIB du pays – s’est soudainement arrêtée. 

Dans ce contexte de crise aigüe, les ingénieurs, juristes, techniciens, médecins ou les brillantes étudiantes comme Huma Usyan, pourtant indispensables au développement et à la stabilité du pays, n’ont aucune intention de revenir en Afghanistan tant que les Taliban sont au pouvoir.

>> À lire : Pour l’ancienne ministre afghane des Affaires féminines, Habiba Sarabi, “les Taliban n’ont cure de la voix des femmes”

Après son séjour au Pakistan, Huma Usyan a fini par arriver aux États-Unis le 30 juillet 2022, tandis que sa mère et quatre de ses frères et sœurs rejoignaient leur père, réfugié aux Pays-Bas.

Pour la jeune étudiante, le travail et les sacrifices ont fini par payer. L’arrivée à Santa Fe a été “incroyable”, s’enthousiasme la jeune fille. “C’était vraiment très différent de ce à quoi je m’attendais. Je pensais voir de grands immeubles, mais en fait ici à Santa Fe, il y a des maisons avec un étage, des jardins… Finalement, cela ressemble à mon village en Afghanistan”.

Article traduit de l’anglais par Grégoire Sauvage. L’original est à retrouver ici.

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