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RD Congo : après une attaque contre une prison, de violentes manifestations éclatent à Butembo

La prison centrale de Kakwangura à Butembo, troisième ville de la province du Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo, a été prise d’assaut dans la nuit du 9 au 10 août par des miliciens des Forces démocratiques alliées (ADF). Lors de cette attaque, revendiquée par l’organisation État islamique (EI), des centaines de détenus ont pris la fuite. Depuis, la tension monte : ce vendredi 12 août à Butembo, des affrontements ont lieu entre les forces de l’ordre et des jeunes accusant l’armée d’inaction face aux incursions des rebelles.

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Quatre policiers ont été tués ce vendredi 12 août dans des affrontements avec des manifestants à Butembo. Lors de ce rassemblement destiné à dénoncer l’insécurité – dans le quartier de Kangote, au nord de la ville – des hommes armés mêlés à la foule ont tiré sur des policiers. 

“Le bilan provisoire est de quatre policiers tués par ces assaillants qui étaient parmi les manifestants. Trois 3 jeeps ont été incendiées”, a déclaré à l’AFP le colonel Mozebo E’Pape, chef de l’armée de la ville.

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“Ils sont en colère contre la passivité de l’armée et de la police”

Aux alentours de 15 h, heure locale, la rédaction des Observateurs de France 24 a pu échanger avec John Etumba, un journaliste local. Des coups de feu se faisaient entendre durant l’entretien. John Etumba explique :

Je suis dans le centre-ville, et on entend des coups de balles pour disperser la population qui crée des attroupements dans la ville. Ils manifestent contre l’insécurité et sont en colère contre la passivité de l’armée et de la police [lors d’incursions de rebelles dans la ville, NDLR]. 

Ces manifestations ont lieu quelques jours après une attaque menée contre la prison centrale de Kakwangura, à Butembo, par 80 rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe armé islamiste d’origine ougandaise. 

L’opération a notamment permis la libération de près de 800 détenus dont “douze femmes des ADF”, selon les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). 

“Nous sommes intervenus avec retard parce que l’ennemi était lourdement armé” a affirmé mercredi lors d’un point presse le capitaine Antony Mualushayi, porte-parole de l’armée à Beni. Il a toutefois annoncé la neutralisation de cinq “terroristes ADF” et l’arrestation de 115 des prisonniers évadés. 

Un slogan de l’EI sur l’une des armes

Trois armes portant une inscription en arabe ont également été saisies par les forces armées. “Comme dans ses habitudes, certainement, l’État islamique va revendiquer ça dans les heures qui suivent. Ça ne sera pas une surprise pour nous, ni pour les journalistes”, avait signalé Antony Mualushayi le 10 août

Le lendemain, la cellule de communication de l’organisation État islamique (EI) a en effet revendiqué l’attaque, comme l’a relevé sur Twitter Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste des mouvements jihadistes. 

Selon Wassim Nasr, l’inscription en arabe sur l’une des armes est “un slogan de l’EI qui retrouve ses origines en Irak après les premières défaites territoriales à la fin des années 2000”.

Les Forces démocratiques alliées (ADF) ont prêté allégeance en 2019 à l’organisation État isIamique – qui a constitué sa branche en Afrique centrale, l’ISCAP. Les ADF sont accusés de commettre depuis 2014 des exactions d’une extrême violence sur des civils congolais, principalement dans le Nord-Kivu.

>> VOIR AUSSI SUR LES OBSERVATEURS  : “C’est une politique d’envahissement” : en RD Congo, les attaques des ADF continuent d’inquiéter

Cette province et celle de l’Ituri sont placées depuis mai 2021 sous état de siège, une mesure exceptionnelle qui donne plein pouvoir aux militaires et vise à mettre fin à l’activité des groupes armés. La lutte contre les ADF s’est encore intensifiée avec le lancement d’une opération militaire conjointe ougando-congolaise fin novembre 2021.  

Mais l’insécurité continue de régner et les protestations d’habitants en colère se multiplient. 

“La population ne comprend pas comment les ADF peuvent faire 30 km, arriver au centre-ville et opérer tranquillement”

Pour Djiress Baloki, journaliste à Butembo, l’attaque de la prison et des rumeurs de nouvelles incursions des ADF ont ravivé les tensions : 

La population se sent abandonnée par les services de sécurité. Le fait que près de 700 à 800 détenus aient été libérés choque. Ce qu’il faut dire, c’est que la prison est située non loin de la mairie. 

La mairie est un endroit qui est plutôt sécurisé. Alors la population ne comprend pas comment les ADF peuvent faire 30 km, arriver au centre-ville et opérer tranquillement. Elle se demande aussi s’il n’y a pas eu des complicités de la part des policiers avec les assaillants.


Cette vidéo prise par un habitant et diffusée sur les réseaux sociaux après l’assaut de la prison montre les rebelles se retirer de la ville de Butembo avec des chèvres, probablement volées.

Puis, dans la nuit du jeudi au vendredi, dans le nord de Butembo, il y a eu, selon les habitants, des incursions des rebelles ADF. Certains disent qu’ils ont appelé la police pour intervenir mais il n’y a pas eu d’intervention. 

Les jeunes ont donc barricadé une route reliant Butembo à la ville de Beni pour protester. La police s’est rendue sur place ce vendredi pour rétablir l’ordre et il y a eu des tensions entre les deux parties. Au point que les jeunes ont brûlé les bureaux de la police sur place et s’en sont pris à leurs véhicules.


Des lynchages contre de présumés ADF

Une photo prise vendredi 12 août par John Etumba et envoyée à notre rédaction montre un homme assis à terre, le visage en sang. L’homme serait un membre présumé des ADF intercepté par des habitants. La rédaction des Observateurs de France 24 a choisi de ne pas publier cette photo.

“On ne sait pas ce qui va lui arriver. Mercredi, j’étais en voiture et on a vu les corps de trois présumés ADF brûlés par des habitants”, explique John Etumba. Après l’attaque de la prison, “des jeunes ont poursuivi les assaillants dans la brousse et dans cette confusion, ils ont arrêté trois présumés ADF et les ont lynchés” confirme Djiress Baloki. 

Certains habitants accusent également d’inaction la mission des Nations unies en République démocratique du Congo, la Monusco, et demandent son départ. Le 26 juillet, quatre Casques bleus avaient été tués à Butembo lors de manifestations contre les Nations unies.

>> LIRE AUSSI SUR LES OBSERVATEURS : Assaut contre la Monusco à Butembo : récit d’un nouvel épisode de violences

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