La justice tunisienne a suspendu, mercredi, la révocation d’une cinquantaine de magistrats, décidée début juin par le président Kaïs Saïed et qualifiée d'”attaque à l’État de droit” par plusieurs ONG, ont indiqué des sources judiciaires à l’AFP.
Un revers pour le président tunisien, deux semaines après un référendum marqué par près de 70 % d’abstention. Selon des sources judiciaires à l’AFP, la justice tunisienne a suspendu mercredi 10 août la révocation d’une cinquantaine de magistrats qui avait été décidée par le président Kaïs Saïed, début juin. La mesure présidentielle avait été qualifiée d'”attaque à l’État de droit” par plusieurs ONG.
Le chef de l’État avait révoqué 57 magistrats le 1er juin par décret présidentiel, les accusant de corruption et d’entrave à plusieurs enquêtes, un an après s’être arrogé l’ensemble des pouvoirs. Cinquante-trois juges, dont certains étaient accusés d'”adultère”, avaient déposé des recours devant le tribunal administratif.
La suspension des révocations pour un nombre non précisé de juges a été annoncée à la presse par le porte-parole du tribunal administratif Imed Ghabri.
Une révocation qui avait entraîné un mois de grève des magistrats
L’avocat Kamel Ben Messoud, du comité de défense des magistrats révoqués, a indiqué que la suspension concerne “environ 50 juges” qui pourront selon lui reprendre leur fonction dès l’obtention d’une copie du verdict. Les autres magistrats, qui font l’objet de poursuites pénales, n’ont pas bénéficié de la décision de suspension, a ajouté Me Ben Messoud à des médias locaux.
Le tribunal administratif a indiqué à l’AFP qu’il publierait sa décision dans la journée de mercredi, sans donner plus de précisions.
La révocation de ces magistrats avait été dénoncée par plusieurs ONG, dont Human Rights Watch (HRW) et Amnesty International, comme une “attaque directe contre l’État de droit” et avait entraîné plus d’un mois de grève de magistrats, très suivie.
Depuis le 25 juillet 2021, assurant agir dans l’intérêt du pays qu’il jugeait ingouvernable, Kaïs Saïed concentre tous les pouvoirs, faisant craindre une dérive autocratique dans le berceau du Printemps arabe.
Il a dissous en février le Conseil supérieur de la magistrature, remplacé par un CSM provisoire dont il a nommé les membres, avant de renforcer début juin par décret sa tutelle sur le système judiciaire en rendant possible la révocation sans appel des magistrats.
Avec AFP