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“Ça doit s’arrêter un jour”: en Tunisie, le retour de l’abattage des chiens errants

Fin juillet, plusieurs municipalités tunisiennes ont annoncé lancer une campagne d’abattage des chiens errants, pratique annuelle largement décriée comme barbare par des organisations de protection des animaux. Nouveauté : les autorités prévoient d’engager des chasseurs qui aideront les agents municipaux à traquer les chiens des rues. Des activistes tunisiennes ont contacté notre rédaction afin d’attirer l’attention sur cette pratique qu’elles qualifient de carnage.

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Attention, certaines images figurant dans cet article peuvent choquer

Dans un communiqué publié le 21 juillet sur sa page Facebook, le gouvernorat de Tunis a annoncé une campagne d’abattage des chiens errants à Tunis et dans plusieurs autres municipalités du pays. Le plan de travail, établi en mai 2022, prétexte “assurer la sécurité des citoyens et des touristes et préserver l’esthétique” des villes. 

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Le communiqué ajoute que les municipalités collaborent désormais avec des associations de chasseurs, tout en assurant “poursuivre les campagnes de vaccination et de stérilisation” des chiens errants en collaboration avec les associations vétérinaires. La campagne est néanmoins dénoncée par ces mêmes organisations, images à l’appui, sur les réseaux sociaux. 

Sur la plupart d’entre elles, on voit des cadavres de chiens abattus par balle, abandonnés dans les rues ou dans des bennes à ordures. Parfois, l’animal est encore vivant, quoique gravement blessé, et gît agonisant dans une mare de sang. Les auteurs des extraits vidéos ne mâchent pas leurs mots quant à la décision du gouvernement.


Dans des vidéos filmées le 28 juin dans le quartier touristique de Monastir (est), on voit une chienne ensanglantée, étalée sur la chaussée près d’une mare de sang séché. L’auteur des extraits dit : “En Tunisie, on commence notre journée par le sang, par des chiens tués (…) C’est cela la promotion du tourisme : tuer des chiens errants en face du Ribat de Monastir… Ils leur tirent dessus devant des enfants… Personne n’a voulu venir la [chienne] secourir sur place…”

“Le spectacle m’a rendue malade. Ils ont même tué des chiots”

Khadija, ressortissante britannique faisant du bénévolat auprès des animaux errants, habite depuis plus de deux ans dans le centre de Hammamet (nord-est). Le matin du 18 juin, elle a trouvé plusieurs chiens de rue, qu’elle nourrissait régulièrement, abattus par balle par des agents municipaux. 

Elle raconte :

Je ne les ai pas vus tirer, je suis rentrée chez moi vers 2h du matin pour découvrir ma rue jonchée de cadavres de chiens. Au début, j’ai vu une chienne sur la chaussée, une chienne que j’adorais. Elle avait l’air d’avoir été renversée par une voiture. Quand je suis descendue de la voiture, des habitants m’ont dit : “c’est la municipalité, il n’y en a plus.” 

“Elle s’appelait Lisa”, indique Khadija à notre rédaction. Elle a pris cette photo le matin du 18 juin à 2h55 à Barraket Essahel, Hammamet.
“Elle s’appelait Lisa”, indique Khadija à notre rédaction. Elle a pris cette photo le matin du 18 juin à 2h55 à Barraket Essahel, Hammamet. © Photo prise par notre Observatrice Khadija

Cette nuit-là, je n’ai vu que quelques cadavres, mais j’ai entendu qu’une cinquantaine de chiens auraient été tués le même soir, et la municipalité prévoit encore plusieurs soirées d’abattage… Je n’ai pas pu aller chercher plus de cadavres, le spectacle m’a rendue malade. J’ai pleuré frénétiquement pendant quelques jours, je me suis sentie comme engourdie. Ils ont même tué des chiots.

“Nous finissons toujours par perdre face à ces pratiques barbares”

C’était la première fois que j’assistais à quelque chose d’aussi affligeant. Comme beaucoup d’autres bénévoles, je fais stériliser et vacciner autant d’animaux que possible, mais cela n’est jamais assez. Nous finissons toujours par perdre face à ces pratiques barbares. Cela doit s’arrêter un jour. 

Nous sommes régulièrement à court de vaccins contre la rage pour les animaux domestiques, et même lorsque la municipalité ouvre un centre de stérilisation, les locaux sont rarement ouverts au public ou aux bénévoles. Pourtant, nous serions nombreux à se porter volontaires. 

Le gouvernement tunisien avait pourtant promis en 2020 de rompre avec ces campagnes d’abattage, pratiquées régulièrement par la police municipale en Tunisie et dénoncées par les associations de protection animale. 

En 2021, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a estimé dans un rapport que l’exposition des enfants aux violences faites aux animaux nuit à l’intérêt supérieur de l’enfant, et a recommandé à la Tunisie d’éliminer ces pratiques. 

Captures d'écran d'une vidéo filmée le matin du 5 août et publiée dans un groupe de protection animale sur Facebook. On y voit un employé municipal larguer le cadavre d'un chien dans une benne à Bir Bouregba, Hammamet.
Captures d’écran d’une vidéo filmée le matin du 5 août et publiée dans un groupe de protection animale sur Facebook. On y voit un employé municipal larguer le cadavre d’un chien dans une benne à Bir Bouregba, Hammamet. © Sauvetage des animaux de Tunisie sur Facebook

Le collectif Tunisia Animals Voice a adressé une lettre au président tunisien en décembre 2021, dans laquelle il l’interpelle sur la nécessité de créer une loi de protection animale qui mettrait fin aux abattages et développerait la stérilisation et la vaccination des animaux errants. Le même collectif a lancé une pétition en ligne ayant les mêmes objectifs, qui a récolté à ce jour plus de 44 000 signatures.

“La solution est simple : nourrissez-les, stérilisez et vaccinez-les”

Malika est l’une des fondatrices de Tunisia Animal Voices, collectif qui recueille images et témoignages de violences envers les animaux et interpelle les autorités et les associations tunisiennes. Elle explique :

Nous essayons de mobiliser en ligne le maximum de gens contre ces abattages. Souvent, les municipalités publient sur Facebook un avis d’abattage des chiens, c’est donc l’occasion d’inonder le fil de commentaires avec des messages qui dénoncent ces pratiques. En 2020, cela a fait réagir la maire de Tunis, même si elle est revenue sur ses déclarations anti-abattage par la suite.


A LIRE SUR LES OBSERVATEURS >> En Tunisie, une nouvelle campagne “barbare” d’abattage de chiens errants

Parmi les nombreux bénévoles de cette cause sur le terrain, la vétérinaire Dr Soumaya Chouk se rend aux municipalités pour leur proposer d‘opter pour la méthode TNR (“Trap-Neuter-Release” – Attraper-Stériliser-Relâcher, en français) afin de venir à bout de la surpopulation et combattre la rage. 

L’État tunisien offre des vaccins antirabiques aux animaux ayant déjà un propriétaire, et exclut les animaux errants. Mais ensuite, il tue ces mêmes animaux exclus des soins, sous prétexte qu’ils seraient enragés ! 

S’il y a une remontée dans les chiffres de contamination par la rage, c’est la faute directe de la politique des gouvernements. 

La solution est simple : donnez leur à manger, stérilisez et vaccinez-les.

De plus en plus de municipalités tunisiennes, comme Sousse, Raoued ou Radès, annoncent vouloir ouvrir des refuges et stériliser les chiens. Mais elles manquent de ressources financières et médicales. Une association italo-tunisienne, L’arca Di Noé, a proposé en 2021 au ministère de l’Intérieur un appui logistique et budgétaire aux gouvernorats souhaitant poursuivre ce projet. D’autres municipalités, comme celles de Djerba, refusent catégoriquement la méthode TNR en raison de la pressions des habitants qui préfèrent une solution plus radicale à la surpopulation canine sur l’île. 

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