La Chine a suspendu, vendredi, toute coopération avec les États-Unis sur le réchauffement climatique et d’autres domaines, faisant plonger les relations entre les deux pays à leur niveau le plus bas depuis des années, en représailles à la visite à Taïwan de la présidente de la Chambre des représentants américains, Nancy Pelosi.
Après la réponse militaire, la Chine riposte aussi sur le domaine diplomatique. Le gouvernement chinois a annoncé, vendredi 5 août, suspendre les “négociations sino-américaines sur le changement climatique”, ainsi que sur d’autres dossiers, en réponse à la visite à Taïwan de la présidente de la Chambre des représentants américains, Nancy Pelosi, arrivée sur l’île mardi 2 août. Les relations entre les deux plus grandes économies du monde a atteint leur niveau le plus bas depuis des années.
Mobilisant avions et navires de guerre, les plus grands exercices militaires jamais organisés par la Chine près de Taïwan, également en réaction au voyage de la responsable américaine cette semaine, se sont poursuivis, vendredi, pour la deuxième journée d’affilée. Taipei a alors fustigé son “voisin malveillant”, dont les manœuvres l’ont littéralement encerclé pour trois jours.
Pékin va “suspendre les négociations sino-américaines sur le changement climatique” et annuler un entretien entre les dirigeants militaires ainsi que deux réunions sur la sécurité, a déclaré le ministère chinois des Affaires étrangères. Ce dernier reprochant à Nancy Pelosi d’avoir traité avec “mépris” l’opposition de la Chine à sa visite à Taipei.
La Chine et les États-Unis, les deux plus importants émetteurs de gaz à effet de serre du monde, avaient noué un accord surprise sur le climat lors du sommet de la COP26 à Glasgow l’an dernier. Ils s’étaient engagés à travailler ensemble pour accélérer les actions pour le climat lors de la prochaine décennie et à se réunir régulièrement pour “s’attaquer à la crise climatique”.
Le ministère chinois des Affaires étrangères a également dit suspendre la coopération avec Washington sur le rapatriement des migrants illégaux, ainsi qu’en matière de justice, de criminalité transnationale et de lutte antidrogue.
La Chine continentale, qui considère que Taïwan fait partie de son territoire, a perçu la visite du troisième personnage de l’État fédéral américain comme une provocation majeure. Nancy Pelosi s’est “gravement ingérée dans les affaires intérieures de la Chine et a porté atteinte à sa souveraineté et à son intégrité territoriale”, a dénoncé le ministère des Affaires étrangères, annonçant “imposer des sanctions” contre elle et sa “famille proche”, sans donner de détails.
Washington a pour sa part accusé le gouvernement chinois de réagir de manière excessive.
Les exercices militaires doivent se poursuivre jusqu’à dimanche 7 août midi.
Des navires militaires visibles, la ligne médiane franchie
Selon Taipei, à 17 h vendredi (09 h GMT, 11 h heure de Paris), un total de 68 avions et 13 navires de guerre chinois avaient franchi, depuis le début de la journée, la “ligne médiane” du détroit de Taïwan, qui sépare l’île du continent.
La veille, Pékin avait déjà tiré une dizaine de missiles balistiques et déployé son aviation et sa marine dans les six zones maritimes choisies pour les manœuvres tout autour de Taïwan, s’approchant jusqu’à 20 km des côtes et perturbant des routes commerciales parmi les plus fréquentées du monde.
La chaîne publique chinoise CCTV a affirmé que des missiles avaient même survolé Taïwan pour la première fois. Taipei n’a pas confirmé.
“Nous ne nous attendions pas à ce que notre voisin malveillant fasse étalage de sa puissance à notre porte, et mette arbitrairement en péril les voies navigables les plus fréquentées du monde par ses exercices militaires”, a déclaré à la presse le Premier ministre taïwanais, Su Tseng-chang.
À Pingtan, une île chinoise située non loin des manœuvres en cours, des journalistes de l’AFP ont aperçu, vendredi à la mi-journée, un avion de chasse dans le ciel. Portant des parapluies pour se protéger d’un soleil de plomb, des touristes tentaient de prendre en photo l’appareil tandis qu’au loin, dans le détroit de Taïwan, on apercevait un navire militaire chinois.
“Notre pays est puissant”, mais Pékin ne veut pas de “guerre”
“On espère qu’on pourra se réunifier avec Taïwan bientôt. On n’a peur de personne, notre pays est puissant”, a confié à l’AFP l’un d’eux, M. Liu, 40 ans, venu de la province du Zhejiang (est).
Non loin de lui, Mme Wang, vêtue de jaune, était du même avis : “J’espère que la Chine pourra bientôt réintégrer Taïwan, mais je ne veux pas de guerre. J’espère que ce problème pourra être réglé pacifiquement, car nous les Chinois, nous sommes amicaux”.
Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a fustigé les manœuvres chinoises, “des provocations” qui représentent “une escalade importante” des tensions aux yeux des États-Unis.
Le Japon a exprimé une protestation diplomatique formelle contre Pékin, estimant que cinq des missiles chinois étaient tombés à l’intérieur de sa zone économique exclusive (ZEE). “Nous appelons à l’arrêt immédiat des exercices militaires”, a déclaré le Premier ministre nippon, Fumio Kishida.
À Tokyo, dernière étape de sa tournée asiatique mouvementée, Nancy Pelosi a affirmé que les États-Unis “ne permettront pas” à la Chine d’isoler Taïwan, assurant que son déplacement “ne visait pas à changer le statu quo ici en Asie, à changer le statu quo à Taïwan”.
Les manœuvres chinoises empiètent sur certaines des routes maritimes les plus fréquentées de la planète, par lesquelles des équipements électroniques essentiels provenant des usines d’Asie de l’Est sont acheminés vers les marchés mondiaux.
Le Bureau maritime et portuaire de Taïwan a mis en garde les navires passant dans cette zone et plusieurs compagnies aériennes internationales ont indiqué à l’AFP dérouter leurs vols pour éviter l’espace aérien autour de l’île.
Les analystes s’accordent à dire que, malgré ces exercices militaires, Pékin ne souhaite pas pour l’instant une confrontation armée. “La dernière chose que Xi souhaite est le déclenchement d’une guerre accidentelle”, commente à l’AFP Titus Chen, professeur associé de sciences politiques à l’Université nationale Sun Yat-Sen de Taïwan.
Avec AFP