La gigantesque explosion le 4 août 2020 au port de Beyrouth a fait plus de 200 morts et 6 500 blessés, détruisant des milliers de bâtiments. Alors que l’enquête piétine depuis la suspension du juge Bitar, des experts indépendants des Nations unies et des ONG réclament une enquête internationale “sans délai”.
Le Liban marque, jeudi 4 août, le deuxième anniversaire de la gigantesque explosion au port de Beyrouth qui a dévasté des quartiers entiers de la capitale. La déflagration le 4 août 2020 dans un entrepôt abritant des centaines de tonnes de nitrate d’ammonium stockées sans précaution – l’une des plus importantes explosions non nucléaires jamais enregistrées – a fait plus de 200 morts et 6 500 blessés.
Trois marches de protestation distinctes sont prévues, jeudi, en direction du port où de la fumée s’échappe encore des silos après un incendie provoqué par la fermentation des stocks de grains, dans la chaleur torride de l’été. Les proches de victimes sont déterminés à poursuivre leur combat pour la vérité et la justice.
Pourtant, l’enquête ouverte au Liban a été entravée par des ingérences politiques et aucun représentant de l’État n’a jusqu’ici été tenu pour responsable de la tragédie.
L’enquêteur principal, Tarek Bitar, a été empêché de poursuivre sa mission par une série de poursuites intentées contre lui et une campagne dirigée notamment par le puissant mouvement armé du Hezbollah, poids lourd de la vie politique locale.
Mercredi, des experts indépendants des Nations unies et des ONG ont appelé à l’ouverture d’une enquête internationale “sans délai”, soulignant qu’il était “clair aujourd’hui plus que jamais que l’enquête nationale ne pouvait rendre justice”.
Les silos, un lieu de mémoire, s’effondrent
La tragédie a connu un nouveau développement la semaine dernière. Plusieurs silos à grain très endommagés dans l’enceinte du port se sont effondrés. L’ingénieur civil français Emmanuel Durand, qui surveille les silos, a averti que le risque d’un nouvel effondrement partiel ou total n’avait “jamais été aussi élevé”.
En avril, le gouvernement avait ordonné la démolition des silos, mais celle-ci a été suspendue, notamment en raison d’objections de proches de victimes qui veulent qu’ils soient conservés pour en faire un lieu de mémoire.
“J’espère que voir les silos tomber donnera aux gens la volonté de se battre pour la justice, de se battre avec nous”, a déclaré à l’AFP Tatiana Hasrouty, une habitante qui a perdu son père dans l’explosion. Les politiciens “font tout ce qui est en leur pouvoir pour arrêter l’enquête”, a-t-elle déploré.
Cette méga-explosion est un cauchemar dans l’histoire déjà mouvementée du Liban, aujourd’hui embourbé dans la pire crise économique de son histoire, confronté à d’incessantes coupures de courant, une inflation galopante et un désespoir généralisé.
Une population qui souffre
L’énorme explosion il y a deux ans a été ressentie jusqu’à Chypre, île méditerranéenne située à environ 200 km. Elle a encore plus affecté une population déjà éprouvée par la crise et provoqué un exode massif du Liban rappelant celui de la guerre civile de 1975-1990.
Mais la classe dirigeante libanaise, accusée de mauvaise gestion, de corruption et de négligence flagrante, continue de s’accrocher au pouvoir alors que la population souffre de pénuries de carburant, de médicaments et d’eau potable.
“Cette classe dirigeante nous tue tous les jours”, estime Tatiana Hasrouty. “Ceux qui ne sont pas morts dans l’explosion, meurent de faim”, dit-elle. En effet, huit personnes sur dix vivent sous le seuil de pauvreté au Liban, selon un sondage de l’Administration centrale de la statistique (ACS) réalisé en 2020.
Les boulangeries rationnent le pain, les coupures de courant peuvent aller jusqu’à 23 h par jour, les rues sont sombres la nuit et les feux de circulation hors service.
Avec AFP