Chaque année, le Jour du dépassement marque la date à laquelle l’humanité a épuisé toutes les ressources que la Terre peut renouveler en un an. En 2022, ce Jour tombe le 28 juillet. Un rendez-vous qui survient – sauf période exceptionnelle – toujours plus tôt depuis 1970. Jugé utile par plusieurs ONG pour mesurer l’impact écologique de l’activité humaine, cet indice est encore très peu utilisé dans les modes de gouvernance mondiale.
À partir d’aujourd’hui, l’humanité consomme à crédit. D’année en année, le Jour du dépassement – date à laquelle l’humanité a utilisé autant de ressources que ce que la Terre peut régénérer en un an – arrive plus tôt, passant du 29 décembre en 1970 au 11 octobre en 1990, et cette année au jeudi 28 juillet, creusant ainsi la “dette écologique” envers la planète.
Si cette date a pu signaler des améliorations sur les cinq dernières décennies, il s’agit en réalité d’exceptions, dues à des moments de crise. En 2020, la pandémie de Covid-19, et les confinements à répétition qu’elle a engendrés, avait ainsi conduit à repousser le Jour du dépassement au 22 août.
“Le déficit se creuse de plus en plus sans qu’il y ait un réel sursaut du système politique et des différents mandats”, regrette Véronique Andrieux, directrice du Fonds mondial pour la nature (WWF) en France. “Et les reculs de la date étaient subis et non pas choisis. On observe une amélioration lors des chocs pétroliers, d’une pandémie ou des crises financières”, poursuit-elle.
Le bonnet d’âne au Qatar et au Luxembourg
Cet indicateur varie considérablement d’un État à un autre. Le plus mauvais élève pour l’année 2022, selon la liste établie par le think tank Global Footprint Network, est le Qatar, qui atteint son Jour de dépassement le 10 février, suivi de près par le Luxembourg, le 14 février.
Pour la France, il est intervenu cette année le 5 mai. Une date qui pourrait reculer de 25 jours en seulement un mandat si le gouvernement français déployait une “planification écologique”, selon le scénario étudié par le WWF.
Au niveau mondial, repousser de six jours tous les ans le Jour du dépassement permettrait d’atteindre la date du 31 décembre d’ici 2050, explique Global Footprint Network, à l’origine de ce calcul.
Depuis 2003, le think tank cherche à interpeller l’opinion publique sur le phénomène. Le hashtag #MoveTheDate appelle ainsi les internautes à proposer des solutions concrètes pour faire reculer la date. L’organisation met également à disposition depuis 2007 une plateforme permettant de calculer son empreinte écologique.
“Un outil de sensibilisation extraordinaire”
Sur la base de données de rapports de l’ONU, Global Footprint Network croise l’empreinte écologique par personne (la quantité de surface nécessaire à un humain pour s’alimenter, se déplacer, se loger…) et la biocapacité mondiale (capacité des écosystèmes à se renouveler) par personne, permettant d’établir le Jour du dépassement. Un indice dont il serait souhaitable – pour la porte-parole de l’ONG, Laetitia Mailhes – que les États souverains se servent pour mesurer d’autres aspects de la crise écologique.
Un avis que partage la directrice de WWF France, Véronique Andrieux, pour qui le Jour du dépassement présente une méthodologie “robuste et solide” qui va au-delà de l’empreinte carbone. “On ne parle pas uniquement de crise climatique mais aussi de crise écologique dans son ensemble et notamment de l’effondrement de la biodiversité.”
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Pour l’heure, néanmoins, rares sont les États à recourir à cet indicateur. Seuls certains pays comme le Monténégro basent leur stratégie de développement durable sur l’empreinte écologique. Certaines municipalités ont également déjà opté pour cette méthode de calcul. C’est le cas d’une vingtaine de villes du Portugal.
Même si l’intérêt du recours à l’indice du Jour du dépassement au niveau de la gouvernance étatique reste à démontrer, celui-ci représente un outil qui a fait ses preuves dans la sensibilisation du grand public aux enjeux environnementaux. Pour Bettina Laville, présidente d’honneur du Comité 21, réseau français d’acteurs du développement durable, “c’est un outil de sensibilisation extraordinaire, extrêmement parlant, qui réussit à faire prendre conscience aux gens de manière concrète ce qui peut paraître abstrait”.