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La variole du singe ravive les craintes d’une stigmatisation de la communauté gay

Si la variole du singe n’est pas considérée comme une maladie sexuellement transmissible et ne concerne pas exclusivement les homosexuels, une plus haute prévalence est largement constatée en Europe chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. Un phénomène qui conduit à une stigmatisation de la communauté gay et peut avoir un effet délétère sur la prévention et le soin de la maladie.

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“La variole du singe peut se transmettre dans l’air, pourquoi ne mettent-ils la responsabilité que sur les gays ?”, “Transformer la variole du singe en un ‘problème gay’ est dangereux”… Sur les réseaux sociaux, les occurrences “Monkeypox+homosexualité” augmentent proportionnellement au nombre des cas de variole du singe. Le lien entre la maladie et l’orientation sexuelle des personnes contaminées est de plus en plus discuté.

En Europe, plus de 7 100 cas ont été recensés, selon les chiffres du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) au 14 juillet. En France, le dernier point de situation de Santé publique France, en date du 12 juillet, établissait à 912 le nombre de cas confirmés.

Parmi eux, “97 % des cas pour lesquels l’orientation sexuelle est renseignée sont survenus chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH)”, précise l’Agence nationale de santé publique, qui ajoute que “parmi les cas pour lesquels l’information est disponible, 75 % déclarent avoir eu au moins deux partenaires sexuels dans les trois semaines avant l’apparition des symptômes”.

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Si certaines personnes dénoncent une stigmatisation de la communauté gay, d’autres déplorent un cruel manque de prévention.

Plus haute prévalence chez les homosexuels

Les cas recensés sont, pour l’heure, “principalement, mais pas exclusivement, de jeunes hommes ayant eu des relations sexuelles avec des hommes”, indique l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), ajoutant plus loin que “la stigmatisation et la discrimination sont toujours inacceptables, et le sont d’autant plus dans le cadre de cette épidémie. Nous sommes tous concernés”.

Cousine éloignée de la variole humaine, mais considérée comme bien moins dangereuse, la variole du singe se caractérise par des éruptions cutanées – qui peuvent apparaître sur les organes génitaux ou dans la bouche – et peut s’accompagner de poussées de fièvre, de maux de gorge ou de douleurs au niveau des ganglions lymphatiques.

La transmission de la variole du singe se fait par un contact prolongé, peau contre peau, avec une personne possédant une lésion active, ou bien à travers l’exposition prolongée aux gouttelettes respiratoires de quelqu’un ayant des lésions buccales. Les rapports sexuels rentrent donc, a priori, dans ce cadre de “proximité” entre deux individus, quelle que soit leur orientation sexuelle. Aussi, si dans l’écrasante majorité des cas européens et américains, les malades sont des hommes homosexuels, ceux-ci ne sont pas les seuls concernés, certains cas ayant également été détectés chez des enfants et des personnes immunodéprimées.

“La pandémie de VIH/Sida (à partir de la fin des années 1970, NDLR) avait également commencé avec une contamination de certains segments de la société, notamment les communautés homosexuelles masculines et les personnes échangeant des seringues”, a expliqué le Pr Antoine Flahault à l’AFP.

La transmission par voie sexuelle en tant que telle – qui permettrait de qualifier la variole du singe de maladie sexuellement transmissible (MST) – n’est pas strictement établie. Les scientifiques privilégient la thèse du “contact étroit et prolongé avec une personne contaminée”. Ainsi, répète l’épidémiologiste, “aucune raison de voir [cette maladie] cantonnée aux communautés homosexuelles masculines”.

En revanche, la plus haute prévalence chez les hommes homosexuels et bisexuels est bel et bien établie. L’augmentation du nombre de cas au sein de la communauté gay pourrait être liée à certains événements propagateurs. Depuis le mois de mai, des foyers de contamination ont pu être reliés à des réseaux sexuels gays. L’arrivée de la variole du singe en Belgique serait notamment liée au festival fétichiste Darklands (du 5 au 8 mai), à Anvers, auquel trois cas de contamination ont été reliés ; en Espagne, selon le chef régional de la santé de Madrid, 23 cas convergent vers un sauna gay de la ville. L’établissement, devenu “cluster” de la variole du singe, a été contraint de fermer ses portes.

Conséquence immédiate : la communauté gay se voit clouée au pilori.

Amalgames et stigmatisation

Au-delà de la maladie, relativement bénigne et guérissant spontanément en deux à trois semaines, c’est la stigmatisation de la communauté homosexuelle qui inquiète.

Directeur adjoint de l’Onusida, Matthew Kavanagh a insisté sur le fait que les amalgames homophobes sur la variole du singe, en plus d’être inacceptables, entravent la lutte contre la propagation du virus. “Ces stigmates et reproches minent la confiance et la capacité à répondre efficacement à des épidémies comme celle-ci”, a-t-il déclaré auprès de l’AFP.

L’agence onusienne estime que ce type de rhétorique peut rapidement annihiler les efforts basés sur la science et les faits pour combattre l’épidémie. Forte de sa longue expérience avec le sida, l’agence ajoute que les attaques racistes ou homophobes “créent un cycle de peur, qui pousse les gens à éviter les centres de soins, ce qui limite la portée des efforts pour identifier des cas d’infection et encourage des mesures coercitives inefficaces”.

Le phénomène n’est pas sans raviver le traumatisme des années sida. “On voit là se profiler un risque inhérent à toute épidémie”, explique au HuffPost Christophe Broqua, chargé de recherche au CNRS, évoquant la recherche systématique d’un coupable à travers le phénomène de la “victime accusée”. Un phénomène particulièrement visible lors de l’épidémie de sida, dit-il. “On parlait de ‘cancer gay’ et on avait établi la liste des ‘4H’ : homosexuels, héroïnomanes, hémophiles et Haïtiens”.

La découverte des clusters, liés aux milieux gays, a contribué à générer plusieurs idées erronées sur la nature de ce virus. La couverture médiatique de l’épidémie a également une grande part de responsabilité. De la même manière que l’utilisation systématique de photographies montrant des personnes noires pour illustrer l’épidémie de variole du singe en Europe et Amérique du nord était stigmatisante à l’égard des populations africaines, l’utilisation d’images des différentes marches des fiertés dans de nombreux médias européens – notamment espagnols – a largement contribué à la stigmatisation de la communauté LGBTQI+.

>> À lire aussi : pourquoi la propagation de la variole du singe dans le monde surprend

“Depuis le 3 juin, la France compte [912 cas] de variole du singe, presque exclusivement des HSH, mais difficile de trouver un discours de prévention spécifique”, déplorait début juin VIH.org, portail d’informations au service des professionnels de santé et des personnes atteintes du VIH. “Les autorités françaises n’ont, pour l’instant, pas choisi de communiquer spécifiquement en direction des hommes homos et bisexuels, en partie par crainte de provoquer des réactions homophobes”. 

En effet, si les experts et agences sanitaires s’accordent à dire que la communication est essentielle pour limiter l’ampleur de l’épidémie, il faut que cela se fasse sans qu’aucun groupe donné ne soit pointé du doigt.

“Ce n’est pas parce qu’il existe une réalité statistique qui appelle des réponses ciblées que la stigmatisation et les discriminations sont acceptables”, a affirmé à Numerama Camille Spire, présidente d’Aides, une association de lutte contre le VIH. “Elles sont même extrêmement délétères sur le plan sanitaire. Chaque remarque homophobe éloigne encore un peu plus les personnes concernées du soin. Elles n’iront pas consulter de crainte d’être à nouveau discriminées.”

Le 8 juillet dernier, la Haute autorité de santé a préconisé de proposer la vaccination contre la variole du singe aux groupes exposés, et pas seulement aux cas contacts. Une recommandation que le ministère de la Santé a indiqué suivre dans la foulée. Sont concernés les homosexuels et les personnes rapportant des partenaires sexuels multiples, les personnes prostituées, ainsi que les “professionnels des lieux de consommation sexuelle”.

L’Europe est la région du monde la plus touchée par la variole du singe. La Commission européenne a ainsi annoncé, le 18 juillet, l’achat de plus de 54 500 doses supplémentaires du vaccin contre la variole du singe, s’inquiétant d’une augmentation des cas de “près de 50 %” dans l’Union européenne en une semaine. Le Comité d’urgence de l’OMS doit se réunir le 21 juillet pour déterminer les moyens de juguler la flambée de cas.

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