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En Tunisie, l'auteur de la nouvelle Constitution désavoue le texte publié par la présidence

Le juriste chargé de la rédaction d’une nouvelle Constitution pour la Tunisie a publiquement critiqué dimanche le texte publié au Journal officiel, dont l’adoption lors du référendum prévu le 25 juillet pourrait selon lui “ouvrir la voie à un régime dictatorial”.

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L’universitaire chargé de la rédaction de la nouvelle Constitution tunisienne a vertement désavoué, dimanche 3 juillet, le texte publié par la présidence, estimant que celui-ci pourrait octroyer au président “des pouvoirs très larges” lui permettant de gouverner sans garde-fou.

Sadok Belaïd, chef de la Commission nationale consultative pour une nouvelle République, chargée par le président Kaïs Saïed de rédiger une nouvelle Constitution, lui avait remis son projet le 20 juin. Mais dans une lettre publiée par le journal Assabah, le juriste se dissocie totalement du texte rendu public jeudi par le chef de l’État, qui s’était arrogé les pleins pouvoirs il y a près d’un an en limogeant le gouvernement et en suspendant le Parlement dominé par le parti islamo-conservateur Ennahda, sa bête noire.

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Le projet publié au Journal officiel “n’appartient en rien à celui que nous avons élaboré et présenté au président”, a dit Sadok Belaïd.

Le désaveu est d’autant plus cinglant qu’il émane d’un juriste respecté, proche du président, et qu’il donne du crédit aux accusations de l’opposition selon lesquelles le projet de Constitution consacre un pouvoir autoritaire aux mains d’un seul homme.

Le projet accorde en effet de vastes pouvoirs au chef de l’État, marquant une rupture radicale avec le système plutôt parlementaire en place depuis 2014, source de conflits récurrents entre les branches exécutive et législative.

“Des défaillances considérables”

“En ma qualité de président de la Commission nationale consultative (…), je déclare avec regret, et en toute conscience de la responsabilité vis-à-vis du peuple tunisien à qui appartient la dernière décision, que la Commission est totalement innocente du texte soumis par le président au référendum”, a-t-il ajouté.

Selon lui, le projet publié par Kaïs Saïed “renferme des risques et des défaillances considérables”. Il cite notamment un article sur le “péril imminent” qui garantit au chef de l’État “des pouvoirs très larges, dans des conditions qu’il détermine seul, ce qui pourrait ouvrir la voie à un régime dictatorial”.

C’est justement en invoquant un article similaire qui figurait dans la Constitution de 2014 que Kaïs Saïed s’était arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021 après des mois de blocages politiques, faisant vaciller la jeune démocratie dans le pays d’où les révoltes du Printemps arabe étaient parties en 2011.

Sadok Belaïd a aussi relevé “la non-responsabilité politique du président de la République” dans le texte publié, ce qui lui permet de gouverner sans garde-fou.

“Le texte que j’ai mis au point après plusieurs semaines de travaux avec la participation de plusieurs dizaines d’experts à tous les niveaux est tout à fait différent du texte qui a été publié pour être soumis au référendum”, a insisté Sadok Belaïd auprès de l’AFP, estimant que le projet dans sa forme actuelle présageait d’un “mauvais futur” pour la Tunisie.

“Deux droites parallèles”

Selon lui, le texte “minore le pouvoir législatif, accroît d’une façon démagogique les pouvoirs du président de la République et soumet le système judiciaire à sa volonté”.

Son texte et celui publié par le président sont tellement différents à ses yeux qu’il les compare à “deux droites parallèles”.

Le texte amendé confirme la présidentialisation attendue du régime en stipulant que le “président de la République exerce le pouvoir exécutif, aidé par un gouvernement dirigé par un chef de gouvernement” qu’il désigne.

Ce gouvernement ne sera pas présenté au Parlement pour obtenir la confiance.

En outre, le président jouira de vastes prérogatives : il est le chef suprême des forces armées, définit la politique générale de l’État et entérine les lois. Il peut aussi soumettre des textes législatifs au Parlement, qui doit les examiner “en priorité”.

Outre le fait que le texte réduit considérablement le rôle et le pouvoir du Parlement, il prévoit également la mise en place d’une seconde chambre, “l’Assemblée nationale des régions”. Il ne comporte par ailleurs aucune mention de l’islam comme “religion d’État” contrairement aux précédentes Chartes.

Avec AFP

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