Plusieurs centaines de manifestants indigènes ont défilé, mercredi, à Quito pour réclamer la reprise des négociations suspendues la veille par le président Guillermo Lasso. Il refuse de discuter “avec un pistolet sur la tempe”.
Alors que la mobilisation entre dans son dix-septième jour, mercredi 29 juin, la perspective d’une sortie de crise immédiate s’éloigne en Équateur, le gouvernement de Guillermo Lasso refusant de négocier “avec un pistolet sur la tempe”.
Quelques milliers d’indigènes ont marché dans les rues du centre-ville de Quito, ainsi qu’aux abords de la présidence, dans le quartier historique de la capitale, pour réclamer “la reprise des négociations”. En plus ou moins petits groupes, et sans incident notable, les manifestants ont arpenté avenues et carrefours du secteur, dans le voisinage du Parlement et autour du Centre culturel équatorien (CCE), un vaste centre culturel indigène qui leur sert de QG et de base de vie.
“Nous sommes ici pour résister (…), nous resterons tant que le gouvernement ne nous donnera pas de réponse”, tempêtait Isak, 28 ans, déguisé en Captain America, bouclier étoilé compris. “Nous sommes pauvres, nous avons faim, nous n’avons rien à perdre.”
“Nous ne voulons pas dix cents (en référence à la baisse du prix des carburants annoncée par le gouvernement), nous voulons des résultats !”, scandait la foule bigarrée.
Dans les rues étroites du centre historique survolé par un hélicoptère, tous les commerçants s’empressaient de baisser leur rideau à l’approche du cortège. Depuis le début de la contestation le 13 juin, les abords du Palais Carondelet, la présidence, sont fortifiés derrière de lourdes grilles de fer et des cordons policiers.
Des négociations suspendues
La veille, le président conservateur Guillermo Lasso a suspendu le dialogue initié avec des représentants indigènes, dont Leonidas Iza, chef de la puissante Confédération des nationalités indigènes (Conaie, fer de lance des manifestations), après une attaque en Amazonie au cours de laquelle un soldat a trouvé la mort.
Guillermo Lasso a posé comme condition à une reprise des discussions la présence de “représentants légitimes” des indigènes “ouverts à un dialogue réel et franc”.
“Nous sommes prêts à écouter, à dialoguer, mais nous ne le ferons pas avec un pistolet sur la tempe”, a ajouté mercredi son ministre des Affaires gouvernementales, Francisco Jimenez. “Ils ne peuvent pas continuer les agressions contre la population, bloquer les routes, essayer de mettre le chaos dans le pays”, a accusé le ministre sur un média local, en jugeant toutefois les dernières manifestations “beaucoup plus petites”.
De son côté, Leonidas Iza a semblé adopter une posture plus conciliante : “Toutes les marches et mobilisations doivent se dérouler dans le calme. N’utilisons plus de prétextes pour ne pas vouloir dialoguer”, a-t-il plaidé dans la nuit, peu après avoir assuré “laisser la porte ouverte” à une reprise du dialogue.
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L’état d’urgence décrété dans quatre provinces
Six personnes, cinq manifestants et un soldat, ont été tuées depuis le début des manifestations. Plus de 600 personnes, civils ou membres des forces de sécurité, ont été blessées, avec quelque 150 arrestations, selon des observateurs.
La capitale, où sont rassemblés des milliers de manifestants indigènes, sur les 14 000 dans l’ensemble du pays selon la police, est au coeur de la mobilisation. Quelques petites contre-manifestations pro-gouvernementales s’y déroulent également, à bord de véhicules, dans la partie nord et aisée de la ville, épargnée par les manifestations.
Le gouvernement avait mis fin, samedi, à l’état d’urgence décrété une semaine auparavant dans six des 24 provinces. Mercredi, il l’a décrété à nouveau dans quatre provinces hors de la capitale, dans la partie andine (Azuay, Imbabura) et en Amazonie (Sucumbios et Orellana). Cette mesure de trente jours, prévoyant également un couvre-feu, a été prise après des “actions violentes qui ont troublé l’ordre public”, et vise à garantir la sécurité publique et l’approvisionnement de ces provinces en produits de première nécessité
Les paysans indigènes du Cotopaxi, à une cinquantaine de kilomètres au sud de la capitale, ont promis pour jeudi une “mobilisation massive” à Quito, où la présence indigène semble s’être réduite ces derniers jours.
Avec AFP